Notre Dame des Landes et l’utilisation de l’argent public

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Finalement, le débat entre les opposants et les défenseurs du futur aéroport Notre Dames des Landes est en passe d’être tranché avant la fin du mois de janvier. Et ce n’est pas trop tôt. Après avoir entendu les conclusions des derniers experts nommés à l’automne, pris connaissance des innombrables rapports écrits depuis maintenant 54 ans - excusez du peu - et écouté les arguments finaux des parties en question, le Premier Ministre rendra sa décision.

On se demande bien pourquoi un tel projet, somme toute assez modeste tant au regard de l’économie française que du transport aérien, a pu causer un tel émoi. Passée l’idée première qui consistait à créer une plate-forme aéroportuaire pour une exploitation transatlantique avec le Concorde, projet curieux et qui a été abandonné faute de possibilités techniques liées à l’appareil, on l’a ressorti des cartons à la fin des années 1990 avec un objet différent : créer une grande plate-forme aéronautique pour le Grand Ouest.

Bon, pourquoi pas après tout, si le jeu en vaut la chandelle. Un aéroport est susceptible d’entrainer un fort développement économique, dès lors, pourquoi s’en priver ? Sauf qu’il ne suffit pas de créer une plate-forme aérienne pour en faire un succès. Les canadiens l’ont expérimenté durement avec l’aéroport de Mirabel dont tout le monde louait les extraordinaires capacités de développement et qui a été abandonné pour le trafic passagers car trop éloigné de Montréal. Plus près de nous, l’exemple de Vatry, même appelé de manière un peu abusive Paris-Vatry, montre également les limites de l’exercice.

Alors, ou bien la France est suffisamment prospère pour se payer des investissements, toujours d’ailleurs sous-dimensionnés, avec une rentabilité pour le moins hasardeuse, ou bien on utilise l’argent public pour le bien-être du peuple et en l’occurrence, s’agissant d’un aéroport, pour celui des passagers et des opérateurs aériens.

Il est intéressant de se rappeler la construction de la gare TGV de Lyon St Exupéry, aéroport appelé à l’époque Lyon Satolas. Ce superbe ensemble architectural a été ouvert le 03 juillet 1994 en vue de connecter les clients TGV au transport aérien. Et la gare a été desservie par des trains rapides en provenance de Paris, Lille, Marseille et Genève. Bien évidemment, aucun passager sérieux n’était partant de l’une de ces villes pour aller prendre un avion à Lyon. Or le coût a été si élevé, on a parlé d’un milliard et demi de francs pour un budget initial deux fois moindre, que les collectivités locales n’avaient plus d’argent pour créer une liaison en site propre afin de relier l’aéroport de Satolas et la ville de Lyon. Il a fallu attendre 2010, soit 14 ans plus tard, pour voir enfin la mise en place de cette indispensable desserte !

Il est bien à craindre que l’affaire de Notre Dame des Landes, si la décision de construire ce nouvel aéroport est prise, ne se traduise par les mêmes effets. Je note d’ailleurs que dans l’attente hypothétique de cette création, les investissements nécessaires à l’aéroport actuel de Nantes Atlantique n’ont pas été faits et il faudra bien y passer si l’arbitrage est pris en faveur de la plate-forme actuelle.

Si j’écoute bien les arguments des uns et des autres, nous sommes sortis des échanges rationnels. Il est clair que la saturation de Nantes Atlantique n’est pas pour demain. L’aéroport nantais traite autour de 5 millions de passagers. Avec un équipement équivalent (une seule piste et un enclavement dans son agglomération), l’aéroport de Genève en reçoit 16,5 millions et il continue à croitre. Gatwick, certes plus éloigné de la ville, traite plus de 30 millions de passagers toujours avec une seule piste. Il faut donc chercher ailleurs les raisons de ce débat.

Les Pouvoirs publics se sont mis en fâcheuse position en laissant s’installer des squatters sur le terrain dévolu à la construction de Notre Dame des Landes. Certains veulent montrer que l’on ne bafoue pas impunément l’autorité de l’Etat. Par conséquent, la meilleure manière de répondre est de créer l’aéroport. Seulement cet argument ne répond ni aux contraintes économiques, ni aux besoins des passagers.

Il faudra bien, de toutes façons, trouver une issue. Il me revient en mémoire une citation de Henri Queuille trois fois Président du Conseil de la Quatrième République et chantre de l’immobilisme : "Il n’existe pas de problème qu’une absence de solution n’arrive à résoudre".

Et pendant ce temps-là, on n’arrive pas à financer le Roissy Express !

Jean-Louis BAROUX