SNCF : comment lire entre les lignes

106

L’actualité de l’entreprise SNCF étant abondante, nous avons demandé à PAT, notre chroniqueur ferroviaire, de lire entre les lignes de la stratégie et des réalités et d’essayer de nous dire où va la Sncf. Un nouveau Coup de Pat !


Résultats financiers

Dit à la manière du style récurrent de communication de Guillaume Pepy, la bonne nouvelle, c’est que les comptes sont au vert.

Il s’agit en fait davantage des comptes du groupe (environ 700 entreprises) que de ceux de l’entreprise ferroviaire historique, sa partie la plus visible, celle qui permet à tout chacun de voyager d’un point du territoire à un autre en acquittant un billet de train ou pour les chargeurs de faire transporter leurs marchandises par le rail.

Le cœur de l’établissement public aurait quant à lui plutôt tendance à s’appauvrir.

Et puis le chiffre d’affaires avec les marges dégagées provient pour une part non négligeable de commandes publiques. Et donc potentiellement de déficits également publics pour les collectivités et autorités qui passent ces commandes.

L’économie est par certains aspects un vaste bilan à somme nulle.

Avec une Sncf par trop excédentaire, R.F.F. ne manquerait pas de réclamer davantage en péages. Les collectivités revendiqueraient aussi (si ce n’est déjà fait) de payer moins. Les efforts de gestion s’en trouveraient rapidement réduits à néant. Efforts qui, dans une entreprise de main d’œuvre comme l’est la Sncf, portent essentiellement sur la masse salariale du moins celle des cheminots à statut soit quelques 170 000 salariés sur les 250 000 du groupe. Avec en conséquence un risque d’explosion sociale, de celles qui font rapidement changer la donne !

Trop déficitaire, les griefs de mauvaise gestion, de gouffre sans fond, seraient ravivés. Critiques que la tutelle ministérielle et donc la majorité gouvernementale du moment devraient également porter sur leurs épaules.

Des comptes présentables entretiennent la paix des braves. En fin de mandat du Président de l’entreprise, volontaire pour sa reconduction au poste, c’est également mieux pour lui.

Il reste que le système ferroviaire, dans son ensemble, souffre toujours d’un sacré problème de financement alors que tout le monde ou presque entretient l’espoir de payer moins ou, en tout cas, de ne pas payer plus !

Dividendes

Parlez d’intéressement des salariés aux résultats à la Sncf et vous vous faites voler dans les plumes par les organisations syndicales qui représentent majoritairement les cheminots, sans grand changement d’un scrutin professionnel à l’autre malgré un fort renouvellement de l’électorat (pour la moitié d’entre eux, les cheminots ont moins de dix ans d’ancienneté).

L’intéressement, le Président de la Sncf s’y était essayé en 2005 alors qu’il n’était encore que Directeur Général exécutif de l’entreprise publique. Devenu Président, Guillaume Pepy avança cette fois la « participation », sans davantage de succès.

A la place, bon an mal an, un « dividende salarial », terme maison dont l’entreprise a le secret pour ne pas appeler un chat, un chat.
Pour information, la CFDT a obtenu le paiement d’un Dividende salarial de 364 € brut /cheminots en février 2013.

Et ça marche comme ça.

Ouigo, le modèle low-cost.

Troisième classe selon la CGT, dumping social pour SUD Rail , gadget consumériste pour l'AVUC), une expérience à étendre selon la FNAUT, les appréciations diverses et variées - quoique opposées - vont bon train sur ce nouveau TGV !

Une chose est déjà sûre, cette offre somme toute dégradée va redonner sa vraie valeur à la formule TGV classique, connue, reconnue et populaire quoique jugée trop chère (plus 30 % sur les prix en 10 ans, il est vrai).

Et si c’était là le seul et véritable objectif ?

Accessoirement, cela permet aussi, à défaut de concurrence avant 2019, de diversifier aux yeux du public l’offre de transport. Quitte au besoin à céder la marque clés en mains le moment venu, en cas de griefs trop forts sur une position dominante verrouillant l’ouverture du marché.

En attendant, la Sncf se met dans la position qui serait celle d’un nouvel entrant venant la concurrencer avec un modèle low-cost. Mais à la différence de la création d’IDTGV, elle prend cette fois moins de risques. IDTGV est une entreprise à part, avec ses propres comptes et l’exigence, d’une façon ou d’une autre, d’un nécessaire équilibre (il a d’ailleurs fallu que SNCF Voyages reconstitue l’actif net en mai 2012).Ouigo n’est qu’une marque parmi les services directement proposés par la Branche SNCF Voyages de l’EPIC. Si le succès n’est pas au rendez-vous, les pertes seront noyées dans les comptes de l’EPIC.

Une bonne manière d’apprendre si ça ne marche pas. Et de tenir en respect un concurrent, si ça fonctionne bien. Tout en pouvant dans cette seconde hypothèse s’inspirer alors du modèle pour l’étendre.

Il reste que l’opérationnel sera le juge de paix. Sans jouer les oiseaux de mauvais augure, un jour ou l’autre la caténaire sera tombée pour la rame Ouigo comme pour les autres circulations. Mais il est hors de question apparemment de transborder des voyageurs Ouigo dans une rame TGV classique. Il y aurait en tout état de cause un problème de capacité. Les voyageurs de ce TGV alternatif n’ont donc qu’à croiser des doigts pour que l’organisation parallèle soit suffisamment robuste pour palier les conséquences d’un incident ou d’une avarie soit sur la rame, soit sur les infrastructures.

De la stratégie aux réalités…

PAT