Un voyageur refuse d’embarquer à bord d’un 737 MAX

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L’actualité vient de nous rappeler la fragilité de l’équilibre qui rend le transport aérien si sûr. Mais faut-il craindre de prendre l’avion plus qu’avant cet événement tragique ? La réponse est naturellement non car aucune partie ne prendra le risque de mettre sciemment la vie des passagers mais également l’économie de sociétés ou d’un pays en danger (pour rappel, Boeing est le premier exportateur des Etats-Unis). Mais comment réagir face à un voyageur qui refuse de prendre un vol assuré par un 737 de la famille MAX ?

En fait, le voyageur en tant qu’employé sous contrat de travail de droit Français, peut faire jouer son droit de retrait s’il a un motif raisonnable de penser que certaines situations présentent un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé. Il peut, dans ce cas, interrompre ses activités tant que l’employeur n’a pas mis en place les mesures de prévention adaptées (Art. L. 4131-1 à L. 4131-4 du Code du travail).

L’interprétation de la gravité et de l’imminence n’est pas évidente à quantifier et il y a pas mal de contentieux dans ce domaine. Mais avec l’EASA (European Union Aviation Safety Agency) qui a, entre autres, fermé l’espace aérien à ces machines nonobstant le fait que l’enquête du drame du vol ET302 n’en est qu’à son début, la dangerosité du 737 MAX serait facilement reconnue, et ce, même si la FAA (Federal Aviation Administration - Etats-Unis) ne donne que des recommandations d’exploitation (il y a, dans ce pays, 112 appareils en service).

Sur le plan pratique, un salarié doit exprimer son droit de retrait par courriel (ou oral) à son employeur en motivant les raisons de son agissement. Ce n’est pas pour autant qu’il doit se considérer comme déchargé de toutes obligations envers son employeur lequel est en droit de lui donner une nouvelle mission ou de lui faire prendre un autre moyen de transport.

En revanche, si le voyageur n’exprime pas son souhait de faire jouer son droit de retrait, qu’il embarque dans un 737 MAX et que ce dernier connait un accident de surcroît mortel, quelle sera la responsabilité de l’employeur dès lors que des autorités ont utilisé le principe de précaution et donc reconnu une potentielle dangerosité des 737 MAX ?

Il y aurait, dans le cas précité, une exposition du voyageur au risque, or, l’employeur de personnel sous contrat de travail de droit français est redevable d’une obligation de résultat à l’égard de la sécurité de ses collaborateurs (Article L 4121 – 1 du Code du Travail). Il doit notamment prendre les “mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs”.

De son côté, la directive européenne concernant la sécurité et la santé des employés (Directive du conseil 89/391/CEE de 1989) impose un devoir de protection général aux employeurs et exige que des mesures spécifiques soient prises. Outre la prévention des risques professionnels, cela inclus les activités, d'information et de formation ainsi que la mise en place d'une organisation et de moyens nécessaires (Section II, art 6-1).

Dans le cas présent, l’employeur serait potentiellement condamnable et la situation générerait un procès complexe et dramatique pour l’image de marque de l’employeur (valeur immatérielle de l’entreprise).
En clair, il ne faut pas crier au loup ni jeter d’huile sur le feu mais il est essentiel de s’intéresser au marché, de se positionner en connaissance de cause et de communiquer avec les voyageurs pour à minima prouver que l’employeur à pris les précautions nécessaires.

Faut-il pour autant avoir peur de prendre des 737 ? La réponse est négative car tous les appareils de cette gamme ne sont pas des MAX (il n’y a que 378 appareils de ce type en circulation dans le monde). Quant à la famille d’appareils frappés par ces drames, il faut laisser les autorités compétentes (Françaises et Européennes) faire leur travail, suivre leurs recommandations et ne pas tirer de conclusions hâtives car elles mettent en jeu un nombre incalculable de paramètres qui diffèrent en fonction de milliers de situations. Autant dire que la tâche est ardue…

Il est cependant crucial de s’intéresser à ces enquêtes afin de pouvoir communiquer efficacement avec les parties prenantes des déplacements professionnels et surtout ne pas s’exposer à des situations humainement, techniquement et juridiquement complexes.


Yann Le Goff
Expert Mobilité
www.nilrem.fr