Les ministres, la table ronde et la souris

72

C’est déjà une vieille histoire en passe d’être oubliée. Le traitement des passagers pendant la crise météorologique subie par les aéroports parisiens a provoqué l’indignation des médias et, bien entendu, des responsables politiques. On allait voir ce que l’on allait voir ! Réunion de tous les responsables immédiatement, explications exigées et… sanctions inévitables ! Bref, on n'était pas loin du « grand soir ». Le même scénario s’est d’ailleurs produit il y a quelques années, pour les mêmes raisons, le ministre concerné à l’époque - Dominique Bussereau - étant d’autant plus en colère qu’il avait été bloqué pendant deux heures dans un avion à Bordeaux.

Et les mêmes causes produisant les mêmes effets, la fameuse table ronde organisée à grands renforts de communiqués de presse... a accouché de la souris traditionnelle. Quelques petites mesures qui ne font de mal à personne : un peu plus de glycol ici, un peu plus de concertation de là et le tour est joué.

Est-ce satisfaisant ? Certainement pas, car à la prochaine tempête de neige, les passagers continueront à être traités de la même manière.

Est-ce inéluctable ? Oui. Il n’est pas possible en une réunion fut-elle largement médiatisée, de régler des problèmes insolubles.

Car enfin, que reproche-ton aux acteurs de ce déplorable épisode ? De ne pas avoir fait face aux intempéries ? Mais alors, cela est vrai de l’ensemble des services de voirie de toutes les communes de la région parisienne, y compris de celle dont Madame le Ministre est maire. Cela est vrai également des services nationaux puisque même les autoroutes se sont retrouvées bloquées. De ne pas voir assez informé les passagers ? Certes, mais à qui la faute ? Aux aéroports ou aux compagnies aériennes ? Après tout, les clients sont ceux des transporteurs, même si les aéroports prélèvent leur dîme sur chaque passager et les transporteurs eux-mêmes étaient dans l’incertitude quant au départ de leurs appareils. Et puis les services téléphoniques des compagnies ont été débordés et dans l’incapacité de fournir une information exacte à leurs passagers.

Il reste qu’à ma connaissance, Orly n’a jamais été fermé et que les utilisateurs de cette plateforme ont été mieux traités que ceux de Charles de Gaulle. Voyons-y à la fois l’efficacité du management et la capacité de gérer un ensemble encore à taille humaine contrairement à Charles de Gaulle, trop grand et surtout trop compliqué.

Nous avons eu déjà l’occasion de le dire, ce qui a manqué pour l’essentiel est la coordination entre tous les acteurs du transport aérien, depuis les services météorologiques jusqu’aux assistants aéroportuaires en passant pas les compagnies, l’Aviation Civile et tous les services techniques. Ces acteurs ne se parlent pas tout au moins pas suffisamment. Il n’existe aucun organisme de concertation. Comme toujours, chacun travaille dans son coin et lorsqu’un problème arrive, chaque acteur concerné s’acharne à trouver la cause chez un autre intervenant alors qu’il serait certainement plus utile de mieux se connaître, car après tout, tous travaillent pour la même cause.

Il me reste une petite interrogation. Il est bien sûr tout à fait clair que les aéroports ne peuvent pas être durablement suréquipés. Cela constitue des investissements improductifs qui seraient certainement mieux employés autrement. Mais tous les grands aéroports français, et européens, possèdent tout de même des matériels importants qui ne sont que rarement employés. Or lorsqu’une crise climatique attaque une région, il est bien rare que celle-ci soit à l’échelle d’un pays. En conséquence, les matériels de déneigement situés dans les aéroports non touchés pourraient probablement être mis à la disposition de ceux qui se trouvent dans la détresse. Pourquoi Lyon, Bordeaux, voire Strasbourg et Nantes n’ont-ils pas envoyé un renfort qui aurait été le bienvenu ? Après tout, il est possible que personne ne leur ait rien demandé, puisqu’aussi bien, les responsables ne se parlent pas entre eux.

Pourquoi la coopération entre les villes, les régions, voire les pays, qui marche bien dans la lutte contre les incendies, ne serait-elle pas organisée entre les aéroports ?

Il faudrait pour cela qu’un lieu de concertation existe. Encore une fois, pourquoi ne pas utiliser la FNAM -Fédération Nationale de l'Aviation Marchande - qui est censée réunir tous les acteurs du transport aérien. Même si les aéroports et certaines compagnies sont groupées dans une autre organisation (le SCARA) n’adhèrent pas, ce qu’ils devraient faire ?

La prochaine crise engendrera encore les mêmes dysfonctionnements et sera suivi d’une table ronde identique qui accouchera de la même souris.

Enfin soyons optimistes, le pire n’est jamais certain et nos responsables politiques pourront peut-être forcer les acteurs à s’organiser avant que les problèmes surgissent.

Jean-Louis BAROUX