Pourquoi Amex GBT a racheté HRG

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Il est toujours difficile d’établir le classement mondial des agences de voyages d’affaires dans le monde. Si l’on se fie aux différentes études menées en Europe et aux USA, on peut raisonnablement penser qu’Amex GBT est en tête devant BCD Travel suivie de Carlson Wagonlit puis d’HRG. C’est la place de cette dernière qui explique pourquoi la consolidation engagée est un coup de maître pour Amex GBT.

Ce ne sont pas les 450 millions d’euros déboursés par Amex GBT pour racheter HRG qu’il faudra principalement retenir de la transaction. Au-delà des chiffres, et la plupart des expertises menées par les cabinets d’études le démontrent, cette consolidation concrétise une obligation pour les agences globales du voyage d’affaires, désormais contraintes d'optimiser leurs coûts et ceux de leurs clients.

Ce sont les actionnaires mêmes d’HRG qui étaient à la recherche d’un nouveau souffle, principalement sur le marché américain. Boron, qui détient 23,9% des actions d’HRG n’a jamais caché qu’il cherchait une sortie pour aller vers d’autres investissements. Comble d’ironie, Boron est la société d'investissement de John Fentener van Vlissingen, propriétaire de BCD Travel. C’est ce qui explique les rumeurs de l’été dernier qui évoquaient un rapprochement possible entre Amex GBT et BCD.

Même vision, pour le groupe de Dubaï Dnata, qui appartient à Emirates et ne voyait pas les évolutions positives du marché du voyage d’affaires. Officiellement, les deux actionnaires ne s’opposeront pas à la transaction et "se félicitent d’une telle opportunité qui va permettre à HRG de poursuivre son développement". Preuve de l'intérêt du marché pour cette opération, l'action HRG a bondi de 49%, à peine une heure après l'annonce officielle du rachat.

Sur le marché, les approches commerciales et stratégiques des deux TMC sont identiques. Nous avions d’un côté une entreprise comme Amex qui, après avoir acheté KDS, était toujours à la recherche de technologies évoluées pour ses clients. De son côté, HRG n’a jamais caché sa volonté d’apporter des solutions numériques au marché afin d’offrir de meilleurs coûts à ses clients. On le voit, c’est le même objectif développé par les deux entreprises jusque-là concurrentes.

Pour bien comprendre la situation, il faut remonter au moment où Amex GBT se séparait d’American Express, via des fonds qatariens (900 millions de dollars investis). Sur le papier, le projet présenté était avant tout un projet global censé limiter les coûts d’exploitation. Aux Etats Unis, la greffe a pris. En Europe, il a fallu beaucoup investir pour récupérer des clients perdus. En Asie, tout était à faire sur des marchés peu matures et complexes.

Le rachat de KDS par Amex GBT été le premier pas de la TMC new look à la veille du développement des nouvelles normes aériennes. Mais KDS était une technologie un peu ancienne à faire évoluer. Le chantier est engagé mais loin d’être terminé. Par ailleurs, Amex GBT n’a jamais caché que pour grossir, il fallait viser les consolidations rapides. Plusieurs approches ont alors été faites, comme avec BCD, mais au final c’est HRG qui s’est montré attentive aux propositions d’Amex. La raison ? Une relative baisse d’activité sur le marché américain conduisait HRG à imaginer de nouvelles solutions pour répondre aux attentes de ses clients. La baisse des fees, associée à la montée en puissance du touchless, explique sans doute l’intérêt de la transaction. Mais pour réussir une telle consolidation, il fallait de l’argent. Amex avait une trésorerie d’environ 1 milliard de dollars qui lui permettaient d’envisager la transaction. Dernier point, et non des moindres, le regard des investisseurs sur ce dossier était purement américain et ne tenait pas compte de la présence d’HRG dans le reste du monde.

Au vu du communiqué publié par HRG, il est clair que l’intégration totale de l’agence devrait être une réalité dans les 12 mois à venir. Les résultats européens d’HRG pèseront peu dans le choix stratégique qui sera alors présenté aux actionnaires. D’autant plus que la société logicielle qu’avait rachetée HRG, l'entreprise Fraedom devenue Spendvision, a ensuite été vendue à VISA. Preuve sans doute que si la marque demeure, l’organisation mise en place par HRG sera très vite intégrée à Amex GBT.

Peut-on évoquer d’autres consolidation de ce type ?. On a susurré beaucoup de choses ces deux dernières années. On avait d’abord évoqué le rachat possible de Carlson Wagonlit Travel par Expedia, maison mère d’Egencia. Il y a bien eu des discussions mais qui ont été très vite abandonnées. Voilà qu’elles reviennent aujourd’hui sur le tapis d’autant que les experts l’affirment : ce serait sans aucun doute l’une des alliances les plus puissantes du voyage d’affaires ces prochaines années.

Mais Expedia s’intéresse aussi à d’autres agences comme FCM Travel Solutions dont le potentiel technologique est fort et la progression commerciale rapide. Au-delà, il reste toujours BCD, puissante TMC aujourd’hui classée devant Carlson Wagonlit Travel. On sait, là aussi, que le groupe Expedia pourrait être intéressé par un rapprochement avec la TMC. Pures supputations nous disent en off les intéressés.

Enfin, il ne faut pas négliger les petites agences locales qui prennent des positions sur les marchés publics dans leur pays et qui, par association avec d’autres structures, sont des concurrents encombrants qui visent des entreprises de taille moyenne, le marché qui va croître ces cinq prochaines années. Là encore, des acquisitions sont à imaginer très rapidement.

Amex GBT a donc fait le bon choix en tirant le premier sur ce marché appelé à se repenser dans les deux prochaines années. Mais acheter, ne veut pas forcément dire gagner si aucune stratégie concrète n’apparaît. Il est encore trop tôt pour dresser les contours de ce que fera Amex GBT de cette nouvelle acquisition. Doug Anderson, le patron d’Amex GBT, est un gestionnaire futé qui a déjà dans sa manche les prochaines cartes à jouer. Sans doute faudra-t-il attendre quelques mois pour voir se mettre en place une organisation américaine qui donnera le ton aux structures européennes d’HRG. Pour elle, difficile d’être optimiste dans un marché où la consolidation veut dire réduction d’effectifs, intégration des savoir-faire et diminution sensible des investissements.

A New York,
Philippe Lantris