SNCF: à défaut de prendre un train, les cheminots ont pris un mur !

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La claque est d’envergure et de mémoire de syndicalistes, rarement une grève aura été si peu comprise et si mal vécue par les usagers. D’autant que les cheminots eux-mêmes se sont enferrés dans une problématique politique très éloignée de leurs revendications habituelles. En servant de chair à canon sociale pour la gauche de la gauche, Sud et la CGT se sont éloignés d’une base qui ne comprend pas aujourd’hui pourquoi un tel échec.

Dissidence, colère, exaspération… Pour beaucoup de cheminots, les syndicats ne se sont pas montrés à la hauteur de leurs espérances. Ils attendaient Godot et son lot de promesses à venir, ils n’auront qu’un sentiment de frustration. Un combat mal construit et dont personne ne sait comment sortir. Bref, la grève qui s’étiole avant de mourir aura posé des questions auxquelles personne n’a répondu. Et certaines de ces interrogations étaient justes et légitimes. On pouvait en parler sans bloquer la France et coûter près de 200 millions d’euros à notre économie !

Guillaume Pépy, le patron de la SNCF, sera sans doute le grand vainqueur de cet inutile affrontement. D’autant qu’il n’avait pas les clés du mouvement. Les cheminots remettant en cause un choix politique de l’Etat en demandant le retrait d’une loi inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée Nationale. En fin manœuvrier, le patron de la SNCF a compris que s’il ne pouvait offrir quoi que ce soit à ses salariés, il se devait de prendre la défense de ses clients. Ce qu’il a fait avec obstination et brio. Il sauve les examens, offre le café aux voyageurs serrés dans des wagons surchauffés et met en place des gilets rouges qui transformaient les halls de gare en guirlande humaine colorée. Il y avait parfois, en milieu de journée, plus d’agents de la SNCF que de voyageurs dans les gares. Bravo pour cet exploit commercial. Guillaume Pepy en sort grandi.

Mais une fois décerné les bons et les mauvais points, il faut aller plus loin et s’interroger sur l’avenir du ferroviaire français. Premier moyen domestique de déplacement, y compris pour les professionnels, le rail français est vétuste et reste encore inadapté par son coût à la réalité du territoire. Si la grande vitesse se développe de point à point, les liaisons transversales sont encore des parents pauvres. Il manque trois lignes fortes pour mailler intelligemment le territoire sans avoir à repasser par la case Paris. Le statut des cheminots face à la concurrence qui arrive, c'est un vrai sujet. Oui, il faudra remettre en cause des avantages acquis mais ne nous y trompons pas, tous les cheminots ne sont pas des nantis.

Enfin et ce sera le plus compliqué, il faut aujourd’hui regarder de face la dette de la SNCF. Ces 45 ou 47 milliards qui, comme un boulet, se refilent telle une patate chaude. L’Etat n’aura pas d’autres choix que de l’absorber. Mais là aussi, l’histoire que nous racontent les syndicats est un air de pipeau. Non, il ne s’agit pas d’une simple (et perpétuelle) affaire de moyens mais d’une hausse de productivité sur le terrain. Oui un kilomètre de rail posé par RFF coute plus cher que la même distance assurée par des entreprises privées. Il faut donc repenser la rénovation du ferroviaire sans dogme. De quelque côté que ce soit.

« La tâche est immense mais le bonheur incommensurable ». Voilà bien une vision que devront partager les acteurs du ferroviaire et ce, sans laisser personne sur le bord de la voie ferrée, que ce soient les clients ou les cheminots !

Marcel Lévy