Mais à quoi sert IATA ?

1609

Bonne question que celle posée aujourd'hui par notre chroniqueur et spécialiste de l'aérien, Jean Louis Baroux. IATA, le monstre associatif qui regroupe les plus grandes compagnies au monde, est-il encore puissant ? Cette association a été fondée à La Havane en avril 1945, c'est-à-dire qu’elle a 65 ans aujourd’hui. Est-ce l’âge de la retraite ? A quoi sert-elle encore ?

Mais à quoi sert IATA ?
Fini le temps où elle se comportait comme un cartel des grandes compagnies aériennes, fixant lors de conférences bisannuelles les tarifs applicables par toutes les transporteurs. Qui se souvient encore du temps où les inspecteurs de IATA contrôlaient jusqu’à bord des avions, les billets des passagers afin de s’assurer qu’ils n’avaient pas payé un tarif inférieur à celui décidé dans les réunions tarifaires ? Des amendes importantes étaient infligées aux compagnies aériennes qui ne respectaient pas le jeu. Cette période est bien révolue depuis que le Président Carter, en 1978, a ouvert la voie à la concurrence. Laquelle est devenue la règle dans tous les pays, au point même que les pénalités qui s’appliquaient dans le passé aux transporteurs qui voulaient s’en servir, sévissent maintenant à l’encontre des compagnies qui ne la respectent pas. C’est bien ce qui vient d’arriver à certains transporteurs européens condamnés lourdement pour entrave à la concurrence et entente sur les tarifs cargo.

Que reste-t-il donc de IATA en dehors des déclarations tonitruantes de son directeur général, Giovanni Bisignani, lequel laissera d’ailleurs son fauteuil en juin 2011 ?

Eh bien quoi qu’on en pense, cette organisation est encore terriblement puissante. D’abord parce qu’elle contrôle le BSP (Billing Settlement Plan) qui gère dans la quasi-totalité des pays du monde - à la notable exception des Etats Unis - la billetterie neutre. Il faut reconnaître que ce produit créé par Brian Barrow en 1971 est devenu la plus formidable machine à fluidifier les flux monétaires dans le transport aérien. Avec 260 milliards de dollars de chiffre d’affaires et un taux d’impayé mondial de 0,03 %, le BSP s’est établi comme un outil incontournable. De nombreuses tentatives ont été faites pour établir un service concurrent, ce qui après tout est toujours possible, mais personne, même de très grosses institutions financières, n’a réussi jusqu’à présent à s’imposer. Les « low costs » même sont en train de venir à ce mode de distribution pour certains marchés secondaires alors qu’ils juraient leurs grands dieux que jamais ils n’utiliseraient ce système.

A ce formidable moyen de contrôle du transport aérien se rajoute l’Interline Clearing House, autrement dit les échanges financiers entre les compagnies aériennes. Il faut rappeler tout de même que le transport aérien est le seul secteur d’activité, avec sans doute les télécommunications, à être construit sur un concept mondial, avec un système d’échange de billetterie entre les compagnies aériennes parfaitement rôdé.

C’est ainsi que grâce à IATA, un agent de voyages peut émettre à Toulouse par exemple, un billet neutre pour un trajet entre Bangkok et Tokyo en passant par Hong Kong avec 2 transporteurs différents, et tout le monde sera payé. Formidable facilité si l’on veut bien y réfléchir, qui ne serait certainement pas possible sans IATA.

Il faut cependant mettre un bémol à ce qui paraît être un panégyrique de cette institution. C’est justement qu’elle n’est là que pour représenter ses membres qui sont tous des compagnies aériennes. Ces dernières considèrent avec grande condescendance les agents de voyages qui pourtant les font vivre. C’est ainsi que pour bénéficier de la possibilité d’émettre les fameux billets neutres, les agents de voyages doivent fournir de sérieuses garanties bancaires et au premier défaut de paiement, l’agrément est enlevé. Mais qu’en est-il des compagnies aériennes ? Quelles garanties ces dernières donnent-elles aux agents de voyages qui sont tout de même responsables devant leurs clients. Les transporteurs aériens seraient-ils invulnérables ? N’y aurait-il jamais eu de faillite ? Comment, dans de cas, les clients sont-ils protégés ? Il est grand temps que les relations entre les compagnies aériennes et leurs distributeurs soient traitées sur un pied d’égalité et non pas, comme le fait d’ailleurs la terminologie de IATA, de « principal », le transporteur, à l’ »agent », autrement dit de dominant à dominé.

IATA a encore un très grand rôle à jouer aussi bien dans le cadre de la distribution du transport aérien que dans celui de bonnes pratiques de sécurité, comme elle le fait d’ailleurs avec le programme IOSA. Elle devra bien également un jour devenir la référence économique pour le calcul des prix de revient du transport aérien afin de fournir aux compagnies agressées par des concurrents qui vendent à perte, un moyen de faire condamner les indélicats par les Tribunaux. Encore faudrait-il que les grandes compagnies représentées au Board de IATA le décident.

Le prochain directeur général devra bien prendre en compte ces grands sujets, sinon IATA perdra inéluctablement son influence et ce ne sera certainement pas bénéfique pour le transport aérien.

Jean-Louis BAROUX