SNCF, le rapport qui pourrait bousculer le Voyage d’affaires en train

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Il est toujours délicat de regarder par le petit bout de la lorgnette, en l’occurrence celui du voyage d’affaires, ce qu’un rapport pourrait modifier au sein d’une entreprise comme SNCF. Seule certitude, soulignée par Jean-Cyril Spinetta qui a remis son rapport au premier ministre : "Il est urgent d’agir pour limiter et résorber le déficit structurel du système ferroviaire français".

Sans grande surprise le rapport élaboré par Jean-Cyril Spinetta n'élude aucun sujet au long de ses 127 pages et 43 propositions. Il remet en cause un certain nombre d’avantages acquis à la SNCF et pose globalement la problématique de l’exploitation ferroviaire en France. Premier constat, des milliers de kilomètres de petites lignes n’ont plus aujourd’hui leur raison d’être en raison de la diversité de l’offre de transports disponibles. Et l’auteur de préciser : "chaque kilomètre parcouru par un voyageur coûte un euro à la collectivité". En lançant un audit qui prend en compte la réalité des territoires et le coût de leur exploitation, Jean-Cyril Spinetta estime à 1,2 milliards d’euros, les économies annuelles potentiellement réalisables si ces lignes étaient supprimées.

Autre sujet, le TGV. Le maintenir en état ne semble pas être une solution judicieuse pour limiter le déficit. Jean-Cyril Spinetta ne préconise pas une réduction massive du nombre de gares desservies par les trains à grande vitesse… Mais il veut que "il y ait de l’intelligence dans l’analyse des besoins". D’autant, dit-il, "les optimisations sont possibles lorsque les flux de voyageurs sont faibles". Selon les spécialistes, sur les 200 gares desservies par le TGV, seule la moitié d’entre elles devrait être maintenues. Mais il ne sera pas facile de convaincre les villes qui seront éliminées du parcours. Des députés de la république en marche ont déjà fait savoir qu’il fallait être prudent sur le sujet car il pourrait mettre le feu aux poudres dans les régions. Seule certitude, cette spécificité TGV, propre au réseau français, est sans doute celle qui risque le plus de pénaliser les déplacements professionnels. Même si l’on reprochait au TGV sa vision trop parisienne et peu transversale, il est incontestable que son exploitation a permis des gains de temps appréciable pour les voyageurs d’affaires.

Au-delà, et sans grande surprise, Jean-Cyril Spinetta remet en cause le statut du personnel. Il souhaite que les nouveaux entrants bénéficient de contrats différents de ceux qui existe aujourd’hui. Une entreprise à deux vitesses, comme cela a été fait en son temps chez France Télécom. L’évolution des compétences, l’automatisation de certaines tâches, la numérisation et les nouvelles organisations du travail sont pour lui des pistes de développement à creuser avec des personnels qui pourraient alors bénéficier de contrats différents. "Nous refusons des embauches à la mission", avait prévenu ce matin Sud Rail. Le rapporteur estime également que la SNCF devrait pouvoir "recourir pendant deux ans à la procédure des plans de départs volontaires", pour mettre fin aux "excédents d'effectifs qu'elle gère tant bien que mal". L'objectif: supprimer 5000 postes en deux ans. Pour autant, Jean Cyril Spinetta défend sa position avec acharnement car pour lui, si la concurrence est le levier indispensable mais non suffisant du redressement économique, la richesse du personnel de SNCF est l’un des atouts à exploiter pour atteindre des économies qui profiteront à l’ensemble de la collectivité et à la qualité de l’offre ferroviaire.

A propos de la dette, SNCF Réseau concentre l’essentiel du déficit annuel du système ferroviaire français. Elle a augmenté de 15 milliards d’euros entre 2010 et 2016, pour atteindre près de 45 milliards d’euros fin 2016, décrit le rapport. Jean-Cyril Spinetta estime que l'Etat devrait reprendre "une part" de la très lourde dette de SNCF Réseau.

Pour Matignon, ce rapport n’est qu’un document de travail qui doit ouvrir, dès la semaine prochaine, une première phase de concertation sur la réforme du système ferroviaire français. Selon les premières informations, le gouvernement ne souhaite pas s’attaquer d’emblée au statut de cheminot, dossier explosif pour la plupart des observateurs, mais veut d’abord mettre à plat l’opérationnel qui permettra d’avoir une meilleure vision de l’organisation de SNCF. Jean-Cyril Spinetta conseille de transformer SNCF mobilité et SNCF Réseau afin de leur donner tous les outils juridiques de réussite. Bruxelles avait déjà souligné que le statut d’EPIC retenu par le gouvernement français était non conforme aux règles de juste concurrence, et pour cause : le statut d’établissement public ne connait pas la faillite et bénéficie "systématiquement des aides de l’État pour son fonctionnement financier".

Édouard Philippe, tout comme Élisabeth Borne la ministre des transports, n’ont pas caché qu’il s’agissait là d’un premier pas dans la refonte de SNCF et des services qui sont rattachés. Le Premier ministre, fidèle à lui-même, a souhaité que "la réflexion, la concertation, l’analyse des solutions et leur mise en œuvre fassent l’objet d’un dialogue avec l’ensemble des parties concernées".

A priori, les décisions ne sauraient être prises avant la mi-avril et d’ici là, les syndicats l’ont promis, ils feront entendre leur point de vue et détermineront les lignes à ne pas franchir pour éviter la crise sociale.