Pour un bon usage de la baisse du prix du pétrole

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Cela fait longtemps que le transport aérien attendait une baisse du prix du pétrole. Eh bien il a été servi car cette dernière atteint près de 50% depuis 5 mois. On ne sait d’ailleurs pas où ce mouvement va s’arrêter, tout comme on ne savait pas jusqu’où il allait augmenter il y a seulement un an de cela. Certains analystes voyaient le prix s’envoler vers 200 $ le baril alors qu’il est maintenant à 47 $. Bref, pour tout dire, on a beau expliquer savamment cette baisse, personne n’est capable de prédire l’avenir.

C’est d’ailleurs pourquoi les effets économiques ne se feront pas sentir tout de suite dans les compagnies aériennes. En effet la plupart d’entre elles, y compris les « low costs », se sont protégés des hausses du carburant en souscrivant des assurances qui leur garantissent un prix convenu. Dans l’ensemble, en 2015, les grands transporteurs ont fait une couverture à hauteur de 80 $ le baril, tout au moins pour une grande partie de leur consommation. Air France, par exemple, s’est protégée à hauteur de 60% de ses besoins pour 2015. Elle est dans la moyenne. EasyJet a été au-delà si on en croit la presse. Bref, au total, les effets bénéfiques ne se feront pas pleinement sentir cette année. Il faudra attendre 2016 pour profiter de ce nouveau tarif, à la condition qu’il veuille bien se maintenir à ce niveau.

Mais quoiqu’il en soit, cette conjoncture favorable aura des incidences évidentes sur le coût du transport aérien. Rappelons que le carburant représentait 30% du prix de revient dans les dernières années alors qu’il ne pesait que de 15% lorsque le pétrole était aux alentours de 50 $. Que faire donc de cette manne ?

Les agences de voyages n’ont pas tardé à demander qu’elle soit répercutée au profit des clients en supprimant par exemple la surcharge carburant. La conséquence serait une nouvelle baisse des tarifs. Eh bien, je ne suis pas d’accord.

Le premier et bon usage de cette amélioration du compte de charges doit être de reconstituer les marges du transport aérien. Les 10 dernières années ont été particulièrement difficiles. Nombre de compagnies ont dû déposer le bilan dont Varig, Alitalia, Japan Airlines sans compter Spanair, Malev, et plus récemment Cyprus Airways. L’année dernière, les compagnies aériennes ont affiché un profit global de l’ordre de 12 milliards de $, somme respectable mais qui ne représente que 1,6 % des 750 milliards de $ de chiffre d’affaires. Or tous les analystes sont d’accord pour estimer à - au moins - 6 % le niveau minimum permettant de rémunérer faiblement le capital et le financement du renouvellement des avions. On en est loin.

Il ne sert à rien pour les clients de réclamer une nouvelle baisse des prix quitte à fragiliser encore les compagnies. Où est l’avantage de voir disparaître les grands transporteurs ou les compagnies nationales ? Certes, les compagnies traditionnelles ont encore du travail à faire pour faire baisser leurs charges structurelles, elles ont trop de salariés et leur niveau de service s’est dégradé au fil du temps. Mais elles ont toutes compris la leçon. Toutes ont entamé d’importants efforts de réduction des coûts. Il leur faut juste un peu de temps pour mener à bien une stratégie nécessaire à un bon équilibre économique. Bien entendu les compagnies sont également les premières responsables de la baisse continue des prix de vente par l’utilisation abusive du « Yield Management ». Elles devront bien revoir leur modèle de prix devenu parfaitement incompréhensible et surtout inefficace économiquement.

Mais les clients doivent de leur côté bien comprendre que le transport aérien est une activité extrêmement complexe et que, par conséquent, il faut en payer le prix. C’est la seule façon de garder un transport aérien fiable. C’est également la seule façon de retrouver un niveau de service largement réclamé par les utilisateurs.

Les agents de voyages doivent expliquer à leurs clients qu’ils ne peuvent pas demander en permanence plus de service et moins de prix. Au lieu de réclamer une baisse des prix de vente, ils doivent au contraire se réjouir que les compagnies puissent enfin retrouver progressivement un niveau de profit dont elles ont un besoin urgent.

Jean-Louis BAROUX