Quand Trump fait un cadeau royal aux compagnies aériennes européennes

115

En imposant des restrictions aux transport d’appareils électroniques vers les USA, l’administration Trump ne visait pas seulement le renforcement des mesures de sécurité mais aussi l’installation d’un protectionnisme déguisé pour lutter contre la présence aux Etats Unis des compagnies comme Emirates, Qatar Airways ou Etihad.

Pour la presse américaine, l'electronics Ban de l'administration Trump vise à inciter les professionnels à ne pas utiliser Doha, Abu Dhabi ou Dubaï comme point de départ de leur voyage vers les USA et pour beaucoup d'analystes, il s'agit d'une façade pour un protectionnisme avancé. Leur surprise, c’est de voir british Airways s’engager sur la même voie. D'autant que le choix britannique aura aussi des conséquences sur la fréquentation de ses lignes par des passagers en provenance de Turquie ou du Moyen Orient, une clientèle non négligeable.

Sur le fond, les renseignements recueillis par les services de sécurité américain laissent peu de doute sur le bien-fondé de mesures de sécurité. La presse américaine multiplie les enquêtes et globalement, pas moins d’une cinquantaine de documents ultra confidentiels auraient confirmé l’utilisation d’ordinateurs et de tablettes comme engins explosifs potentiels à embarquer à bord des avions. Mais la presse, qui ne se contente pas d’affirmation non prouvée, précise également qu’aujourd’hui avec ou sans tablette, via des imprimantes 3D et des produits indétectables, il est toujours possible de réaliser des bombes, sans doute de faible puissance, mais capables de semer la terreur à bord d’un avion.

La sécurité est-elle devenue impossible ? Reprenant des propos de la presse anglaise, les journaux américains s’interrogent sur la faible protection des trains qui circulent en Europe et soulignent qu’une opération d’envergure à bord d’un TGV français aurait un impact durable sur l’économie de notre pays. Et de donner des exemples concrets : les gares de Londres, Paris, Berlin et Madrid seraient insuffisamment sécurisées selon les rapports internes des structures antiterroristes de la communauté européenne. Affirmation réelle ou gratuite ? Bien difficile de séparer le bon grain de l’ivraie sans entrer dans des spéculations que rien ne pourrait conforter.

En visant les pays du Golfe, mais également la Turquie, l'administration Trump fait cependant figure de Don Quichotte face aux moulins à vent. Plusieurs compagnies concernées ont d'ailleurs fait rebondir leur communication dans ce sens. Turkish Airlines fait savoir qu'elle a proposé cette année à ses clients ... 2 milliards de minutes de divertissement. De quoi oublier largement sa tablette. D'autres comme Jordanian suggèrent d'autres occupations à bord que le travail. Une campagne a été lancée notamment sur le territoire américain.
Emirates joue la sécurité et propose de prendre en charge les dites-tablettes et ordinateurs dans un conteneur spécial, histoire de rassurer ceux qui craignent de se faire voler le matériel ou piquer les données.

Malgré cette riposte et par sa décision, Donald Trump fait un cadeau royal et inattendu aux compagnies européennes. Si l’on regarde le flux de la nouvelle route de la soie, qui part de Beijing pour arriver à New York via Doha ou Dubaï, on se rend en effet très vite compte du mauvais coup commercial apporté aux compagnies du Golfe. Même constat pour les vols qui transitent par Istanbul et se dirigent vers les États-Unis. Pour un voyageur d’affaires, qui le plus souvent se doit de travailler dans l’avion avant d’arriver, le choix d’une compagnie qui permet de conserver son ordinateur et sa tablette à bord est essentiel. Et en quelques jours seulement on constate, au départ de la Chine, une modification faite par des grandes entreprises sino-américaines dans le choix de leur compagnie aérienne. Ce ne sont plus les compagnies du Golfe qui gagnent, mais les Européennes ! À très court terme, et si cette décision devait durer, on devrait assister à une ruée des voyageurs d’affaires asiatiques vers les compagnies européennes qui desservent les Etats-Unis. Toutes sont directement liées à des transporteurs américains. La boucle est bouclée.

Pour beaucoup d’experts, Donald Trump joue avec le feu et ne s’attend pas à des ripostes commerciales et techniques des pays visés par l’electronic ban. Et de fait, si les Etats visés restent encore discrets, les analystes comme les politiques mettent en œuvre des plans pour contrer la décision américaine et cherchent à mettre en place une série de mesures visant également à pénaliser les actifs américains. Comme le souligne le Washington Post, "Gouverner ne peut se faire sans un minimum d’expérience. Nous en avons la preuve tous les jours".

A New-York,
Philippe Lantris.