Pourquoi CDG express risque de ne pas se faire

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Devant les innombrables déclarations entendues ces derniers jours en faveur d’une liaison entre le centre de Paris et l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle, on serait tenté de se dire que, ouf, tout est fait. La ligne verra bien le jour en 2023 (avec près de 30 ans de retard) et toutes les difficultés rencontrées ces dernières années sont désormais gommées. Ce serait allé un peu vite en besogne car au-delà des discours d’intention, il faudra réunir autour de la table tellement de visions différentes que le projet n’est pas encore sur les rails.

Après plus de 20 ans de discussions, attendre 10 ou 15 ans avant de voir le CDG express en circulation est presque une broutille. D’autant qu’aujourd’hui, la question du financement à nouveau posée, tous les élus et les opérateurs techniques sont loin de tenir le même discours. Pour la région, si la liaison est indispensable, son financement ne doit pas forcément être uniquement du domaine public. Jean-Paul Huchon s’est toujours refusé à privilégier un système de transport qui exclurait les banlieusards au bénéfice des seuls utilisateurs de l’aéroport. Il y a quelque temps, le président du Conseil régional ajoutait « Roissy est une plate-forme privée, faites d’intérêts publics qui dépassent le simple cadre du régional au bénéfice d’une vision nationale ».
Il n’est pas le seul homme politique à s’être interrogé sur le besoin de privilégier une liaison plus qu’une autre. Dans le plan du Grand Paris que présentait Nicolas Sarkozy en 2011, Roissy était une étape de la très grande rocade dont la finalité était de désenclaver les autoroutes et les routes qui contournent la capitale. Las, Nicolas Sarkozy comme bien d’autres, n’avait pas les moyens de son ambition et ce projet pharaonique, qui reste d’actualité est devenue une aiguille dans le pied des hommes et femmes politiques franciliens.

Il reste enfin ADP, prête à être le grand moteur qui permettra aux voyageurs de rejoindre la plate-forme aéroportuaire. Un moteur ? Pourquoi pas. Un financier ? Rien n’est gagné. La solution, évidente aux yeux de tous, serait de confier le marché à un opérateur extérieur qui en assurait l’exploitation. Mais Paris et sa banlieue proche présentent des difficultés techniques qui rendent le coût de construction de l’ensemble particulièrement élevé. Conséquence, le prix du transport serait lui aussi hors de prix, renvoyant une bonne partie des touristes vers le RER dont le ticket est aujourd'hui à 10 € alors que d'emblée, le CDG Express s'est affiché à 22 voire 24 €. Une paille.
La RATP et la SNCF auront une carte à jouer mais pour cette dernière, empêtrée dans les dettes de RFF, face à un chiffre d’affaires qui stagne, il n’est pas question d’engager des dépenses somptuaires pour une ligne dont on connaît d’ores et déjà le taux d’utilisation. Quant à la RATP, elle n’a jamais caché que les solutions techniques de construction de la ligne étaient loin d’être aussi évidentes que ne le pensent les ministres des transports qui se sont penchés sur le dossier. Frédéric Cuvillier étant le 7ème à intervenir sur le sujet.

Bref tout le monde est d’accord, personne ne veut payer et le calendrier repoussé à 2023 nous laisse le temps d’oublier les promesses tenues en 2013 et celles engagées depuis 1997.
Aujourd’hui, tout le monde fait semblant de croire que cette fois-ci, croix de bois croix de fer, la ligne se fera. Une douce chansonnette déjà interprétée depuis quelques années et qui aurait pu faire dire à Coluche que les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent.

Pierre Barre

P.S : je vous invite également à lire l’excellente enquête de nos confrères des Echos sur le sujet