Que veut dire : « Ecouter le voyageur pour construire sa politique voyages » ?

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Depuis quelques mois, dans les colonnes de ce site ou sur d'autres médias plus génériques, je lis qu'il faut "intégrer le voyageur à la réflexion de la politique voyage". Le vœu est pieu mais la réalité sur le terrain est bien différente que l'imaginent ceux que je nomme désormais "les rêveurs du voyage d'affaires". Je m'explique.

L'acheteur que je suis est confronté à deux problématiques qui prennent en étau toute réflexion.
La première est affaire de gros sous. Les impératifs que me fixent les financiers, souvent établis à partir d'un business plan élaboré qui prend en compte le passé, le réalisé et le à venir, se construisent chaque année autour d'une gestion de plus en plus serrée que l'on ne peut tenir qu'en limitant les dépenses. Vous connaissez tous la suite. Classe de voyage modifiée, hôtellerie repensée et dépenses annexes limitées. A ce compte, il est facile de faire des économies…. Mais pas de satisfaire son voyageur.

Avec un budget "voyages" de 18 millions d'euros par an, il faut aussi gérer le développement, souvent imprévu mais toujours porteurs de promesses en matière de bénéfices. Y aller est essentiel, même si le budget n'avait pas anticipé la dépense, pardon l'investissement.
D'année en année, la politique voyages s'en ressent et nous avons même imaginé, sans pour autant le créer, un "comité du déplacement" qui aurait en charge l'étude des voyages complexes, souvent onéreux. Sa mission ? Déterminer si le jeu en vaut la chandelle. On imagine aisément la difficulté qu'auraient rencontré ces "spécialistes de la dépense".

L'autre difficulté, réside dans les réponses à apporter aux voyageurs. Je dis souvent que je suis dans la peau de la noix qui, entre le marteau et l'enclume, doit donner le meilleur d'elle-même. On se tape parfois sur les doigts, du moins on me reproche souvent des dérogations généralement signées par la Direction qui oublie, ensuite, qu'elle avait donné son accord. Au final, il faut faire mieux avec moins et éviter les critiques des salariés qui vous imaginent à la solde de la direction !

Pourquoi ces explications ? Tout simplement parce que sans contrainte, la responsabilisation du salarié n'existe pas. Du moins pas chez nous. Cette idée que l'on dépense plus facilement l'argent de l'entreprise plutôt que le sien est toujours d'actualité et il est très difficile d'engager un dialogue sur le sujet avec nos voyageurs.

Bref, la complexité du sujet ne m'a pas encore permis de trouver des solutions pratiques pour développer l'équilibre entre la dépense et l'attente des voyageurs. J'en cherche et je suis preneur de toutes les idées réalistes. Pas des dogmes commerciaux.

Je mets de côté la vision syndicale qui veut qu'un déplacement professionnel de plus de 48 heures et avec plus de 6 heures d'avion soit suivi d'une journée de récupération, ce que je comprends parfaitement mais… Si cela est nécessaire pour gommer les effets du voyage, la réponse patronale est plus directe "Ils ont un jour pour se reposer, oublions l'idée que la business classe est nécessaire à la qualité du déplacement ".

Dialogue de sourd ? Pas vraiment. Juste le regard d'une entreprise familiale persuadée que le salarié est un outil de développement qui doit oublier ses revendications pour se mettre au service de la rentabilité. L'époque est certes difficile mais l'économie à marche forcée a ses limites.

Ecouter le voyageur pour construire et affiner sa politique voyages ? Pourquoi pas. Mais les réponses sont toujours orientées vers la dépense, rarement vers l'économie. Une premium ? Tous les grands commerciaux le disent, cela ne sert à rien. Seule la business permet de se reposer. Un hôtel 3 étoiles ne dispose jamais des services "indispensables" au déplacement. Toutes ces demandes qualitatives sont étudiées une fois par an par le Comex qui se débarrasse du dossier en une phrase "ils en veulent toujours plus". Fin du dialogue.

Voilà mon quotidien. Bien sûr, j'entends toutes ces belles idées qui expliquent en détails qu'il faut redonner le pouvoir aux voyageurs. Pourquoi pas. Mais dans beaucoup d'entreprises de taille intermédiaire, le pouvoir c'est le patron. Pas l'actionnaire. Et ceux qui pensent que c'est facile de faire évoluer les mentalités viennent prendre ma place. Parole de gestionnaire de services généraux.

François F
Directeur des services généraux en charge du pôle déplacements professionnels.