Médiateur SNCF: 1 réclamation sur 2 obtient satisfaction

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C’est avec une grande discrétion, pour ne pas dire dans l’indifférence générale, que le rapport du Médiateur de SNCF Mobilités pour l’année 2017 a récemment été publié (le 13 avril). Comme chaque année depuis 2013, Pat notre chroniqueur ferroviaire s’attarde sur quelques passages de ce rapport, afin de les analyser et de les mettre en perspective.

Un Médiateur ? Non, une Médiatrice : Henriette Chaubon a pris ses fonctions il y a un an et signe ici son premier rapport annuel.

"Magistrate issue de la Cour de cassation où elle siégeait à la Chambre Criminelle jusqu’en septembre 2017, Henriette Chaubon est une personnalité indépendante, sans lien hiérarchique ni fonctionnel avec l’entreprise. Ceci est en parfaite conformité avec les exigences des textes européens et nationaux", nous rappelle le rapport annuel.

Un détail manque : de 2006 à 2013, Henriette Chaubon était directrice juridique du Groupe SNCF. Lorsqu’elles prenaient un tour juridique, les récriminations des voyageurs d’affaires finissaient donc déjà sur son bureau. Une expérience qui ne pourra que lui resservir même si, par nature, la médiation se situe sur un autre registre.

"Pacifier les tensions et enrichir les relations transporteur – client", c’est ainsi que la Médiatrice aborde son rapport annuel. Comme chaque année, on lira et retrouvera dans ce rapport, les misères, aléas, incidents, retards, situations particulières, erreurs auxquelles tout un chacun peut se trouver confronté lors de ses déplacements ferroviaires. Des choses finalement assez terre à terre qui ne soulèvent guère la passion. Le silence médiatique autour du rapport, cette année encore, témoignant sans doute et en outre d’une certaine lassitude.

Quelques chiffres…

La hausse des saisines du service de Médiation se confirme : 9 063 dossiers en 2017, c’est 5 % de plus qu’en 2016. Loin des 44 % supplémentaires constatés entre 2015 (5 945 saisines) et 2016 (8 588 saisines) mais poursuivant un accroissement constant en rythme de croisière. Il est vrai que c’est facile aujourd’hui puisque nul besoin de passer par le filtre des organisations agréées de consommateurs, supprimé en 2009. Il n’y a d’ailleurs plus qu’un tout petit 0,4 % des réclamants qui font appel à la médiation par l’entremise d’une organisation de consommateurs.

En volume, le nombre des saisines reste toutefois très marginal par rapport à la masse des voyageurs et donc des irritants toujours possibles. Ce ne sont en effet pas moins de 5 millions de personnes qui voyagent chaque jour sur le réseau ferré ! A comparer aux moins de 10 000 saisines de la Médiation. Elles-mêmes, petite proportion du million de courriers de réclamation que reçoit, bon an, mal an, le Service Relations Clients à Arras (pour la partie Grandes Lignes du moins, sur quelques 130 millions de voyages dans ce périmètre de l’activité de la SNCF). Tout ça pour ramener tout cela à de justes et modestes proportions.

De sorte que les chiffres de la Médiation n’ont certainement aucune réelle valeur probante sur le plan statistique. Cela-dit : en 2017, grosso-modo un tiers des réclamants obtiennent totalement satisfaction chez la Médiatrice, un quart partiellement. Tandis qu’un tiers se voient opposer un nouveau refus à ce niveau. Une répartition des décisions qui est conforme aux tendances des années précédentes.

On peut donc de nouveau retenir, qu’après un refus de première intention du Service Relations Clients du transporteur (SNCF Mobilités, Eurostar ou Thalys, ainsi que - de manière plus anecdotique - les Chemins de Fer de la Corse également), bien plus d’un réclamant sur deux obtient (enfin ?) satisfaction pleine ou partielle. Les voyageurs auraient donc tort de s’en priver.

Tout ça pour ça ?

Mais, derrière ce résultat positif à mettre à l’actif de la Médiation, qui sait s’il n’y aurait pas plutôt à s’en inquiéter en raison des efforts parfois démesurés des réclamants pour obtenir une réponse conforme à leur attente ? Une solution que le transporteur agrée finalement dans la très grande majorité des cas, comme le rapport le souligne.

La Médiation n’intervient en effet qu’après que le service clients du transporteur ait été préalablement saisi (par écrit). De source sûre, 70 % des réclamations sont traitées à ce niveau avec une réponse déjà totalement ou partiellement conforme à l’attente du voyageur. Normal ! On supposera que le voyageur a en général quelques bons arguments à faire valoir pour réclamer. Que le transporteur fasse amende honorable en accordant la compensation que de droit ou que les circonstances commandent, même pingre, est finalement heureux.

En cas de désaccord avec cette première solution (ou à l’occasion rejet de toute demande), dans la pratique le client réclame de nouveau auprès du même service en insistant sur le bien-fondé, à ses yeux, de sa demande et de ses observations.

La réclamation aura donc déjà été examinée deux fois (si ce n’est plus !) avant d’arriver dans les mains de la Médiatrice.

Et là, bingo ! Ce qui n’était pas possible avant, le devient le plus souvent. C’est bien. Mais c’est mal aussi. Car cela témoigne d’un effort maximal exigé du client. Ce qui n’est jamais très bon sur le plan de la qualité de la relation client. Si ce dernier est obligé de se battre et d’insister, quoique l’entreprise fasse au final, elle aura perdu du crédit à ses yeux.

