Oui, je crois au Père Noël !

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"Y’a-t-il un âge respectable qui empêche de réfléchir de façon optimiste à l’avenir ? Faut-il refuser de croire au futur sous prétexte que l’homme depuis des générations s’acharne à détruire son voisin ? Peut-on raisonnablement croire que seul le sombre occupe l’esprit des humains au point de lui faire oublier la lumière ?"

Ces questions, c’est Stefan Sweig qui les pose. A quelques mois de son suicide, en 1942 à Petropolis au Brésil, l’écrivain, ami de Freud, s’interrogeait toujours sur ce qui pourrait faire bouger les hommes. Né à Vienne, sensible à la montée de l’antisémitisme, il fuit l’Allemagne pour se réfugier à Londres. De là, il écrira dans "Le monde d’hier", un ouvrage autobiographique publié après sa mort, "C’est la découverte du monde qui évite le repli sur soi et donne de l’ampleur à la rencontre avec les autres". Sans le savoir, il était devenu le meilleur ambassadeur du voyageur. Le plus sensible à cette notion issue de la Bible qui conduit à aller voir de l’autre côté de la montagne : "L’herbe est toujours plus verte ailleurs".

D’une certaine façon, nous sommes tous des enfants de Sweig. Nous avons tous cette ambiguïté qui conduit du rire aux larmes. Ce sens de la découverte qui fait comprendre que le monde, finalement, est bien petit. Ce que Sweig n’avait pas anticipé, c’est que le voyage pouvait devenir source de misère. Les migrants, les crises économiques, les éléments climatiques, les attentats démontrent que rétrécir la planète n’apporte pas seulement que du bonheur.

Pour beaucoup d’entre nous, le voyage - même complexe et fatiguant - reste un élément fort de l’échange et de la découverte. Certains appellent cela "une bouffée d’air pro", un peu comme au retour de ces randonnées qui en mettent plein les yeux. Les études le confirment, voyager rend heureux. Non pas une béatitude naïve mais un réalisme enrichissant. Que demander de mieux ?

Mais si l’on parle très souvent des droits du voyageur, il faut aussi évoquer ses devoirs. Le premier d’entre eux, c’est regarder ce qui nous entoure pour mieux comprendre les cultures et les habitudes de vie souvent différente des nôtres. Il suffit de se promener dans une rue de Bamako pour se rendre compte que les traditions sont bien différentes de celles que nous vivons quotidiennement en France. La richesse, c’est d’être capable de s’en inspirer, de s’en accaparer pour enrichir son propre quotidien. Le voyage développe notre côté "éponge", celui de l’apprentissage permanent. Les couleurs, les odeurs, les organisations sont autant de petites choses, ancrées au fond de nous et qui attendent de ressurgir, un jour ou l’autre, au détour d’une réunion.

Sans tomber dans la caricature habituelle, regarder c’est aussi comparer. Loin de toute vision politique actuelle, de toute volonté d’exclusion des uns des autres, de tout angélisme parfois exagéré. Comparer, c’est souvent se comparer à son propre niveau miroir. On découvre vite, que ce soit en Inde ou en Chine, que la misère fait partie d’un monde en pleine mutation où le dieu technologique remplace toute autre forme de culture locale.

Tu l’auras compris, mon cher Père Noël, je ne vais pas te demander un monde meilleur pour demain. Je n’y crois pas. Tu n’y arriverais pas. Ce que je voudrais, c’est que la curiosité qui anime chacun d’entre nous se réveille dès que l’on passe une frontière ou, pourquoi pas, la porte de son propre bureau. S’intéresser sans préjugé, c’est commencer à comprendre. Comprendre, c’est commencer à apprécier. Apprécier, c’est apprendre à échanger.

Je rêve, cher Père Noël, qu’à chaque retour à mon bureau je puisse dire à mes amis ou à mes collègues : j’ai découvert un truc formidable que je veux évoquer avec vous. Garder en permanence cette petite flamme au fond des yeux qui fait que dans l’expression voyage d’affaires, j’enrichis à part égale le voyage et les affaires.

À part ça, je ne vois pas grand-chose à évoquer avec toi car l’incertitude fait partie de ce que nous vivons et personne ne saurait écrire aujourd’hui ce que nous traverserons demain. Même pas toi. S’il existe un dieu du business Travel, demande-lui quand même de veiller sur chacun de celles et de ceux qui court le monde quotidien pour assurer le développement de leur entreprise et de tous les salariés qui le concrétise. Qu’il fasse en sorte que l’on parte pour revenir.

Demain Père Noël, tu vas recevoir beaucoup de lettres. Ici, à la rédaction de Déplacements pros, nous avons demandé à des personnalités du voyage d’affaires de t’écrire pour te dire ce qu’elles aimeraient changer en 2017. Certain(e)s seront sans doute plus attachés à leurs affaires et à l’avenir de leur entreprise que d’autres. Ce dont je suis sûr, c’est que tous sont des rêves et des espoirs. Que tous croient en toi.

Demain Père Noël Bertrand Mabille, tu sais le boss de Carlson Wagonlit Travel, viendra exprimer ses attentes. Ce dont je suis sûr, c’est que sa lettre va te plaire autant qu’elle nous a plus.

N’oublie pas, cher Père Noël on se voit dans la nuit du 24 au 25 décembre. Promis, je ne révélerai pas qui se cache sous l'habit rouge. Un bon journaliste ne donne jamais ses sources !

Marcel Lévy