Voyage d’affaires, il est toujours bon de passer au BAR

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C’est un rendez-vous annuel incontournable que celui proposé par le BAR (Board of Airlines Representatives) dont la mission est de porter la voix des compagnies aériennes qui opèrent au départ de la France au sein des administrations, des aéroports et auprès de la distribution.

L’association, qui rassemble actuellement 70 compagnies aériennes françaises, européennes et internationales, est la seule à pouvoir se vanter de réunir dans la même salle tout ce qui compte dans le monde de l’aérien dans notre pays. Mais c’est aussi l’occasion de donner la parole à des partenaires sensibilisés depuis quelques années aux évolutions du transport aérien et parfois, au diktat un peu rude, des compagnies.

Premier témoignage, plus axé sur l’opérationnel, celui de Eric Herbane, coordinateur délégué de Cohor, l’organisation en charge de la distribution des créneaux aériens aux compagnies. Hormis des détails techniques sur l’augmentation des taxes censées financer l’organisation, il est revenu sur l’attribution de nouveaux créneaux à Orly, que ce soit à la Compagnie pour implanter son activité sur l’aéroport sud parisien ou pour Aigle Azur et son projet d’ouverture de ligne vers la Chine. Un projet qu’il juge possible pour 2018.

Autre intervenant venu évoquer le monde de la distribution, Jean-Pierre Mas, le patron du syndicat des Entreprises du Voyage (agences, TO, voyage d'affaires) qui d’emblée n’a pas voulu opposer distributeurs et compagnies aériennes. "Nous sommes avant tout des partenaires et nous souhaitons améliorer avec vous ce qui fait la réussite de nos entreprises". Mais au-delà, il tient aussi à préciser les points de friction entre les agences de voyages et les transporteurs. La norme NDC, qu’il considère comme une bonne initiative, reste à ses yeux "un projet trop vite engagé qui manque de réflexion". Et de préciser : "il est clair que le modèle économique établi entre les compagnies aériennes, les GDS et les agences de voyages est à bout de souffle. Mais il n’est pas nécessaire de recréer un système qui pénaliserait la distribution".

Mais le discours le plus attendu est toujours celui du président du Bar France, Jean-Pierre Sauvage, qui n’est pas un adepte de la langue de bois. Et pour éviter d’entrer dans trop de détails techniques, il a voulu préciser en quatre points les préoccupations que rencontrent aujourd’hui les compagnies aériennes en France. Sans grande surprise, la relation avec les aéroports reste un point de friction en raison de l’augmentation régulière des coûts d’exploitation et des taxes imposées aux compagnies. Et de préciser : "Les relations économiques avec les grands aéroports souffrent d’un déséquilibre systémique en opposition avec les recommandations formulées par la Cour des comptes dans son rapport publié en septembre 2016 préconisant un juste équilibre entre les intérêts des aéroports et des compagnies par une régulation appropriée des redevances". Pour Jean-Pierre Sauvage, il ne s’agit pas de remettre en cause l’équilibre économique d’un aéroport mais plutôt de l’adapter à la réalité d’un marché. "Le transport aérien est une activité concurrentielle ou la maîtrise des coûts est essentielle" détaille le Président qui ajoute, "Nous demandons un système de redevances modérées en adéquation avec les justes coûts dans un cadre de caisse unique afin d’éviter la dérive actuelle qui a et qui aura des conséquences dommageables pour notre économie en général, et notre tourisme, en particulier". Et de préciser: "la hausse de nos coûts d’exploitation est généralement répercutée à nos clients ce qui n’est pas une bonne chose".

Autre point, la menace sécuritaire qui se traduit concrètement par des temps d’attente insupportables pour les passagers à l’arrivée comme au départ. Au nom du BAR, Jean-Pierre Sauvage rappelle : "Nous souhaitons l’installation de postes PARAFE supplémentaires et l’utilisation systématisée des contrôle des personnes par un mode de reconnaissance faciale permettant d’accélérer les flux de passagers".

Le troisième point, plus technique, aborde la situation du contrôle aérien. Dans le droit fil de la communication de la Commission Européenne sur le sujet, les compagnies demandent évidemment une réalisation rapide du Ciel unique européen (SESAR) permettant non seulement une meilleure fluidité du trafic aérien avec les économies d’exploitation correspondantes mais aussi une réduction significative de la consommation de carburant et d’émission de CO2.
Et Jean-Pierre Sauvage d’ajouter: "La réussite du Ciel Unique n’est pas uniquement du ressort de l’UE. Elle dépend avant tout de la volonté forte des Etats membres de développer les nouvelles technologies et les procédures de vol adéquate". Mais au-delà, la relation sociale est importante. "Nous réclamons une meilleure gestion des mouvements sociaux des contrôleurs aériens sur notre territoire. Le privilège exorbitant qui leur a été consenti de ne se déclarer en grève qu’à leur prise de service perturbe grandement l’exploitation des compagnies, qu’elles opèrent de et vers la France ou d’un pays voisin…Les contrôleurs aériens devraient être soumis, comme les autres fonctionnaires, aux obligations de la loi Diard qui oblige les grévistes à se déclarer 48 heures à l’avance".

Enfin, il était impossible pour Jean-Pierre Sauvage de ne pas évoquer les contraintes environnementales qui constituent une grave menace pour le transport aérien. Pour lui, "Malgré les investissements lourds que représentent l’achat d’avions plus performants, moins bruyants et moins émetteurs de polluants, la pression des riverains ne faiblit pas et menace de réduire les heures d’exploitation des aéroports, en particulier le matin et le soir". Entendez, au détriment des passagers et de l’exploitation. Il rappelle une nouvelle fois qu’il serait possible de mettre fin à une situation conflictuelle en procédant à un programme massif d’insonorisation de toutes les habitations riveraines éligibles en faisant appel à l’emprunt.

Et de conclure : "En 2017, les résultats du transport aérien mondial ont été brillants avec 4,1 milliards de passagers transportés soit +7% par rapport à 2016 Mais un bénéfice net par passager de 9 $, et un résultat net moyen de 4.2% pour l’ensemble des compagnies. Nous sommes encore loin des résultats des autres acteurs participants à notre industrie et le rôle de BAR France, en tant qu’organisation représentative, sera, cette année et les années suivantes, d’œuvrer pour une meilleure répartition de la valeur créée par l’ensemble des partenaires du transport aérien".

Pour les observateurs avertis, une bonne partie de ces sujets sont récurrents et reviennent d’une AG sur l’autre sans toujours trouver de solution. Ou alors, le détaille Patrick Gandil, le Directeur de la DGAC (Direction Générale de l’Aviation Civile) venu clôturer la rencontre : "Il faudra chercher des solutions à tous ces problèmes dans les assises du transport aérien, de la mi-mars à la mi-mai, aborderont tous les grands sujets et chercheront à trouver des solutions à tous les grands problèmes évoqués" et d’ajouter : "Mais nous ne nous leurrons pas, cette rencontre qui doit déboucher sur des lois et des orientations ne réglera pas instantanément difficulté partagée par un grand nombre d’acteurs du transport aérien". Sans doute une réaction qui aurait fait dire Courteline que "le meilleur moyen d’évacuer un sujet sérieux, c’est de le confier à une commission aura le talent de l’enterrer".