Les miles, le niais et le Travel Manager

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Si aujourd'hui vous devenez une victime des programmes de fidélisation des compagnies aériennes et y perdez des points, vous ne risquez plus de vous faire traiter de niais(e). Ceci peut arriver plus facilement que l'on croit, comme nous l'explique Ravindra Bhagwanani, gérant de Global Flight.

Les FFPs: Les chou-choux des alliances

Et surtout plus facilement qu'il y a encore quelques années. Il y a tout juste 15 ans que la Star Alliance a été créée, poussée par les initiatives de Lufthansa et United. Un des avantages que l'on nous a promis à l'époque était l'harmonisation des programmes Frequent Flyer. Certes, "harmonisation" est la mauvaise expression puisqu'une telle n'a jamais eu lieu, mais une reconnaissance mutuelle à travers l'alliance est aujourd'hui plus ou moins acquise. Néanmoins, si vous êtes détenteur d'une carte Gold de TAM, il vaut mieux que vous ayez appris le chinois si vous essayez d'accéder à un salon à Xiamen grâce à votre carte.

Néanmoins, les avantages liés aux FFPs sont toujours mis en avant quand les alliances veulent justifier leur existence. Il y a d'autres avantages, mais parfois ceux-ci se relativisent rapidement. Je me rappelle la discussion que j'ai eue avec un manager de Malaysia Airlines il y a plusieurs années (quand personne ne parlait de joindre une alliance à Kuala Lumpur) qui se moquait de l'avantage du through check-in. "Le through check-in ? On le pratique chez nous depuis les années 30 et nous n'avons jamais eu besoin d'une alliance pour ceci."

Mais revenons aux programmes de fidélisation et à la réalité 15 ans après. Fin janvier, Spanair a fait faillite et des centaines de milliers de clients ont perdu tous leurs points. Elle était où, la Star Alliance ? On ne le sait pas, mais pas aux côtés de ses clients ! Le 20 avril, la Star Alliance a annoncé que British Midland quitterait l'alliance - le 20 avril ! Encore une fois, de nombreux clients de Star qui ont opté pour le programme de British Midland n'avaient pratiquement aucune chance d'utiliser leurs miles, surtout comme le partenariat avec le groupe Lufthansa a été terminé presque sans aucun préavis - et avec un préavis de 6 semaines pour les autres partenaires. 2 millions de nouveaux nés idiots innocents en trois mois - un village qui devient une mégapole à une vitesse plus hallucinante que toutes ces villes qui apparaissent sur une carte de la Chine.

Deux exemples extrêmes qui coïncident avec le 15ème anniversaire de la Star Alliance, mais qui ont sérieusement endommagé la confiance de beaucoup de clients. Un peu en Star, mais surtout en le système des programmes Frequent Flyer en général. C'est vrai, beaucoup de compagnies aériennes ne font pas grande chose pour rétablir cette confiance en dégradant les programmes de manière permanente. Si je ne prends qu'une petite sélection de programmes qui a réduit la valeur de leurs programmes soit en augmentant les barèmes de primes, soit en réduisant les points crédités depuis le début de l'année, la liste comprend des compagnies aériennes aussi diverses que Lufthansa, Singapore Airlines, Etihad, Czech Airlines ou Kingfisher Airlines. Les programmes ayant annoncé des améliorations nettes sont, par contre, plus rares. Autre que SAS, il n'y a rien qui me vient à l'esprit spontanément.

La mise en question de la valeur

Et ceci est encore plus grave pour ceux avec une mémoire un peu plus longue. En 1997, une prime en classe d'affaires entre Paris et Hong Kong coûtait 120 000 miles sous le programme Fréquence Plus, plus les taxes aéroportuaires d'env. 200F. Aujourd'hui avec Flying Blue, le même vol coûte 160 000 miles et 496 euros. Ouch !
(Juste une petite consigne à titre personnel : Les suppléments sont souvent négociables. Il m'est déjà arrivé de réussir à faire baisser ces suppléments de plus de 40% juste en demandent de les recalculer une deuxième fois. Il semble qu'il existe des programmes ayant recours au tirage au sort plutôt que basés sur un calcul réel !)

