Papa, Maman, où il est mon cadeau ?

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Signe des temps, le cadeau rapporté aux enfants après un voyage d’affaires fait aujourd’hui figure de passage obligé pour tout parent digne de ce nom. Est-il pour autant nécessaire et que signifie-t-il aux yeux des parents ou de leurs enfants ? Autant de questions qui n’ont pas toujours les réponses que l’on croit…

Papa, Maman, où il est mon cadeau ?
« Dis, tu m’as rapporté quoi ? ». Combien de pères et de mères se sont vus, à cette phrase, crucifiés sur l’autel de la bonne conscience parentale ? A peine descendus de l’avion, poussé la porte de l’appartement familial, combien ont vus leurs valises prises d’assaut à la recherche du précieux sésame, jouet, livres… , symbole du retour du parent à la maison ?

Devenu quasi-obligatoire pour les voyageurs d’affaires, homme ou femme, ce cadeau de retour génère pourtant beaucoup de questions : « Est-ce une façon de m’excuser ? Vais-je l’habituer à des cadeaux systématiques ? Est-ce une manière de lui montrer que je me sens coupable d’être parti ? »… De leur côté, pédiatres et pédopsychiatres sont, une fois n’est pas coutume, unanimes sur le sujet : il faut rapporter un petit cadeau à son enfant quand on part en voyage d’affaires. La pédiatre Edwige Antier l’explique en ces termes : « le cadeau montre à l’enfant qu'on a pensé à lui, il concrétise le pays dans lequel on s’est rendu ». Stéphane Clerget, pédopsychiatre, auteur de « la mère parfaite, c’est vous » aux Editions Hachette confirme : « Offrir un cadeau est nécessaire. C’est un moyen pour l’enfant de se consoler du départ du parent, ça l’aide à supporter la frustration.

Cela permet de positiver un départ qui est, de toute façon, vécu comme un abandon et de donner un sens à ce voyage. Une façon de montrer que le parent part aussi un peu pour son enfant ».

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Papa, Maman, où il est mon cadeau ?
Sans entrer dans ces considérations psychologiques, rares sont pourtant les parents voyageurs qui reviennent valise vide d’un déplacement professionnel. « Le petit cadeau que je promets à mes enfants avant le départ les aide à mieux supporter la séparation », explique Carole V., cadre dans un groupe bancaire. Dans un sourire contrit, elle ajoute : « c’est aussi une façon pour moi de moins culpabiliser… ». Un aveu d’autant plus juste que le voyage d’affaires se féminise de plus en plus et que les mères, directement concernées par le problème, ont tendance a beaucoup plus culpabiliser que leurs maris…

Une tendance confirmé par Stéphane Clerget : « « Le cadeau est aussi important pour le parent que pour l’enfant et à ce titre, il est indispensable y compris pour les tout-petits. L’enfant de moins de un an n’est pas encore totalement « défusionné » de sa mère. Le cadeau, perçu par la maman comme une façon de déculpabiliser est donc très important pour le bébé qui va le vivre comme tel. Cela rassure l’enfant et lui assure que l’on continue à penser à lui, même quand on n’est pas là, ce qui n’est pas une évidence à ses yeux. ».

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Si le principe du cadeau est donc unanimement peu discuté, encore faut-il savoir quel objet rapporter. Premier élément de réponse, le prix ne doit pas entrer en ligne de compte. Le cadeau peut tout à fait avoir un caractère symbolique. « Pour un petit, une carte postale peut suffire », assure Edwige Antier. Le présent peut également avoir une valeur éducative, notamment si on voyage dans un pays étranger. « Il y a 30 ans, les papas qui voyageaient rapportaient à leurs enfants des écussons à coudre sur leurs sacs. Cela avait une valeur symbolique forte et permettait à l’enfant de se projeter dans le voyage et de se représenter son père sur place. » se souvient Stéphane Clerget. D’autant que le cadeau souvenir d’un pays peut aussi avoir un caractère ludique. « J’ai eu beaucoup de succès quand j’ai rapporté de Moscou des poupées russes pour ma fille de 3 ans. », explique ce cadre, voyageur fréquent en Russie. « Elle a passé des heures à ranger les poupées les unes dans les autres et 2 ans après, elle garde toujours ce cadeau… ».

Inutile donc de dépenser des fortunes surtout si les départs sont fréquents… Car l’enfant, tout intéressé qu’il soit, n’en est pas moins lucide. Le cadeau, somptueux, original, attendu, qui tombe, avec une régularité de métronome dans l’escarcelle à jouets à chaque descente d’avion, ne remplace en rien une présence régulière du parent voyageur.

