Parle à ma tête, ma main est malade

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C'est un petit drame silencieux qui se joue tous les jours, dans les entreprises comme pour les voyageurs en déplacement. Pensez-donc, c'est sans importance. Personne n'y prête attention. Comment vous ne le savez pas ? Vous ne vous en doutez pas ! Et pourtant, votre entourage, votre famille et toute la société le sait : vous ne savez plus écrire.

Attention, je ne dis pas que vous ne savez pas écrire. Je dis simplement que l'habitude du clavier a tué le sens de l'écriture manuelle. Un petit drame, vous dis-je. Comme l'ai-je appris ? Tout simplement par une étude née d'une petite anecdote. Il y a un peu plus d'un an, un cadre allemand devait organiser un voyage professionnel à Paris pour 48 heures. Il laisse sur le bureau un post'it griffonné : réserve moi un vol pour Paris. Mais son écriture manuelle, assez médiocre pour ne pas dire impossible à lire, va le trahir. Sa secrétaire réserve pour Prague. Une erreur qui ferait sourire si elle ne s'était révélée dans toute son ampleur à l'aéroport ! Fort de ce coup de colère de notre cadre, son épouse, chargée d'études dans une société de sondage, a l'idée de demander à un graphologue d'analyser, non pas le caractère, mais la lisibilité de l'écriture de jeunes de moins de 25 ans. Les résultat est sans appel : la génération informatique, biberonnée au clavier et à la souris, frise en permanence la dyslexie et le graffiti lorsqu'elle écrit à la main. Sur 87 jeunes testés, plus de 60 avaient des soucis d'écriture manuelle. Résultat, une grande enquête nationale est lancée en Allemagne. Nous aurons les premiers résultats au début 2014.
D'ores et déjà, les enseignants du secondaire sont sensibilisés et les professeurs d'université sont invités à ne pas accepter systématiquement les rapports et autres documents fournis par les étudiants sous forme tapuscrite. Le phénomène ne touche pas que les Allemands : il y a combien de temps que vous n'avez pas rédigé une demie page à la main ? Il faut donc, aussi bizarre que cela puisse paraître, que les jeunes génération apprennent à écrire pour être lues. De grandes entreprises outre-Rhin veulent que les test graphologiques prennent aussi en compte la qualité de l'écriture. Bref, sans un être un sujet essentiel, voilà que l'écriture devient un élément sensible de la panoplie du jeune cadre. Tant mieux pour celles et ceux qui doivent les relire.

Pierre Barre