Voyageurs d’affaires, faut-il accepter les cadeaux des entreprises chinoises ?

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On le dit, les petits cadeaux entretiennent l'amitié. Les voyageurs d'affaires le savent bien, certains objets, rattachés à l'image de notre pays, facilitent le dialogue et renforcent l'image des entreprises françaises. Une bouteille d'un grand cru, un foulard ou un parfum… sont généralement très appréciés en Asie.

Les entreprises chinoises n'oublient pas d'offrir en retour quelques cadeaux dont certains ne manquent pas d'originalité. Pour preuve, à en croire un grand quotidien japonais, une société de Shanghai avait eu l'idée d'offrir, sur une clé USB, une anthologie de la musique chinoise illustrée par un diaporama sur le pays et les traditions locales. A priori, un document que l'on prend plaisir à voir et à montrer à ses équipes.

Là où le cadeau devient empoisonné, c'est quand il sert de cheval de Troie. En clair, la clé USB était infectée par un logiciel espion qui donnait accès au disque dur du voyageur, à ses mails et son agenda. Le pire, c'est que pour un néophyte le piège était indétectable. Il a fallu la curiosité d'un directeur de service informatique, étonné de la structure des fichiers, pour découvrir le pot aux roses. L'affaire, qui concernait un voyageur américain, a été transmise à la CIA. On ne sait pas quelle suite "officielle" a été donnée.

Contrairement à ce que l'on pourrait penser, ce n'est pas la première fois que l'on évoque des affaires de ce type. On se souvient des téléphones piégés au début des années 90 ou des stylos-microémetteur de la CIA. L'espionnage industriel est aussi vieux que le monde et bien des innovations soviétiques n'étaient à l'époque que le fruit d'un KGB omniprésent dans le secteur de « l’intelligence économique ».

Faut-il alors se méfier de tout, tout le temps ? Pour un voyageur d'affaires habitué à courir le monde, la réponse est affirmative. Selon Ron Ross, le patron du NIST (National Institute of Standards and Technology), une structure créée au sein du U.S. Department of Commerce, « le rôle de l'entreprise est de former ses salariés aux techniques de prévention de la cybersécurité. » Ce spécialiste estime même que « l'espionnage industriel moderne tient plus de l'analyse de la vie privée que de la récupération des datas ultra protégées. » Un comble ! Visiblement, trop s’exhiber au regard du public est une mauvaise idée que partagent pourtant bien des voyageurs d'affaires ! Une certitude, conclut Ron Rosse : «toutes les classes d'âge sont concernées et les millennials sont loin d'être les seuls à succomber au poison invisible des réseaux sociaux.»

A une époque où les objets connectés foisonnent, on peut se demander si la protection totale existe. Là encore, Ron Ross est prudent : « On peut imaginer que nous sommes souvent suréquipés lors de nos déplacements. Smartphone, téléphone, lecteur MP3, ordinateur portable, tablette sont désormais la panoplie courante et chacun de ces outils est une porte cachée que vont utiliser les pirates ».

De là à revenir à un «slow business travel» où seules l'intelligence et la mémoire sont des outils de travail, il n'y a qu'un pas que, certainement, très peu sont prêts à franchir.

Marcel Lévy

Ai-je besoin de vous dire que ces propos n'engagent que moi et ne reflètent en aucun cas la position de la (très sérieuse) rédaction de DéplacementsPros