SNCF: des process en cas de suicide détaillés dans un coup de Pat !

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Dans notre édition du 10 décembre, nous avons relayé le scénario de source Sncf, publié par le Huffington Post, à propos du délai nécessaire pour la reprise du trafic ferroviaire après un «accident de personne» (suicide). 2h30 de retard ? Va pour cette durée moyenne. Face au drame humain, on ne saurait s’adonner à de sordides calculs. Mais juste pour la vulgarisation de la longue chaîne de décisions qu’implique une telle situation, hélas devenue quotidienne, Pat notre chroniqueur ferroviaire, a intégré quelques variables supplémentaires à ces séquences.

L’accident survient. (…) Le régulateur décide quels trains peuvent être remis en circulation.
En la plupart des points du réseau ferré, il n’y a que deux voies contigües. Le sens de circulation pair (se rapprochant de Paris) ou le sens de circulation impair (s’éloignant de Paris). Il n’y a donc pas de voies d’évitement pour contourner ou s’écarter du train qui a provoqué le choc ni de la malheureuse victime. Et comme pour mener à bien leurs missions, les équipes de secours vont venir à pied d’œuvre s’affairer au lieu dit, il n’est guère envisageable de faire rouler d’autres trains sur la zone pendant tout le temps de leur présence dans les emprises des voies ferrées. Ce sont donc toutes les circulations qui resteront à l’arrêt pendant un certain temps qui ne peut qu’être très difficilement estimé et quantifié.
Après 5 minutes. Les secours (pompier et police) sont prévenus (…). Ils sont prévenus mais ne seront pas forcément là rapidement. Non pas qu’ils ne fassent pas diligence mais sauf à ce que l’accident ait eu lieu dans une gare, il leur faudra accéder au plus près, comme ils pourront, avec leurs véhicules et à pied pour le reste s’il n’y a pas de meilleure possibilité. Voies en pleine forêt, encaissées, bordées d’un ravin, d’une rivière, de rochers… ce sont les réalités de la géographie ferroviaire.

33 minutes, le CIL (chef d’incident local) arrive sur place.
Oui, s’il n’était pas trop loin et si l’accès est suffisamment aisé (voir point précédent). Ce qui implique aussi de la part de ce cadre de permanence une bonne connaissance du terrain alors que ses fonctions habituelles ne l’amènent pas forcément à être familiarisé avec la configuration des lieux et les règles de circulation des trains. Il peut arriver que ce cadre d’astreinte soit un jeune embauché sans grande expérience. Et encore, faut-il qu’il ait déjà toutes les habilitations nécessaires pour se trouver en responsabilité en pleine voie. Comme ce ne sera pas toujours le cas, il faudra parfois prendre le temps d’en désigner un autre plus aguerri.

40 minutes, l’Officier de police judiciaire arrive.
Oui encore, s’il n’était pas trop loin et si l’accès est aisé (bis repetita). Sitôt sur place, le territoire est à lui. Et quel territoire ! Le train là, et au pied de la machine le corps ? Non, pas forcément. Le train ici et le corps 3 200 mètres plus loin… ou ailleurs. 3200 mètres, c’est grosso-modo la distance d’arrêt d’un TGV lancé à 300 km/heure. Lieu d’impact et point d’immobilisation d’urgence du convoi sont deux choses bien différentes. Par similitude, imaginez le train arrêté gare Montparnasse et la victime se trouvant du côté de la gare d’Austerlitz. L’Officier de police judiciaire devra faire avec. La tentation est de faire activer cette autorité. Chose qu’elle peut fort mal prendre. On serait sur une autoroute que l’OPJ se rendrait compte du bouchon qui se forme. Mais là, le bouchon de ces trains chargés de centaines de voyageurs n’est guère visible car à distance. La Sncf organise régulièrement des séances de sensibilisation à ces données. Faut-il que l’OPJ veuille bien l’entendre. A décharge pour lui, ne connaissant rien de la victime, il ne peut sans doute conclure trop vite, sauf à se le voir potentiellement reprocher ensuite.

1h17. Le conducteur est relevé s’il le souhaite.
C’est quelque chose qui s’organise très en amont et dans les premières minutes de l’accident. Mais vous n’avez pas forcément un conducteur disponible en rase campagne. Après l’avoir trouvé, il faudra lui-aussi l’acheminer sur place. Parfois, pour faciliter la relève, le conducteur de la rame immobilisée accepte de la conduire jusqu’à la gare la plus proche (assisté d’un agent habilité aux fonctions élémentaires de sécurité, en capacité de provoquer l’immobilisation du convoi si nécessaire). Le sens du service.

1h47. Les pompes funèbres interviennent.

2h27. Les pompes funèbres emportent le corps.
Cela aussi, ça s’organise et se prépare le plus tôt possible afin de ne pas avoir à attendre par la suite. Il arrive que dans le feu de l’action, cette anticipation soit omise. Mais, d’une manière générale, les pompes funèbres seront avisées plutôt tôt que tard. Y compris même parfois sans certitude absolue sur le décès de la victime, ce qui peut sembler choquant. Chacun se doute bien qu’il n’y pas d’entreprise de pompe funèbre à proximité immédiate de chaque kilomètre du réseau. Et parfois, il faut en passer par la réquisition pour contraindre la profession à se rendre sur place pour une bien horrible mais nécessaire tâche.

PAT.