Mais est-ce que tout s'est détérioré dans l'univers des miles ? Non, mais ils sont devenus plus complexes. Il ne suffit plus de s'inscrire à n'importe quel programme en espérant le meilleur. Les FFP sont devenus le jeu préféré des compagnies aériennes pour attirer les meilleurs clients vers elles. Il n'étonne donc pas que les différences entre les 200 programmes sont énormes aujourd'hui. Ainsi, on trouve encore à ce jour des programmes qui vous proposent ce vol en classe d'affaires à Hong Kong pour 80 000 miles. Ou bien qui ne vous prennent pas de suppléments quelconques sur les vols de prime, où un vol "gratuit" signifie encore gratuit pour de bon. Et grâce aux alliances, ces possibilités se trouvent souvent dans leur propre camp. Air France, par exemple, participe actuellement à 19 programmes différents. Il y a donc de fortes chances que l'on y trouve des propositions plus attrayantes que celles de Flying Blue !

A titre personnel, je peux vous assurer que les miles ont encore une valeur exceptionnelle. J'en possède actuellement environ 1 million à travers tous les programmes et en cumule plusieurs milliers dans une semaine moyenne. Et pratiquement sans efforts quelconques, tous ces miles nous aident à réduire le budget aérien modeste de notre TPE d'au moins 40% année après année.

La corrélation étonnante entre le travel management, le modèle allemand et les niais

Ce qui m'amène à un mot final pour nos chers Travel Managers qui voient souvent ces programmes d'un mauvais œil puisqu'ils rendent les voyageurs bien plus puissants que chaque politique de voyage [laissez les miles au libre usage de chacun, concluez un accord compétitif avec Finnair et je vous souhaite bonne chance pour essayer de retrouver vos voyageurs vraiment sur les avions de Finnair comme vos voyageurs trouveront toujours une excuse inédite pour choisir - exceptionnellement - Air France ou KLM pour leurs déplacements ! Ce qui est dommage puisqu'ils ne découvriront ainsi jamais le salon de Finnair à Helsinki qui semble vraiment être un des meilleurs.]: Les programmes Frequent Flyer ne sont pas vos ennemis ! Au contraire, dans la plupart des cas, les entreprises ne trouvent plus de moyens pour réduire leurs budgets aériens. Sachez que si vous récupérez les miles de vos voyageurs, vous pouvez vous attendre à des économies de l'ordre de 10%. (Oui, nous en faisons 40%, mais restons modestes. Avant d'entamer le saut en hauteur, il faut savoir marcher !) Une procédure pour laquelle tous les outils nécessaires existent sur le marché depuis fort longtemps. Il semble donc que les miles peuvent bien servir à quelque chose…

Oui, on a trop parlé du modèle allemand ces derniers mois, mais il est vrai que même cette discussion quant à la récupération des miles a eu lieu il y a fort longtemps. Aujourd'hui, il y est considéré comme tout à fait normal et logique de récupérer les réductions qu'un voyageur d'affaires gagne par le biais des dépenses de sa société. Ce n'est pas le modèle qui fait la différence mais tous ces petits aspects et les acteurs, pas votre voisin ou Monsieur untel mais vous qui donnez des avantages en nature non taxés à un certain groupe de votre collectif au lieu de réduire les dépenses de votre entreprise !

Notre monde de miles est devenu trop cruel pour que je puisse vous donner une garantie quelconque de ne jamais vous retrouver en position de niais. Mais une bonne approche réduit quand même considérablement les risques, y compris le risque de devoir expliquer à votre directeur financier pourquoi vous ne vous êtes jamais engagé dans cette mine d'or.

Ravindra BHAGWANANI
Gérant Global Flight.