Lettre ouverte à Mme la ministre des Transports

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Cette semaine, Jean-Louis Baroux, fait part dans une lettre ouverte adressée la ministre des Transports, Élisabeth Borne, de ses propres conclusions au terme des Assises du Transport Aérien. Il pointe du doigt les limites des mesures annoncées.

Madame la Ministre,

J’ai sous les yeux le texte du discours que vous avez prononcé en clôture des Assises du Transport Aérien, et je ne vous cache pas ma perplexité.

Je note d’abord qu’il recèle de bonnes intentions. Les quatre priorités que vous dégagez ne souffrent pas de discussion. Je me permets de les rappeler :
- La transition écologique pour faire accepter le transport aérien par les populations
- La performance économique du secteur aéronautique
- La connectivité des territoires
- La défense de la position de la France dans le domaine aéronautique

Tout cela est bel et bon. Plus intrigantes sont les mesures concrètes que vous proposez.

Les Assises du Transport Aérien ont été lancées à grands sons de trompe non pas depuis un an, mais depuis 18 mois. C’était à l’automne de 2017, si j’ai bonne mémoire. L’initiative a suscité de grands espoirs parmi les acteurs de ce secteur d’activité. Comme vous le signalez avec justesse, les travaux accomplis ont été considérables. Les conclusions ne sont hélas pas à la hauteur et de loin. Prenons les objectifs un par un.

L’acceptabilité du transport aérien par les populations. Je relève au moins deux contradictions dans les conclusions par rapport à l’objectif. La première a trait à la situation d’Orly. Cet aéroport ne bénéficie pas des mêmes conditions de gestion environnementale que Charles de Gaulle. Ce dernier est géré par des quotas de bruit qui assurent aux riverains une diminution régulière des nuisances, alors qu’Orly l’est par des quotas de mouvement qui permettent l’acceptation sur la plate-forme des appareils les moins performants et donc les plus polluants. Il serait tout de même sage de traiter sur un pied d’égalité les riverains des deux grands aéroports parisiens. Par ailleurs vous souhaitez renforcer les dessertes des petites villes avec Orly et c’est très louable. Mais comment faire si les mouvements d’avion restent limités à leur niveau actuel ?

La performance économique du secteur. Il est clair que nos compagnies aériennes sont moins performantes que celles de nos voisins immédiats : Allemagne, Grande Bretagne, Espagne, voire Pays Bas. Le différentiel est encore plus grand comparé aux compagnies du Golfe, de Chine ou des États-Unis. Si les conditions d’exploitation étaient comparables, cela signifierait que soit les dirigeants des compagnies aériennes françaises sont incompétents, soit que les personnels ne sont pas assez performants. Je suis certain que les dirigeants que vous avez dû rencontrer vous ont convaincus du contraire. Reste alors à prendre les mesures aptes à créer les conditions de compétitivité pour les opérateurs français. Les demi-mesures proposées ne pourront pas y changer grand-chose. Il ne suffit pas de demander aux autres pays de moins soutenir leur transport aérien, il faut que la France en fasse autant ou alors il faut bien admettre que ce secteur d’activité n’est pas stratégique. C’est d’ailleurs ce qui ressort tout de même un peu de votre discours lorsque vous écrivez, je cite : "L’effort que l’État accomplit à un moment où ce qui s’exprime dans le pays n’est pas spontanément un soutien à la compétitivité de notre transport aérien".

La connectivité des territoires. Là encore le souhait de la voir très nettement améliorée ne peut être discuté. Mais alors il faudrait libéraliser les mouvements à Orly pour les appareils de moins de 100 places. Et puis pourquoi la SNCF ne créerait-elle pas une compagnie aérienne, sous-traitée par exemple à l’un des opérateurs actuels, appelée "SNCF by Air" qui aurait pour objet de remplacer des trains peu remplis par des services aériens compétitifs avec un enregistrement des passagers dans les gares afin de préserver l’implantation de la marque ferroviaire ? Et puis beaucoup de petites localités pourraient être desservies par des hélicoptères ce qui ne nécessite pas d’infrastructures au sol importantes. Un fort soutien des services de la DGAC serait certainement très apprécié.

Le tout pour défendre la position de la France. Il est vrai que notre pays dispose de grandes facilités et d’une forte culture aéronautique. Nous avons sur notre territoire l’un des deux grands constructeurs mondiaux d’avions mais aussi d’hélicoptères, des plates-formes aériennes de bonne capacité et une des 5 premières compagnies mondiales. Défendre le secteur est tout à fait essentiel. Mais pour cela, le transport aérien doit devenir réellement stratégique, comme d’ailleurs vous l’évoquez plusieurs fois dans votre discours.

Mais cela n’en prend pas le chemin.

Je vous prie de recevoir Madame la Ministre, l’assurance de ma haute considération.

Jean-Louis Baroux