Les nouveaux vautours de l’aérien

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Lorsqu'il avait accepté de rencontrer les Travel managers présents en 2011 à Montréal dans le cadre de la Flying business Travel association, Pierre Jeanniot, ancien PDG d'Air Canada et Président pendant six ans de IATA, n'avait pas manqué d'évoquer les mutations attendues du transport aérien. Bien sûr, le prix des billets était au centre de la discussion mais au-delà, et l'histoire lui donne raison, c'est la nature même des lignes exploitées par les compagnies qui bouge. Les nouveaux "vautours de l'aérien" se mettent en place. Tout leur savoir-faire réside dans leur capacité à réagir aux événements et dans l'instantanéité des décisions prises.

On a souvent cru que seules les low cost étaient capables de s'adapter aux besoins économiques des voyageurs. On s'est rendu compte, il y a à peine un an, que pour survivre, ces entreprises à bas prix se devaient également d'attaquer de nouvelles clientèles. EasyJet l'a par exemple bien compris en se tournant vers le Business Travel qui n'était pas dans son modèle économique de départ. Aujourd'hui, face aux demandes mouvantes des clients et à la crise économique naissante, il est indispensable pour les compagnies aériennes de se positionner très rapidement sur les marchés. L'exemple de la compagnie XL Airways est intéressant. En annonçant qu'elle allait se substituer à Windjet pour relier Paris à la Sicile, son PDG Laurent Magnien, a parfaitement compris l'intérêt d'être là où l'attente d'un bon rapport qualité-prix est forte. Bien sûr, la compagnie ne vise pas une clientèle d'affaires sur cette liaison, loin de là, mais force est de constater qu'elle a su transporter des voyageurs d'affaires vers New York et sans doute demain vers les Antilles. Car toute la force de ces nouveaux pirates de l'air, au sens noble du terme, réside dans leur capacité de répondre aux demandes des clients, sans état d'âme ni perte de temps. Il est clair que l'exemple va être suivi pour ne pas dire développé et amplifié. Ryanair, officiellement honnie par ses clients mais utilisée par tous, a déjà démontré que l'on pouvait quitter une plate-forme aéroportuaire pour une autre et ce, en quelques semaines. Les avions sont ainsi redistribués comme les hôtels ou les maisons d'une partie de Monopoly. Vite, avec une précision chirurgicale et une parfaite connaissance du nouveau marché. Voilà donc ce qui pourrait bousculer le voyage d'affaires ces prochaines années. Une adaptation quasi permanente sur des courts et moyen-courriers. Mais Pierre Jeanniot l'avait bien précisé : "Plus que partout ailleurs, il faut se méfier des modes dans l'aérien. On ne sait jamais combien de temps elles vont durer". Là est la vraie question.

Marcel Lévy