SNPL : ça suffit !

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Devant les difficultés croissantes auxquelles le groupe Air France/KLM doit faire face, les pilotes ont encore dégainé leur arme destructrice : la grève. Ils vont déposer le jeudi 04 septembre un préavis d’une grève de longue durée. Petite nouveauté, nous avons cette fois une annonce précédant le préavis. Ce n’était pas le cas auparavant. Le motif annoncé est, l’absence de discussions avec les pilotes quant à la stratégie de la compagnie.

Eh bien c’est trop ! En voilà assez de ces actions à répétition sous des prétextes insupportables. Peut-on imaginer des responsables de société devoir discuter en permanence avec telle ou telle catégorie de personnel pour faire les choix ? Veut-on recréer les « soviets » ? Car enfin c’est bien à cela que ressemble cette revendication. Et puis si d’aventure la direction du Groupe donne satisfaction aux pilotes, pourquoi alors les agents d’escale ne réclament-ils pas eux aussi une concertation avant la prise de décision ? Et pourquoi s’arrêter en si bon chemin ? Les agents de réservation, les cadres et les personnels administratifs auraient eux aussi leur mot à dire. Alors comment diriger l’entreprise ? Et comment la redresser alors qu’elle perd 3 millions d’euros par jour ?

A chacun son rôle. Aux dirigeants de décider et au personnel à mettre en œuvre les décisions. Et si celles-ci ne sont pas bonnes, il existe des règles pour changer le management. Mais, de grâce, que les rôles ne soient pas inversés. Après tout, si les pilotes veulent le pouvoir, pourquoi ne le prennent-ils pas ? Il leur suffirait d’acheter massivement des actions de la compagnie, elles ne sont pas chères actuellement : moins de la moitié de leur première cotation, il y a près de 15 ans. Ils auront ainsi la majorité et ils pourront alors nommer leurs dirigeants et choisir leur stratégie. Seulement, ils ne veulent pas de cela. Ils ne tiennent pas à courir des risques en misant leur propre argent. Cela ne veut pas dire qu’un pilote ne soit pas qualifié pour diriger une telle compagnie, mais ce n’est pas non plus un gage de réussite. Les dernières expériences chez United ont été désastreuses et plus près de nous l’expérience de Jean-Charles Corbet à la tête d’Air Liberté a donné les résultats que l’on connait.

Une entreprise a pour premier objectif de servir ses clients et de développer son marché et pour second de créer du profit dont une partie sera distribuée aux actionnaires qui ont risqué leur argent. L’idée que la première vocation d’une compagnie aérienne soit d’abord de servir les intérêts de son personnel est un non-sens. Cela conduit inéluctablement à sa disparition et par voie de conséquences à la mise sur le carreau des gens qu’elle faisait vivre.

L’affaire est sérieuse car la situation d’Air France/KLM est fragile. Et les pilotes, par leurs exigences sans cesse renouvelées ne sont pas innocents. Certes il y a eu des erreurs stratégiques lorsque les anciens dirigeants ont minimisé l’impact qu’aurait la libéralisation du transport aérien sur leur pré carré. Les ajustements n’ont pas été faits à temps, mais essentiellement pour éviter des conflits dont les pilotes ont menacé périodiquement les dirigeants, conflits qui n’ont d’ailleurs toujours pas été évités.

Alors les pilotes sont inquiets de leur avenir. Ils ont bien raison et il y a de quoi. Ils devront réformer leur comportement ou la société disparaitra. Les exemples de Swissair et d’Alitalia ne sont-ils pas assez probants ? Si la compagnie ne change pas en profondeur, les 63.000 salariés d’Air France risquent de se retrouver sur le tapis. Bien sûr on aura toujours besoin de pilotes dans une activité qui doublera d’ici à 2029, mais seront-ils employés aux conditions actuelles et dans leur environnement présent ?

Lionel Guérin va se retrouver à la tête du moyen-courrier point à point. Pour autant que je sache, il est pilote commandant de bord A 320. Et il a fait la preuve qu’il savait prendre des risques en créant sa compagnie Airlinair actuellement fondue dans l’ensemble HOP. Et il n’a jamais perdu d’argent dans sa compagnie. Preuve que ce n’est pas parce qu’on est pilote qu’on ne sait pas gérer.

Alors pourquoi commencer par saper le nécessaire travail de restructuration ? Que chacun reprenne sa place. Que les pilotes pilotent leurs avions et les fassent partir à l’heure, et que les dirigeants dirigent. Depuis 2010 les capitaux propres sont passés de 5.418 M€ à 1.024 M€, le résultat net cumulé à fin juin 2014 a été une perte de 6.021 M€ soit 3,66 millions d’euros par jour depuis le 01 janvier 2010. Réveillez-vous ! Les menaces de grève, ça suffit !

Jean-Louis BAROUX