Selon la FNAM, la privatisation de Lyon et Nice « ne relève pas de l’intérêt général »

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Président de la Fédération Nationale de l'Aviation Marchande et de la Chambre Syndicale du Transport Aérien (CSTA), Alain Battisti ne décolère pas et publie une tribune pour dénoncer la privatisation des aéroports de Lyon et de Nice qui, selon lui, "ne relève pas de l'intérêt général". Nous reproduisons son propos intégralement ci dessous.

Est-il nécessaire de privatiser les aéroports de Lyon et de Nice ?

C’est nécessaire pour les finances publiques ! L’objectif est d’encaisser plusieurs milliards à travers la privatisation des concessions aéroportuaires. Il s’agit simplement d’un raisonnement de recherche d’expédients financiers à travers ces deux privatisations. J’ajouterai même que c’est pour moi du « pseudo-libéralisme ». On est dans une logique purement financière, pas du tout dans une approche de développement ou de dynamisation des Territoires. Privatiser Lyon et Nice ne relève pas de l’intérêt général. Quant à savoir qui va être retenu, je pense que c’est celui qui mettra le plus d’argent sur la table.

Prenez l’exemple de Toulouse, l’investisseur chinois retenu était inconnu de tous, il n’avait aucune expérience aéroportuaire et il a disparu le jour de l’attribution de la concession. Un aéroport n’est pas une entreprise comme les autres. Rappelez-vous que le président Ronald Reagan, plutôt libéral, avait stoppé la privatisation des aéroports américains parce qu’il considérait qu’ils relevaient de l’intérêt général et qu’il s’agissait d’un monopole public que l’on allait transformer en monopole privé. J’ajoute que la « large » consultation des parties prenantes s’est faite sans les clients. Les compagnies aériennes ont été simplement exclues des échanges préalables !  

Alors, qu’est-ce qui justifie l'ouverture du capital de Lyon et de Nice ?

Nice n’a pas besoin d’investissements particuliers parce que tous ceux qui étaient nécessaires ont déjà été réalisés. Dans le cas de Lyon, il n’y pas non plus d’obligations particulières d’autant que des investissements ont été réalisés pour des extensions de capacités qui sont d’ailleurs considérées comme inutiles aujourd’hui.
Que ce soit Lyon ou Nice, il n’y a aucune nécessité de rechercher des investisseurs pour assurer des investissements d’infrastructures.  Je voudrais insister sur un point : un aéroport, qui est en situation de monopole territorial, n’est pas une structure comme les autres. Aujourd’hui, vous pouvez prendre une autoroute payante en concession ou une nationale gratuite, dans le cas d’un aéroport vous n’avez pas le choix, on est donc face à un monopole public qui va être transféré à des intérêts privés, mais qui restera un monopole.
Donc, la seule motivation de fond de ces deux opérations est, selon moi, de récupérer des recettes autres que fiscales. Pour les investisseurs, l’intérêt est avant tout économique puisqu’ils vont avoir un rendement tout à fait exceptionnel qu’ils n’auraient pas dans d’autres secteurs de l’industrie et en particulier dans le transport aérien. Avec une compagnie aérienne, vous obtenez un rendement de l’ordre de 1% par an alors que dans ce cas précis, ils sont à peu près sûrs d’avoir des taux de rendement de 8 à 10 fois supérieurs avec un risque qui est absolument nul… Aujourd’hui, les aéroports sont des machines à cash avec un trafic aérien qui est en croissance assurée sur le long terme et l’investisseur est, en outre, protégé par un contrat de régulation qui le garantit de toutes évolutions négatives. C’est une situation qui ressemble beaucoup à celles des concessions autoroutières pourtant dénoncées par le gouvernement, il y a peu.  

Le marché des lignes internationales au départ de Lyon et de Nice est-il convaincant aujourd'hui ?

Aujourd’hui, la plupart des aéroports de province ont des droits de trafic non utilisés avec la Chine ou avec l’Amérique du Nord. Pourquoi ces droits ne sont-ils pas utilisés ? C’est tout simplement parce que les compagnies aériennes chinoises et américaines ne voient pas de marché, y compris à partir des plus grandes villes de province pour exploiter un vol quotidien sur des routes directes ! Cela, malgré des flux très importants de trafic notamment vers l’Amérique du Nord.
Dans le cas des compagnies du Golfe, on est dans une approche commerciale de détournement de clientèle par ces compagnies qui souhaitent utiliser leur propre hub comme élément de conquête. A ce sujet, on parle toujours des compagnies du Golfe mais celles qui « siphonnent » le plus de passagers en France vers les destinations internationales sont les compagnies aériennes turques. Certes, ce sont des approches commerciales légitimes mais peut-être fait-on preuve d’un peu trop d’angélisme à leur égard. Les conséquences de ces concurrences débridées, qui bénéficient de règles fiscales, sociales, environnementales plus favorables, sont la destruction lente et continue de l’emploi en France.

Alain Battisti,
Président la FNAM et de Chalair Aviation
La CSTA, (Chambre Syndicale du transport Aérien),  membre de la FNAM*,  représente plus de 95% du secteur du transport aérien français dont Aigle Azur, Air Caraïbes, Air France, Chalair, Corsair Int’l, HOP! Air France, Transavia France, XL Airways. Principale organisation professionnel du secteur aérien, la FNAM représente plus de 370 entreprises et fédère 9 métiers, au travers de 8 groupements professionnels : le transport de passagers et l'aviation d'affaires, le taxi aérien, le transport par hélicoptères, le transport de fret, la maintenance aéronautique, les services aéroportuaires, le travail aérien, les écoles de formation et désormais les drones. Plus de 100 000 emplois sont concernés dont 72 000 emplois au sein des compagnies aériennes et 30 000 au sein de l’assistance en escale et des gestionnaires d’aéroports.
* FNAM : Fédération Nationale de l’Aviation Marchande     

Alain Battisti, Président la FNAM et de Chalair Aviation, est diplômé de l’EM Lyon. Ancien auditeur chez Arthur Andersen, puis contrôleur de Gestion chez Héli Union et au sein du groupe SFPI, il fonde en 1994 le groupe ADIGE SAS, présent aujourd’hui dans l’industrie pharmaceutique (Tubes technologiques) et dans l’aviation commerciale, avec la compagnie aérienne Chalair Aviation. La compagnie fondée il y a 30 ans est présente en France et également en Afrique.