Les professionnels du domaine mesurent d’ailleurs régulièrement cet effort dans un baromètre et, s’agissant des transports en général, ne manquent pas de souligner une relation complexe en fin de parcours pour les réclamations et l’après-vente. Une tendance maladive, propre au secteur, de chipoter parfois plus que de raison. Comment traduire autrement ce remerciement publié dans le rapport :

De nombreux problèmes liés aux correspondances

Au gré du rapport annuel, au travers des quelques exemples de situations succinctement décrites, le lecteur constatera que la recommandation de la Médiatrice conduit parfois à ce que le voyageur obtienne davantage que ce que les droits européens des voyageurs (notamment en matière de compensation des retards) lui accordent normalement. Et que certaines situations ont parfois du mal à entrer dans les cases des barèmes. Notamment, lorsqu’un voyage est réalisé en correspondance entre plusieurs transporteurs et que les retards se cumulent.

A l’heure où l’ouverture du marché amènera les voyageurs d’affaires à recourir successivement aux services de plusieurs opérateurs ferroviaires pour se rendre d’un point à un autre, avec de toujours possibles conséquences en cascade sur la finalité du voyage, ce sont des problématiques qui ne vont pas manquer de se présenter de plus en plus souvent.

Effets indésirables de la lutte anti-fraude…

2 312 saisines de la Médiation en 2017 ont concerné les procès-verbaux d’infraction, soit + 37 % en un an sur cette nature de dossiers. La Médiatrice y voit le signe de "la politique très active menée en matière de lutte contre la fraude". Un mal français selon Guillaume Pepy. Des fraudeurs qu’il s’est promis de bouter hors des trains !

Le problème de ce type de politique, même si elle est sans doute peu ou prou nécessaire pour répondre au mal dénoncé, c’est qu’elle tend à ramener dans les filets de la lutte anti-fraude des voyageurs qui n’ont manifestement pas le profil d’un délinquant.

Heureusement que la Médiatrice est là ! Pour classer le P.V. dressé pour voyage sans titre de transport à l’encontre d’une élève dont la carte scolaire n’avait pas été mise à sa disposition en temps et en heure. Ou pour minorer celui d’une voyageuse qui a cru à tort, mais probablement sans mauvaise foi ni chercher à resquiller, pouvoir bénéficier d’une réduction Carte Jeune de la SNCF avec la carte jeune diffusée par sa Région administrative. Là-aussi, l’ouverture du marché, s’il n’y a pas harmonisation tarifaire, risque de provoquer bien des situations litigieuses.

Des préconisations

Le rapport annuel se termine par les préconisations de la Médiatrice. Selon l’usage, il faudra attendre le prochain rapport dans un an pour avoir connaissance des suites données… ou pas !
Parmi d’autres, deux de ces recommandations soulignent les difficultés du voyageur lambda, amené à devoir mener lui-même en totale autonomie, de plus en plus d’opérations liées à sa commande d’un voyage en train sans forcément maîtriser tous les détails (après-tout, c’est un métier !).

La Médiatrice propose ainsi que les applications mobiles ne proposent plus, comme si de rien n’était, des tarifs associés à une carte de réduction qui est périmée. C’est bateau.

Et aussi, compte tenu du nombre de réclamations reçues à ce sujet, témoignant assurément d’autant de méprises, qu’il soit davantage souligné sur le site de vente en ligne de la SNCF que le retrait d’un billet sur borne libre service (BLS) s’entend dans une gare française (si elle est équipée, 3 sur 4 le sont, mais c’est mieux de le vérifier avant) et, par extension, Luxembourg qui propose une BLS bien française de la SNCF en complément des services des CFL. C’est pourtant bien précisé lors de la commande en ligne souligne la Médiatrice.

Un avant-goût des incompréhensions que ne manqueront peut-être pas de générer encore la multiplication des opérateurs et de leurs modes de distribution pour peu qu’ils ne soient pas compatibles entre eux, voire même que ces opérateurs n’aient pas du tout envie que ça le soit ?

Le prochain rapport s’écrit déjà…

La période n’est pas propice à une vulgarisation et une popularisation du rapport annuel du service de Médiation de la SNCF. Les voyageurs d’affaires et la SNCF elle-même ont bien d’autres préoccupations en cette période de conflit social qui dure.

Pour le moment, le Service Relations Clients de SNCF Mobilités (adresse nationale à Arras) voit certainement affluer des réclamations. Une partie moins visible des effets de la grève, avec des remboursements pas tous traités loin de là à première demande et immédiatement en face à face à un guichet de gare. A commencer par les billets des voyageurs d’affaires, achetés le plus souvent auprès d’agences de voyages et dont le remboursement passe par elles, à charge pour ces dernières de devoir souvent demander (et obtenir) une autorisation du transporteur. Quelque chose qui n’est pas toujours aussi fluide que Guillaume Pepy l’imagine et le promet.

La SNCF va faire de la pub pour informer sur les indemnisations. Fort bien. Mais on sait qu’il y a souvent loin de la coupe aux lèvres ! Des désaccords potentiels qui assurément amèneront leur lot supplémentaire de saisines de la Médiatrice en 2018.

PAT
Pour mémoire, cette même chronique sur les rapports annuels de la Médiation SNCF :

Le rapport 2016

Le rapport 2015

Le rapport 2014

Le rapport 2013
Notre chroniqueur ferroviaire a signé en 2013 aux éditions de La Vie du Rail, le recueil intitulé 130 lettres caustiques et cocasses à la SNCF, Ire et courroux de l’usager, "ce gobelin colérique et plaintif qui sommeille en chaque être humain ayant affaire à la SNCF lorsqu’elle est dans son tort"… (extrait, page 34) dont Paris-Match soi même a publié des extraits hilarants. A lire, relire ou découvrir.