Ne m’obligez pas à vous mentir !

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Je n’ai pas besoin de vous rappeler qu’une vie d’homme et de femmes, malgré toute l’honnêteté et la probité de chacun d’entre vous, est faite de petits mensonges quotidiens. On ment pour se protéger, pour ne pas faire de peine, pour éviter d’avoir à dire la vérité ou, tout simplement, pour se donner le beau […]

Je n'ai pas besoin de vous rappeler qu'une vie d'homme et de femmes, malgré toute l'honnêteté et la probité de chacun d'entre vous, est faite de petits mensonges quotidiens. On ment pour se protéger, pour ne pas faire de peine, pour éviter d'avoir à dire la vérité ou, tout simplement, pour se donner le beau rôle dans des situations particulières. Je vous rassure, les Français ne sont pas plus ou moins menteurs que les autres Européens. Mais ils mentent différemment, si l'on en croit une étude allemande qui devrait être publiée à la fin de la semaine prochaine. Menée par l'université de Cologne, cette enquête cherche à comprendre ce qui différencie le mensonge en Europe.
Peut-on dire d'un Italien qui déverse quelques dizaines de compliments à une jeune femme qu'il est un menteur ? Tout au plus, ce sera un séducteur qui utilise (ou non, si elle est très jolie) le mensonge comme outil de « drague ». Ces petits mensonges de la vie quotidienne ne sont pas ceux qui ont intéressé nos chercheurs. Pour eux, mentir, c'est inventer ou déformer une vérité de façon profonde. Parmi les principaux mensonges, le fait de ne pas reconnaître une erreur est celui qui arrive en tête de l'étude. Mais il est loin d'être le seul. On constate par exemple que les Anglais, moins menteurs que les Espagnols ou les Italiens, mentent souvent pour s'inventer un rôle qu'ils n'ont jamais tenu ou un résultat qu'ils n'ont pas obtenu dans la réalité. Ce mensonge n'aura d'autre but que de glorifier leur propre action et de mettre en valeur des qualités...imaginaires. Pour les Allemands, on ne ment pas pour se protéger mais souvent pour protéger les autres. Par amitié, par conviction et surtout pour ne pas faire de peine à celui à qui l'on ment. On ment aussi beaucoup par peur de la hiérarchie et du regard des autres.
Chez les Français, le mensonge est plus subtil. Certes, il va servir là aussi à se donner le beau rôle ou appuyer des qualités qui, dans le quotidien, n'existent pas. Nos chercheurs ont constaté que les Français mentent souvent pour restituer une discussion dans laquelle ils font part de propos que, dans la réalité, ils n'ont pas tenus. Ils réinventent l'histoire, en quelque sorte. Ils mentent par peur de leur environnement familial ou professionnel. Beaucoup par stress. Le mensonge français est un mensonge le plus souvent exprimé au travail, auprès de ses proches et dans l'univers associatif. Pour les chercheurs allemands, Il existe ainsi et de fait une barrière entre le nord de l'Europe et le sud. Elle est invisible mais suffisamment forte pour faire basculer la conscience du menteur. En Angleterre, on peut aisément avouer son délit, ce qui est impossible en Italie ou en Espagne !
Mais le plus étonnant, pour nos chercheurs, c'est de constater que le mensonge quotidien est loin d'être considéré comme une mauvaise action. La quasi totalité des Européens considère que l'on peut mentir pour son bien à un enfant, à ses propres parents ou à ses propres amis. La taille du mensonge importe peu car généralement, ce sont des détails qui sont changés, modifiés, inventés. Et comme le disait un professionnel célèbre du voyage : « Mais cher monsieur, je ne mens pas: j'invente tout simplement la vérité ».

Marcel Lévy