SNCF, la lutte contre la fraude : info ou intox ?

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SNCF prépare un plan de lutte anti-fraude. et chiffre son manque à gagner à 300 millions d’euros par an au moins, probablement le demi milliard d’euros. mais en matière de "démarque inconnue", il est par nature difficile d’établir des comptes précis. Et un fraudeur peut en cacher un autre. Puisque SNCF communique avant même d’avoir pris toutes ses décisions, histoire sans nul doute de tâter le terrain, participons ! Avec un vrai Coup de Pat.

Déjà mise en œuvre, la limitation de validité à 7 jours (au lieu de 60) des titres de transport sans réservation associée. Cette chronique a déjà été l’occasion de souligner la faible portée de cette mesure. SNCF a peu à en attendre si elle n’augmente pas simultanément la probabilité, jusqu’à idéalement la quasi-certitude, d’un contrôle. Faut-il qu’il y ait encore un contrôleur !

Amendes augmentées et musclées (sic), «indemnités forfaitaires» dans le jargon juridique du transport, sanctions pénales en cas de défaut de régularisation ou de récidives trop fréquentes, recouvrement amélioré. C’est une politique de gros bras. Mais si à la base il n’y a pas de contrôle, c’est comme pour les Danaïdes, remplir sans fin un tonneau sans fond. Ou la limitation de vitesse sur route sans radar ni gendarme !

On verra bien d’ici la fin de l’année. A condition que SNCF ne soit pas passée d’ici-là à autre chose, dépitée de ne peut-être pas obtenir une oreille suffisamment attentive de ses tutelles. C’est comme si vous laissiez les portes et volets de votre pavillon grands ouverts (ou la clé sous le paillasson). Et que vous alliez ensuite vous plaindre d’avoir été cambriolé. Il n’est pas sûr que vous arriviez à convaincre les autorités que le plus urgent est d’aggraver les sanctions.

Des pénalités «non négociables» (sic) qui frapperaient indifféremment les vrais fraudeurs (lesquels, paradoxalement, quand ils sont surpris, payent le plus souvent avec une facilité déconcertante comme en témoignent les contrôleurs) et le voyageur lambda. A l’opposé du profil d’un calculateur, toutes sortes d’erreurs, d’incompréhensions, d’aléas, de situations particulières peuvent faire de tout un chacun et à son corps défendant un horrible fraudeur ! Mieux vaudrait donc garder raison et faire preuve de discernement, sauf à vouloir donner plus de travail au Médiateur !

L’idée est dans l’air d’un premier contrôle avant de pouvoir prendre place à bord. Pour mémoire, jusque dans les années 1980, l’accès au quai de départ était soumis à un contrôle en gare, en entrée systématiquement et même parfois de nouveau en sortie ! Ces dernières années, une version édulcorée était réapparue ici ou là, au cas par cas et sous couvert d’expérimentation sous le doux vocable d’accueil embarquement. . Il s’agirait donc, en l’état des annonces faites, d’assister à la généralisation de ce dispositif. Pas vraiment génial, les portes et les tourniquets, pour l’image de TGV®. L’accueil et la vérification du titre de transport à quai peuvent par contre avoir quelque chose de rassurant pour certains voyageurs un peu angoissés et inquiets de ne pas être en règle. Il ne faut pas croire, il y a encore des gens qui ont peur des contrôleurs ! C’est donc vendable. Mais la généralisation de l’accueil embarquement serait extrêmement coûteuse en ressources. Pour ces raisons, votre serviteur n’y croit d’ailleurs pas, du moins dans toutes les gares, tout le temps. Il y a bien des TGV® qui circulent à des heures auxquelles les guichets de la gare de départ ou desservie sont fermés ! Comme quoi…

SNCF ne le cache pas. Elle évaluera le ratio coût / recettes sauvegardées. Ou comment ne pas dépenser deux euros pour peut-être espérer en gagner un. Le même ratio finalement que celui qui commande la présence de contrôleurs à bord. La certitude du contrôle dissuade les fraudeurs. En conséquence, il se peut qu’il n’y ait rapidement plus rien à régulariser, rien de plus à encaisser à bord. L’idéal, le summum, pour le transporteur qui compte ses deniers. Mais la tentation peut alors devenir forte de vouloir refaire des économies de ce côté-là, au risque de perdre de nouveau ensuite des recettes. « Faire et défaire, c’est toujours du chemin de fer », comme les cheminot(e)s se plaisent à le dire.

Sujet complexe que la fraude. L’opérateur ferroviaire juge que le phénomène est profondément installé dans la culture collective française. Regard qui vise donc aussi a priori des catégories qu’on attendrait le moins sur ce terrain là ! Y compris donc, pourquoi pas, quelques voyageurs d’affaires porteurs de titres dématérialisés e-billet. Hors de question de vulgariser ici les stratagèmes permettant de tenter de voyager à bon compte avec des apparences suffisantes d’un titre de transport dûment acquitté. A l’occasion, cela se chuchote sur le ton de la confidence. Puis cela se teste. Au final, ça existe et ça se pratique, malgré la prise de risque (excitante, pourquoi pas ?). Dans quelles proportions ? SNCF le sait-elle ? Mais puisque le transporteur recherche où est passée une partie de ses recettes TGV®, sans doute serait-il bien inspiré de s’interroger sur les failles de son système e-billet. Poser cette question, c’est prendre le risque de la réponse !

Voyageurs d’affaires, vous connaissez bien ça : le contrôleur « flashe » le billet ou lit la carte. Petit bip de satisfaction de l’appareil. C’est bon. Et si le lecteur résiste ? Ne reconnait pas le billet, pire le déclare non valide ? Incident technique, bug, situation irrégulière, fraude ? Le contrôleur n’est pas sans moyens pour vérifier. Mais ces investigations sont lourdes, longues… Pendant ce temps là, le contrôle ne se fait pas ailleurs. Et le résultat reste parfois incertain. Dans une relation commerciale, ce n’est donc pas facile à gérer. Il suffit de regarder faire les contrôleurs pour comprendre le problème. Et il n’est donc pas impossible que certains voyageurs aient su s’engouffrer dans les brèches du dispositif.

Le diable se cache dans les détails.

PAT