Ne dites pas : «Cette hôtesse est une bombe», vous risquez deux ans de taule

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On ne se méfie jamais assez de son vocabulaire. En cette période troublée, où chaque mot est analysé, disséqué, principalement lorsque l'on prend l'avion, la moindre dérive peut s'avérer dangereuse. Évitez d'expliquer à votre voisin de vol que vos ventes explosent. Vous risquez de finir à Guantanamo pour ne pas dire rapatrié au Yémen.

La liste des expressions qui prêtent à confusion, voire qui excitent et énervent les responsables de la sécurité aérienne est assez longue. Un simple « boum » des ventes peut vous alerter une armée de shérifs énervés, capables de vous garder avec eux quelques mois juste pour bien comprendre ce que vous vouliez dire. Il va falloir vous habituer à ne plus parler de filles « canon », à ne plus évoquer le «débit de mitraillette» de votre collègue ou plus simplement à ne plus vous exploser, voir vous éclater, en boîte de nuit. Et si vous avez des pratiques religieuses, soyez discret: un juif orthodoxe qui s'apprêtait à nouer sur son front les phylactères (une petite boite noire, en carton, qui contient des versets de la Bible) a provoqué hier une alerte à la bombe. C'est sûr, la religion, c'est d'la bombe! Circonstances agravantes, il priait à voix haute en hébreu et comprenait mal l'anglais. Le comble pour un étranger, non ?
Si je vous mets en garde, c'est qu'aujourd'hui, la secrétaire américaine à la Sécurité intérieure, Janet Napolitano, vient expliquer en espagne aux Européens ce qu'elle attend d’eux en matière de sécurité aérienne. Elle n'aura qu'un seul mot d'ordre : nous convaincre de renforcer nos mesures de sécurité et nous inviter à mieux communiquer avec les services US de lutte contre le terrorisme. Si j'aime les États-Unis, et bien des travers qu’ils sont seuls capables de produire avec candeur, je suis toujours inquiet de leur vision du monde libre. Comme le rappelait un historien célèbre : depuis leur indépendance, cette fédération d'états a toujours connu des conflits directs, indirects, ou larvés. Plus de deux siècles continue de bisbilles et de fâcheries. Ils sont taquins, non ?
Leur façon de gérer la question indienne ou mexicaine, leurs expéditions en Asie, leur présence en Amérique du Sud a donné naissance à de très grands films et à des gigantesques catastrophes politiques. Comme le disait l'un des spécialistes israéliens de la sécurité, il y a dans la vision américaine «un mélange de Casse-Noisette pour la finesse et de Jerry Lewis pour la lourdeur». Bien évidemment, Janet Napolitano ne manquera pas de rappeler que c’est de l'Europe qu’est parti ce jeune Ghanéen auteurs de la tentative d'attentat larvée. Nul doute que nous saurons lui rappeler que depuis plus d'un an, la fourniture de données personnelles des passagers est devenue une obligation bien réelle pour entrer aux USA.
Je veux bien que nous apprenions à nous méfier, à condition qu'ils apprennent à lire. Normal.

Marcel Lévy