Scanners corporels : jusqu’où se dévoiler pour être mieux protégé ? La CNIL se prononce sur le système

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Les "body scanners" ou scanners corporels, qui permettent de détecter les objets dangereux portés par les voyageurs, vont se développer afin de renforcer la sécurité aéroportuaire et la lutte anti-terroriste. Leurs technologies peuvent s'avérer très intrusives et attentatoires à l'intimité des personnes. La CNIL souhaite donc qu'ils soient utilisés de manière plus respectueuse de la vie privée.

Afin de réduire le caractère attentatoire à l'intimité et à la vie privée des personnes, les autorités de protection de données et la CNIL proposent que les mesures suivantes servent de base de discussion à la discussion qui s'est instaurée sur le sujet. :

. Privilégier les technologies qui permettent une représentation schématique du corps des personnes, et non leur image réelle. Mettre en place des mécanismes de floutage du visage et des parties intimes du corps ;
. Restreindre la visualisation des images par des personnels habilités, dans des locaux non ouverts au public. Les locaux devraient être placés de telle sorte qu'il soit impossible pour ces personnes habilitées de visualiser simultanément l'image holographique et l'image réelle des personnes. Il devrait également être interdit d'y introduire des appareils disposant de fonctions de captation d'images ;
. Limiter la conservation des images produites par les scanners corporels à la durée nécessaire au contrôle. Le rapprochement de ces images avec un autre traitement de données ne devrait pas être autorisé ;
. Prévoir un passage dans le sas du scanner indépendamment de tout autre contrôle, afin de ne permettre en aucun cas l'identification des voyageurs. En cas de détection d'une anomalie, l'agent chargé de procéder à une fouille ne devrait pouvoir visualiser qu'un schéma indiquant la zone du corps concernée ;
. Sécuriser la transmission informatique des images des passagers et former systématiquement les opérateurs à l'utilisation de ces dispositifs, notamment aux impératifs de protection de la vie privée.

La CNIL précise également que la visualisation des images obtenues à partir du scan corporel des individus, dont la nature et la qualité varient en fonction des technologies utilisées, peuvent s'avérer très intrusives et attentatoires à l'intimité des personnes. En effet, certains scanners permettent d'obtenir l'image des corps nus des individus, et peuvent notamment dévoiler leurs parties génitales, ainsi que leurs éventuelles infirmités, leur maternité ou toute autre information relative à leur santé. Dès lors, l'enjeu principal consiste à définir les conditions juridiques et techniques permettant de garantir que l'utilisation de ces scanners corporels est entourée de garanties suffisantes en matière de respect de la vie privée.

La CNIL estime qu'il appartient au seul législateur, et non à l'administration, de fixer les garanties de nature à concilier les impératifs de sécurité et le respect des libertés publiques. Comme aux Etats-Unis, une étude d'impact sur les conséquences en matière de protection de la vie privée et des données personnelles devrait précéder toute généralisation et développement des body scanners. Selon nos sources, la CNIL s'inquiète de la mise en place sauvage des scanners corporels et de la banalisation de leur utilisation au quotidien.

Un rappel technologique

Les scanners corporels produisent une image numérique du corps sur un écran visualisé par les agents habilités à procéder à l'inspection et au filtrage des voyageurs. Si le scan détecte un objet autre que les vêtements des personnes, ces agents peuvent alors fouiller ou effectuer des palpations de sécurité.
Les scanners corporels les plus développés utilisent deux types de technologies :
- la technologie des ondes millimétriques, qui utilise l'énergie de radiofréquences non-ionisantes pour générer une image en trois dimensions, basée sur les ondes réfléchies par le corps humain. L'énergie projetée par le système serait environ 100 000 fois inférieure à celle projetée par un téléphone portable en communication.
- les technologies reposant sur l'utilisation de rayons X, et notamment la technologie " Backscatter ", qui mobilise un faisceau de rayons X à faible intensité projeté sur la surface du corps à haute vitesse, le faisceau est réfléchi par le corps et les autres objets placés ou portés sur le corps, puis converti en image numérique de la personne. A titre de comparaison, la dose de rayons X reçue est équivalente à celle reçue en deux minutes de vol aérien à haute altitude.