Trop de numérique tue le numérique !

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Trop, c’est trop. L’infobésité nous tue lentement ! L'infobésité, raccourci rapide entre information et obésité, c’est le flot continu et permanent d’informations qui nous parvient via le net, nos smartphones et autres tablettes. Aujourd’hui, selon les spécialistes américains, ce sont 160 millions d’informations à la minute qui déferlent sur les réseaux numériques. Autant vous dire que pour un voyageur, le message de rappel de son quai ou de son aérogare de départ est quelque peu noyé dans la masse. Alors qu'il ne faut pas le laisser passer.

Malgré les efforts de filtrage que font beaucoup de professionnels, la curiosité naturelle associée à la veille sur un domaine précis priment sur le raisonnable. En deux ans, selon le Stanford Institute, notre regard s’est habitué à gérer le superficiel au point de ne pas forcément retenir des informations inutiles mais juste celles gravées dans notre mémoire pour leur originalité. Ce réflexe de gourmandinfo, selon nos amis québécois, résume notre avidité pour le savoir. Etre informé n’est certes plus un luxe, mais une nécessité. Encore faut-il ne pas saturer. Dans une enquête sur le stress au travail réalisée pour la CFE-CGC, plus de 80% des personnes interrogées estiment que les outils électroniques accroissent les informations à traiter et imposent des temps de réponse toujours plus courts. Le fait d'être "fréquemment interrompu dans son travail" est le facteur de stress le plus important pour 74% des salariés.
Mais au delà de cela, comment faire le tri ?
Pour obliger leurs salariés à prendre du recul et éviter le "burn out", l'Observatoire sur la responsabilité sociétale des entreprises (Orse) a publié fin 2011 une charte proposant aux entreprises de mieux maîtriser la messagerie électronique qui "peut devenir un outil dévastateur". Selon l'Orse, 56% des utilisateurs consacrent plus de deux heures par jour à la gestion de leur boîte mail et 38% reçoivent plus de 100 messages par jour. 65% déclarent vérifier leur messagerie toutes les heures mais le font en réalité bien plus souvent, parfois toutes les cinq minutes.Chez Canon France, une fois par trimestre, les 1.800 collaborateurs sont incités à une journée sans mail afin de privilégier les échanges. Car contrairement aux apparences, désormais on ne se parle plus. On se mail, on se tweet, on s’instagram ou se facebookise et autres outils sortis de l’imagination d’un boutonneux qui passe ses journées derrière un clavier. Pire on se tweet alors que l’on vient de se quitter. Où est le plaisir de la rencontre, des retrouvailles, de la découverte ? Vous l’avez remarqué, on ne voyage plus. On se déplace. On ne regarde pas autour de soi. On « one day travelise ». Bref, plus on va vite, moins on sait. C’est tout cela que dénoncent aujourd’hui les adeptes du slow travel. Technique peu adaptée au monde des affaires mais qui, sur le fond, doit nous faire réfléchir. Croiser encore des acheteurs de voyages qui dialoguent peu ou pas avec leurs voyageurs est monnaie courante. Dommage, le numérique ne remplace ni l’humain, ni la connaissance. Il l’appauvrit, tout au plus.

Hélène Retout