Pourquoi le téléphone à bord des avions dérange-t-il autant ?

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En publiant vendredi 25 mai dernier une étude menée par un comparateur de tarifs aériens, nous ne soupçonnions pas à quel point le sujet pouvait être sensible pour les voyageurs d'affaires. Ils ont été nombreux à nous écrire pour nous dire à quel point cette idée d'être en permanence dérangés dans un avion leur était insupportable. À l'évidence, beaucoup ne manquent pas d'arguments et rappellent quelle est la finalité d'un voyage d'affaires. Que ce soit en terme de préparation du rendez-vous à venir, du repos indispensable pour arriver en pleine forme dans le pays de destination ou tout simplement de l'envie de se relaxer sans avoir aucune pression sur ses épaules, tous sont formels : multiplier les contraintes dans un avion conduirait tout naturellement un rejet du voyage d'affaires, purement et simplement.

Depuis quelques années, les médecins du travail attirent l'attention des entreprises sur le syndrome d'épuisement professionnel, une maladie qui se caractérise par des signes et des symptômes qui modifient profondément le comportement en milieu professionnel. Des ingénieurs doués n'arrivent plus à faire le moindre calcul et des cadors de l'informatique en sont arrivés à reprendre des livres de leur première année de formation pour retrouver des codes qu'ils manient pourtant d'habitude sur le bout des doigts. L'un des diagnostic principal de cette fatigue du travail se voit dans le peu de capacité du cadre, voyageur le plus souvent, à prendre du recul par rapport à son travail et à s'éloigner des "obligations en tout genre" qui pèsent sur ses épaules tout le long de la journée. Nous le répétons souvent ici, voyageur d'affaires n'est pas un métier mais la conséquence directe d'une activité professionnelle. "Il est indispensable, à l'occasion d'un déplacement professionnel, que des voyageurs puissent trouver des moments de repos où ils se déconnecteront de l'activité professionnelle quotidienne au bénéfice d'une action culturelle ou sportive indispensable pour faire retomber la pression née à la fois du déplacement physique mais également des résultats attendus du voyage" précisait en 1974 Herbert J. Freudenberger, un psychanalyste célèbre, dans l'une de ses études sur l'usure professionnelle. Et l'homme de l'art de préciser "Je me suis rendu compte que les gens sont parfois victimes d’incendie, tout comme les immeubles. Sous la tension produite par la vie dans notre monde complexe, leurs ressources internes en viennent à se consumer comme sous l’action des flammes, ne laissant qu’un vide immense à l’intérieur, même si l’enveloppe externe semble plus ou moins intacte". Une vraie définition du "burn-out". Autant dire qu'ajouter cette couche de téléphone à bord d'un vol est perçu comme une agression d'autant, comme le précise Jean D. "que nos assistantes et nos collaborateurs n'ont souvent qu'une vision limitée du décalage horaire". De là à imaginer que les compagnies aériennes qui ne proposeront pas le téléphone à bord seront plébiscités, il n'y a pas loin à faire. Un nouvel argument de vente qui devrait faire mouche.

Hélène Retout