Dans un sourire, Laurence témoigne : « petite, je n’avais pas un père, j’avais un père Noël ! Pour moi toute seule et toutes les semaines, il déposait sa valise de jouets à la maison. Sur le moment, j’adorais ça. Avec le recul, j’aurais préféré qu’il parte moins… ».

>>>L’art du choix

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Un cadeau, oui, mais intelligent, pas trop cher, ludique mais également éducatif… C’est à y perdre son latin…. Et si la clef d’un cadeau réussi résidait avant tout dans l’acceptation du voyage en tant que tel… François Clément-Grandcourt, voyageur d’affaires au sein de la société Bic explique « Mon travail m’amène à voyager souvent, c’est pourquoi dès que mes enfants sont nés, j’ai acheté pour eux une mappe monde magnétique adaptée aux tout-petits avec une centaine de magnets avec des symboles des différents pays, des avions, des bateaux. Dès que je pars quelque part, je leur montre le trajet en avion, le pays où je me rends. Nous cherchons les symboles propres à ce pays… Cela permet de passer un moment ludique autour de ce voyage et de les aider à visualiser où je vais ».

Le cadeau peut donc prendre des formes variées, parfois même des plus surprenantes surtout avec les adolescents. Ainsi, beaucoup de femmes voyageuses l’avouent sans détour : « Mon départ est à lui seul une cadeau ! Quand je ne suis pas là, je sais d’avance que le quotidien de mes enfants n’est pas le même. Avec mon mari, ils s’organisent une petite vie plus pépère, moins réglée… Et ils sont ravis ! ».

L’occasion de regarder la télé de temps en temps le soir, de faire, avec les plus grands, une soirée pizza ou de traîner plus longtemps en pyjama le matin… Autant de petits plaisirs inhérents à l’absence d’un parent qui ne coûtent finalement pas grand-chose et valent bien plus qu’un cadeau acheté en hâte dans la duty-free d’un aéroport.

>>> Un voyage décomplexé !

Papa, Maman, où il est mon cadeau ?
Tout conseillé qu’il soit, le cadeau ne doit pas être vécu par les parents ou par leurs enfants comme une excuse ou un repentir face à un départ mal assumé. Même s’il entraîne une séparation vécue parfois comme douloureuse ou culpabilisante, le voyage doit être un élément positif de la vie de famille dans lequel le cadeau a son rôle à jouer.

« Le cadeau doit être vécu comme une fête », affirme Stéphane Clerget. « Il montre que l’on n’est pas triste de partir car on va voir de belles choses, il permet de faire entrer l’enfant dans le voyage par le rêve ». Le cadeau est alors un moyen pour l’enfant de partir aussi. Il peut alors être enrichi de photos de voyage prises sur place, d’anecdotes adaptées à son âge qui vont lui permettre de se projeter dans ce pays qui, pour l’instant, lui est fermé. Une façon également de faire de ces départs autant de fenêtres ouvertes sur le monde et de montrer à son enfant que le travail, et les déplacements qu’il entraîne, peuvent être aussi source de plaisir.

>>> Quel cadeau pour quel pays ?

Papa, Maman, où il est mon cadeau ?
Europe : On trouve de tout, comme chez nous ! Du jouet le plus classique aux poupées made in China, il est facile de trouver son bonheur dans la plupart des pays européens.
Russie : Les poupées russes ou les jouets en bois sculptés vendus un peu partout feront le bonheur des enfants. Si vous lisez le russe, craquez pour un joli livre de contes dont les histoires raviront les tout-petits.

Asie : En dehors de la Chine où sont fabriqués la plupart des jouets vendus chez nous, peu de choses à rapporter pour les enfants, surtout s’ils sont très jeunes. Préférer alors un cadeau européen (dvd par exemple) acheté en Duty free.

Continent nord Américain : Casquette de base-ball ou souvenirs Disney sont les incontournables du cadeau venu des Etats-Unis. Les parents d’adolescents profiteront du taux actuel du dollar pour équiper leur progéniture en Ipod et autres appareils photos numériques. A noter pour les voyageurs qui partent au Québec la richesse de la littérature enfantine sur place, en français bien sûr.
Amérique du sud : Peu de véritables jouets sauf à tomber dans le folklore local avec de petits instruments de musique (une mandoline ou une petite paire de maracas) ou la panoplie du parfait ranchero… Un peu surfait mais les enfants adorent…

Australie : Quantités de gadgets, de la marionnette en forme de koala ou de kangourou au boomerang en passant, pour les plus grands, par le didgeridoo ou la combinaison de surf.