Quand la France est en crise, c’est le voyage d’affaires qui trinque

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Dans les entreprises françaises, l’atmosphère en cette rentrée de septembre, n’est pas au beau fixe. Non pas en raison de mauvais résultats particuliers mais tout simplement par peur. Celle de l’avenir. Depuis plus d’une semaine, le vent mauvais qui nous revient à la rédaction porte en lui les mêmes tendances : face à la crise, il faut encore et toujours réduire ! Un cri de guerre dont on connait les conséquences multiples, du repli commercial à l’attentisme.

Restriction des déplacements, limitation des notes de frais, montée en puissance des outils technologiques, analyse de l’intérêt d’engager un voyage d’affaires, externalisation des contacts commerciaux… Les constats des six premiers mois de l’année démontrent que, contrairement à ce que l’on croyait, 2014 ne sera pas une année en forte hausse pour le voyage d’affaires. Les 2% de déplacements supplémentaires annoncés par Matthieu Gufflet lors de la présentation du Baromètre Epsa/DeplacementsPros.com ne devraient pas être atteints et une hausse de 0,5 à 1 % apparaît désormais plus raisonnable pour les analystes.
D’autant que si l’on regarde les chiffres globaux du transport aérien et de l’hôtellerie, les surprises sont de tailles. Selon IATA en 2013, toutes destinations confondues, le prix moyen du transport aérien était en baisse de 7,4 %. Loin des annonces optimistes (pour les compagnies) faites en 2012. Idem pour l’hôtellerie. Le baromètre In Extenso sur la France donne une assez bonne idée des tarifs moyens en 2013: baisse globale de 2,2 %. Même constats sur 70 des plus grandes villes du monde. Et 2014 ne devrait pas redonner le sourire aux spécialistes du pricing qui constatent toujours une forte baisse de l’hôtellerie économique et une chute des prix dans l’hébergement « moyen de gamme ».

Si la reprise semble (modestement) se faire sentir sur d’autres continents, la panne économique que traverse l’Europe est pénalisante pour nos entreprises et leur développement à l’international. «Nous avons le choix de déclasser nos voyageurs et de limiter leurs déplacements», m’explique un Travel Manager de l’Automobile, «Mais la croissance n’est plus en Europe, il faut donc aller la chercher dans les pays où l’économie est plus florissante», et d’ajouter «On ne va pas en Inde, au Brésil ou en Chine en train !».

Mardi 9 septembre, nous publierons un dossier complet sur les dangers que pourrait traverser le voyage d’affaires en cette rentrée 2014. Il ne s’agit plus d’une simple crise conjoncturelle comme en 2009, mais bel et bien d’une mutation permanente de notre économie qui repose sur un calcul plus que classique : baisse des marges = baisse des déplacements. C’est le constat fait depuis quelques mois par la plupart des fournisseurs du marché. Pour l'économiste Elie Cohen, «Llibérer l’entreprise de ses charges ne suffira pas, il faut aussi réinventer notre modèle commercial pour le rendre encore plus proche d’une nouvelle forme d’économie de terrain. La mondialisation a changé notre regard sur notre environnement et doit changer nos méthodes de travail et de réflexion». La réduction annoncée des marges des entreprises françaises pose le problème des choix à privilégier : outils de production ou recherche de nouveaux clients. Christian de Boissieu l’avait évoqué lors du dernier EVP «Dans la crise, l’imagination est un atout au même titre que le savoir-faire de l’entreprise».

Faut-il être forcément pessimiste ? Certainement pas. L’histoire a démontré que l’homme sait toujours s’adapter aux situations traversées. Mais 2014 ne saurait se terminer de façon simple et facile. Pas plus que ne débutera 2015, si l’on en croit les prévisionnistes. Mais le savoir c’est déjà anticiper… et accompagner.

Marcel Lévy