Plaidoyer pour l’hélicoptère

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Provocateur, Jean-Louis Baroux ? Sans doute, mais avec un grand sens de l'observation. Et si, en pleine vague verte et mesures d'économies, notre spécialiste de l'aéronautique fait un plaidoyer en faveur de l'hélicoptère, c'est qu'il a des arguments. Qui pourraient convaincre.

Plaidoyer pour l'hélicoptère
La France possède l’un des constructeurs majeurs d’hélicoptères civils : Eurocopter, qui vend ses matériels dans le monde entier. Voilà bien une réussite dont notre pays peut légitimement être fier. Oui, mais voilà nous ne faisons qu’une bien faible utilisation de ce mode de transport si pratique. Certes les SAMU sont de gros consommateurs, de même que la Protection Civile. Mais qu’en est-il du transport de passagers ?

Une seule compagnie française, Héli Sécurité, opère des vols réguliers entre l’aéroport de Nice et Monaco en concurrence avec Héli Air Monaco, société de droit monégasque qui contrôle d’ailleurs plus de 80 % du trafic. L’affaire peut être rentable et utile.
Pourquoi alors, ne pas étendre cette facilité à la desserte aérienne de nombre de petites villes enclavées et qui ne possèdent pas de lignes régulières en avion ? Prenons au hasard quelques exemples : Millau, Mende, Gap, Tulle, Draguignan, Colmar, Belfort…bref, je pourrais multiplier les exemples et citer une cinquantaine de villes rien que sur le territoire métropolitain.
Pour avoir une quelconque efficacité, il conviendrait de relier ces municipalités à l’aéroport de plus proche car un trajet héliporté est relativement inconfortable au-delà d’une demi heure de vol. Ainsi Millau et Mende pourraient être reliées à Montpellier, Gap et Draguignan à Nice, Colmar et Belfort à Mulhouse-Bâle etc…
Point n’est besoin de disposer d’infrastructures importantes. Une zone goudronnée de 20 m par 20 m fait l’affaire, avec un mat de signalisation de la direction du vent. De plus, l’aérien dispose maintenant de moyens de navigation à partir de GPS et de balises mobiles tout à fait efficaces.

Alors, on m’objectera que le transport par hélicoptère coûte très cher et que, par conséquent, les lignes seront forcément déficitaires. Cela est vrai si on ne considère que la recette des passagers. Mais enfin, il y a d’autres manières de regarder l’économie de ce type de transport. L’apport à la collectivité est considérable. Les hommes d’affaires auront certainement plus tendance à installer leurs entreprises dans des villes correctement desservies que dans celles qui ne le sont pas. Le maintien et la création d’emplois est tout de même suffisamment vital pour que les collectivités locales prennent en charge ce type de service qui s’apparente furieusement à une infrastructure. Après tout, on ne demande pas aux entrepreneurs de travaux publics de payer pour les routes et les chemins vicinaux qu’ils construisent. Pourquoi ne pas faire de même pour les dessertes héliportées ?

Le coût annuel moyen d’une liaison avec l’aéroport de plus proche à raison de 3 fréquences par jour avec un appareil de 5 places est à peu près équivalent à celui d’un rond point ! Loin de moi l’idée de minimiser l’intérêt des rond points, mais est-on bien certain qu’ils soient tous utiles y compris au beau milieu de nos belles campagnes ?

J’ai plusieurs fois évoqué le sujet avec les maires des villes moyennes. Dans l’ensemble, leur réponse tient en peu de mots : "Le soutien d’une ligne héliportée n’est pas électoralement défendable. Cela ne concerne finalement qu’une poignée de « riches » qui peuvent se débrouiller par ailleurs". Ce raisonnement m’afflige profondément. Comment ne pas voir la valeur ajoutée du transport aérien ? Comment ne pas valoriser le fait d’être 3 fois par jour relié non seulement avec Paris, mais avec les principales villes européennes ? Comment imaginer que proposer une liaison même fragmentée entre par exemple Tokyo et Millau cela n’a pas de sens alors que les Régions envoient à grands frais des missions de prospection lointaines pour attirer de l’activité dans leurs villes ?
Et puis, pour finir, comment expliquer l’attitude pour le moins frileuse, pour ne pas dire beaucoup plus de la Direction Générale à l’Aviation Civile qui devrait l’un des principaux supports de cette activité alors qu’elle fait tour le contraire ?
Et puis enfin, pourquoi n’arrive-t-on pas à mobiliser la puissance d’Eurocopter sur un tel enjeu, car si l’affaire marche en France, combien de pays ne faudrait-il pas équiper de la même façon ? En première approximation, j’ai chiffré les besoins français à 60 hélicoptères, est-ce une quantité si négligeable ?

Depuis des années je prêche dans le désert, mais comme le disait le baron Pierre de Coubertin, «Il n’est pas nécessaire d’espérer pour entreprendre ni de réussir pour persévérer».

Jean-Louis Baroux
Fondateur d'APG