Philippe Chérèque (Amex GBT) : « Nous investissons chaque année 100 millions d’euros dans la technologie »

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La 28ème édition de l'EVP, organisée par American Express Global Business Travel, se déroulait à Paris Expo Porte de Versailles mercredi 20 mars après-midi. Rencontre avec Philippe Chérèque, Président d'Amex GBT.

Ancien membre fondateur d'Amadeus, Philippe Chérèque rejoint Amex GBT en 2014. En 2016, il prend les rênes de la direction de la TMC et décide d'adopter une stratégie résolument tournée vers le digital. Basé au Royaume-Uni, il souhaite porter Amex GBT au rang de leader incontesté à travers le monde en misant sur le multicanal et la capacité d'innovation de ses équipes.




Déplacementspros.com : Quel bilan tirez-vous de cette année 2018 chez Amex GBT ?

Philippe Chérèque : L’année 2018 est sûrement la meilleure depuis la création d’Amex GBT. Nous avons eu une croissance organique importante principalement en provenance des Etats-Unis, mais également en Asie et même en Europe. En revanche en France, l’impact des grèves SNCF, Air France et des Gilets Jaunes n’a pas été sans conséquence malheureusement. Nous avons également gagné de nouvelles parts de marché grâce à des signatures avec de grands comptes comme Veolia ou Salesforce. En parallèle, notre croissance est importante auprès des PME et le rachat de l’OBT KDS nous a vraiment permis d’accélérer sur le plan digital, notamment dans l’adoption du mobile.

Déplacementspros.com : Pour vous, aujourd’hui, quel est l’avenir des TMC ? Quel rôle doivent-elles jouer, notamment dans un marché où il y a une forte tendance à la désintermédiation ?

Philippe Chérèque : Si les TMC étaient vouées à disparaître nous n’aurions pas cette croissance. Pour les sociétés qui font appel à nos services cela leur permet d’avoir une cohérence dans différents pays, une gestion globale de leur business et on leur apporte une notion de sécurité. Nous sommes capables de savoir à tout moment où sont les collaborateurs en déplacement, et ce, grâce une database importante et mise à jour en temps réel. Ce qui est important pour nous est d’accompagner nos clients, de les aider à développer une politique voyage cohérente et de s’assurer de la qualité des prestations. A la question du ‘pourquoi faire encore appel à une TMC ?', je répondrai en numéro 1 : pour faire des économies. Même si elles arrivent à avoir des tarifs négociés, les entreprises n’auront jamais accès aux mêmes tarifs que les nôtres, et plus elles sont petites, moins elles auront de marge de manœuvre pour négocier.

Déplacementspros.com : Qu’en est-il du modèle de rémunération des agences ? Comment devront-elles s’adapter pour continuer d’être rentables ?

Philippe Chérèque : Plus le client est important, plus il a tendance à avoir des personnes lui étant dédiées. Pour être clair, aujourd’hui les grands comptes ne rémunèrent pas à la transaction mais par un ‘forfait’. Cela représente actuellement une bonne partie de nos revenus. En parallèle, malgré la montée du online, nous facturons encore autant sur le online que sur le offline. Cela dépend des pays, aux Etats-Unis la majorité des transactions se font en ligne, alors qu’en Asie nous sommes encore sur un marché très porté sur l’humain. En revanche, il est certain que le digital ne doit plus être négligé, il faut avoir une stratégie multicanal. Lorsque nous avons racheté KDS, notre objectif était de pouvoir proposer le même contenu sur tous les canaux : l’OBT, le mobile, le messaging et le téléphone.
Si nous n’avions pas eu un certain volume de grandes entreprises, nous n’aurions pas eu les moyens d’investir autant dans la technologie. Avant, nous n’étions que sur du service, aujourd’hui, nous proposons également des solutions. Tout dépend de la taille des TMC mais il est certain qu’il faut désormais pouvoir faire les deux si l’ont veut continuer d’être rentable et attirer de nouveaux clients.

Déplacementspros.com : Concernant NDC, vous sentez-vous prêts? Qu’en est-il pour les GDS ?

Philippe Chérèque : Pour être clair je comprends tout à fait qu’une compagnie aérienne ayant investi dans une classe affaires souhaite montrer son produit et le mettre en avant. Elles veulent avoir plus de descriptif de leur offre. Par rapport aux compagnies low cost, elles sont obligées de fragmenter leur contenu pour s’aligner sur la concurrence. Avant, dans le business travel, tout était inclut à 90%. Nous n’avions pas besoin de rajouter un bagage, de payer pour choisir un siège… Et ce, grâce à des cartes bancaires ou des programmes de fidélité. Mais c’est un fait, de plus en plus d’acteurs commencent à proposer des offres fragmentées. Nous notre rôle est d’être capable de comparer toutes ces offres et de traiter rapidement les nombreuses données qui seront disponibles.
Pour y arriver il est essentiel que les compagnies fournissent leurs données aux GDS. Le GDS est la seule façon pour nous d’avoir du contenu intégré. Il interroge les compagnies à notre place et s’occupe de l’aspect ‘services’. Chez Amex nous sommes prêts pour NDC mais il faut que l’on puisse réaliser des comparaisons, faire des propositions multiples et servir au mieux nos clients. Pourquoi cette bataille à la connectivité n’existe-t-elle pas aux Etats-Unis ? Car les compagnies aériennes jouent le jeu des GDS, elles ne sont pas en position dominante comme elles peuvent l’être dans certains pays d’Europe. Il y a beaucoup plus de concurrence chez eux. Ici au final, on parle juste d’une augmentation de tarifs et puis c’est tout.

D’un point de vu technologie, quel est votre plan d’action ? Vos ambitions ? Êtes-vous encore dans une politique d’acquisition ?

Philippe Chérèque : Suite au rachat de KDS nous avons embauché 60 personnes. Cette année nous avons prévu d’en embaucher de nouveau 70. Notre objectif est de faire de KDS une sorte de ‘Hub’ d’Amex dans lequel on pourra développer de nouvelles solutions. Un véritable laboratoire dédié à la technologie. Nous nous associons également avec des jeunes pousses qui peuvent nous apporter des compétences que nous n’avons pas. Pour le moment, nous continuons de regarder ce qu’il se fait en vu d’une potentielle acquisition ou un partenariat mais cette année rien a été acté. Nous investissons chaque année 100 millions d’euros sur la technologie. Tous nos concurrents n’ont pas les moyens de le faire ou cela n’entre pas dans leur stratégie. Nous, c’est notre choix et cela paie.
Propos recueillis par Margot Ladiray