Une ressource méconnue et paradoxale de diversité biologique : les zones aéroportuaires

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Contrairement à bien des idées reçues, un aéroport est un vaste espace de pelouse, de jachères, de bois et de taillis, où les zones construites représentent moins du tiers des surfaces totales. Si l’on additionne les surfaces des 300 aéroports et aérodromes de notre pays, Outremer compris, c’est une surface d’environ 400 km2, soit 4 fois celle de Paris intra-muros, de milieux protégés qui seraient disponibles pour renforcer le dispositif de protection des écosystèmes.

Déjà, leurs responsables ont pris conscience de leur responsabilité environnementale en réduisant considérablement l’usage de pesticides divers dans l’entretien des espaces construits.

Sur treize zones aéroportuaires, il a été relevé en trois ans une extrême richesse écologique. Avec plus de 7500 données recueillies sur ses divers sites d’observation, le réseau mis en place a permis l’identification de 181 espèces d’oiseaux, 21 de chauve-souris, 34 d’orchidées, 1400 espèces différentes, faune et flore confondues, peuplant toutes les strates du sous-sols à l’aérien, avec des observations d’espèces par ailleurs remarquables ou rares telles le Faucon kobez à Metz-Nancy-Lorraine, l’Outarde canepetière à Montpellier, l’Œdicnème criard et le Lézard ocellé à Castres-Mazamet, ou l’Hélix de Corse à Ajaccio. Alors que le moineau commun se raréfie à Paris en dépit de ses parcs et jardin, on trouve une importante colonie de moineaux friquets sur l’aéroport d’Orly.

La richesse des observations, recensements et suivis d’espèces, a été rendue d’autant plus performante qu’elle a été accomplie en impliquant autant que possible l’ensemble des personnels aéroportuaires, au sein d’une démarche de science participative, organisée par l’association HOPBiodiversité selon les protocoles établis par le Muséum national d’Histoire Naturelle (MNHN).

Validées et orientées par un conseil scientifique composé de personnalités du MNHN ou du CNRS, ces observations ont largement démontré la réalité de l’intuition originelle, sur la richesse en biodiversité des zones aéroportuaires. Une richesse que l’on devrait également retrouver sur les aérodromes.
Reste le souci majeur de l’association, partagé avec la Direction Générale de l’Aviation Civile et les compagnies aériennes participantes Air Corsica et HOP! Air FRANCE, que ces efforts de recensement puis de préservation, voire d’enrichissement, de la biodiversité sur ces terrains très particuliers ne se traduisent par une augmentation des risques de collision en vol ou au sol pour les aéronefs.

Cette problématique de prévention est au cœur de la réflexion et des préoccupations des recherches menées au sein de l’association. C’est dans ce contexte de sécurité aérienne qu’une étude sur les hauteurs de fauche des prairies aéroportuaires a été entreprise, avec l’indication paradoxale, car contraire aux usages locaux, qu’une fauche moins rase et moins fréquente diminuait les risques. Et oui les oiseaux, en général se sentent plus protégés sur des plaines tondues, pouvant voir plus loin et décoller plus facilement. Une conclusion qu’il reste à étendre, elle aurait un double effet capital sur l’enrichissement de la biodiversité, et sur la diminution des risques. Ainsi vous avez certainement pu constaté une modification des espaces verts aux abords des pistes.

Lionel Guérin