Quelques petites leçons à tirer de la pagaille européenne de la fin d’année

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Ça y est. Nous avons eu notre pagaille aérienne annuelle. En fait d’ailleurs, cette année 2010 nous en avons eu deux : le volcan islandais en avril et la neige hivernale en décembre. Dans l’un et l’autre cas, la gestion des clients a été, de l’avis général, lamentable. Et chacun d’accuser les autres. Les aéroports pointent du doigt les compagnies qui n’ont pas prévenu leurs passagers, les compagnies se plaignent des aéroports qui n’ont pas déneigé assez vite et qui manquaient de glycol pour dégivrer les avions. Et les Pouvoirs Publics, dans un grand sursaut d’indignation, ont mis tout le monde dans le même sac tout en oubliant leurs responsabilités. Et puisqu’il fallait bien un coupable, le Premier Ministre en personne a désigné : Météo France; et pourquoi pas le Bon Dieu, tant qu’il y était ?

En regardant cette affaire de plus près, on s’aperçoit vite que tout le monde a été pris de court et pas seulement en France puisque le phénomène a été constaté dans toute l’Europe du Nord. Il est d’ailleurs facile d’accuser tel ou tel. Certes, les grands aéroports européens ne disposent pas de moyens anti neige comparables aux aéroports canadiens. Mais faudrait-il qu’ils se suréquipent pour faire face à des intempéries certes redoutables, mais pour le moins très espacées dans le temps ? Certes, les compagnies aériennes n’ont pas prévenu leurs passagers que leur vol allait être annulé puisqu’elles n’en savaient rien et qu’elles pouvaient toujours espérer que les services aéroportuaires feraient face.

Et les clients dans tout cela ? Pouvaient-ils ne pas se rendre dans les aéroports à l’enregistrement présumé de leurs vols alors que dans leur très grande majorité, ils avaient acheté des billets non revalidables, non remboursables et non cessibles ? Même si on leur avait suggéré de rester chez eux, qui avait l’autorité pour les dédommager ?

Voilà bien toute une série d’impasses dont on voit mal comment on aurait pu y échapper. Il est très facile après coup de tirer sur tel ou tel, car les défaillances ont été constatées tout au long de la chaîne. Et c’est bien là qu’il faut chercher les remèdes à cette crise, car crise il y a bien eu. Or, le transport aérien s’enorgueillit de ne jamais reproduire deux fois le même accident, voire incident important. C’est ce qui a grandement contribué à sa fiabilité unanimement reconnue. Il convient donc de trouver les parades.

En voyant maintenant les choses de plus haut, il est facile de faire un constat. Le transport aérien est composé d’une chaîne d’acteurs importants, chacun indispensable dans son domaine et comme dans chaque chaîne, le maillon faible fait tout casser. Il faut rajouter que ce n’est pas seulement une chaîne, mais plusieurs qui doivent être imbriquées pour rendre le trafic fluide. Les acteurs sont connus. Le contrôle aérien pour la gestion de l’espace, les aéroports pour la mise à disposition des infrastructures, les assistants aéroportuaires pour l’utilisation de ces infrastructures au profit des compagnies et les transporteurs eux-mêmes en bout de course pour opérer des appareils mis à disposition par les constructeurs. Chacun dans son domaine doit faire preuve d’excellence. Et dans l’ensemble, c’est bien ce qui se passe, même si ça et là on peut pointer quelques défauts.

Mais c’est insuffisant. Il ne suffit pas d’être bon, voire même très bon dans son domaine pour que le système fonctionne. Il faut encore coopérer avec les autres acteurs. Et c’est bien là que le bât blesse. Les acteurs qui composent le transport aérien ne se parlent pas sauf pour s’invectiver lorsque les choses vont mal. Où trouve-t-on une cellule de crise préventive lorsqu’une grosse intempérie est annoncée ? Toutes les grandes compagnies, tous les grands aéroports ont mis au point de tels organismes pour faire face en cas d’accident, et c’est très heureux, sauf que chacun travaille dans son coin, avec ses propres procédures.

A-t-on vu par exemple, une réunion de coordination déclenchée entre les aéroports, les représentants des compagnies aériennes regroupées au sein du BAR (Board of Airlines Representatives) et de la FNAM (Fédération Nationale de l’Aviation Marchande), de la DGAC ( Direction Générale de l’Aviation Civile), les assistants aéroportuaires, voire les transporteurs terrestres et les hôteliers ? Rien de tout cela et à vrai dire, personne n’en a eu l’idée. Or il existe bien une autorité coordinatrice des moyens de l’Etat et qui peut faire appel à n’importe quel moment au secteur privé, c’est le Préfet et en particulier celui de la région Ile de France qui couvre les deux aéroports majeurs. Ce dernier aurait pu être actionné pas le Ministre des Transports ou son Secrétaire d’Etat. Rien n’a été fait. Et on voit maintenant Mme le Ministre des Transports du Développement Durable, de l’Equipement etc… tancer les pauvres acteurs qui ont du se débrouiller chacun dans leur coin alors que l’autorité de l’Etat même n’a pas fait son devoir ! Les bras m’en tombent.

Vite un démenti, pour que une telle coordination soit organisée dans le futur avec un peu d’anticipation.

Jean-Louis BAROUX