Voyageurs d’affaires : la montée en puissance des refus déguisés de voyager

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Les besoins d'économies manifestés par les entreprises en matière de déplacements professionnels, ce sont les voyageurs eux-mêmes qui pourraient bien devenir les meilleurs soutiens de cette politique de réduction des coûts. Pour des raisons de confort ! Selon plusieurs Travel Managers européens, cités récemment dans une enquête menée par un cabinet de recrutement allemand, la montée en puissance des refus déguisés de voyager est palpable dans bon nombre d'entreprises.

Face aux conditions souvent médiocres proposées par les politiques voyages, ce sont les voyageurs eux-mêmes qui freinent des deux pieds pour ne plus se déplacer. "Le voyage d'affaires a souvent été un élément fort d'une carrière, indispensable pour affirmer sa présence dans l'entreprise et nécessaire à la compréhension de la structure commerciale et technologique de l'employeur", remarque Alain Joyet, sociologue d'entreprise, "Mais ce n'est plus le cas aujourd'hui, tant la pression économique pèse sur les épaules du voyageur d'affaires qui est tenté de refuser de plus en plus souvent les déplacements de courte durée au bénéfice des long-courriers, plus valorisants et qui assurent un réel dépaysement professionnel". Au-delà de ce constat, et plusieurs syndicats l'ont déjà évoqué, ce sont les conditions même du voyage d'affaires qui freinent les déplacements de ceux qui sont en charge de représenter leur entreprise. "Moins de voyage, mais des voyages mieux organisés, qui prennent en compte un minimum de confort pour le voyageur", voilà donc en substance le discours que tiennent les organisations syndicales, persuadées que ce domaine social peut être amélioré sans forcément augmenter les coûts de réalisation.
Pour autant, si l'on se dirige de plus en plus vers une préparation active des voyages, qui prend en compte l'intérêt du déplacement et sa finalité, il est clair que voyager reste un «mal» indispensable dans les entreprises... A condition d'en redéfinir les contours pour éviter des blocages pénalisants pour l'activité professionnelle. D'autant que le code du travail, souvent évoqué ici par notre conseil maître Jacqueline Cortés, est complexe si la nature même du déplacement, sa fréquence et son intégration dans l'activité professionnelle du voyageur n'est pas clairement exprimée dans le contrat de travail. Hors pour les salariés les plus anciens, cet élément est rarement évoqué dans les documents d'embauche.
Va-t-on assister à une grève du voyage d'affaires ? Sans doute pas. À une refonte du processus d'organisation des voyages ? Certainement. Il reste à en définir les contours. Plusieurs syndicats, comme la CFDT, la CGT ou FO veulent une clarification de l'activité "voyage" du salarié. Il est vrai que dans certaines entreprises, les déplacements trop fréquents ont souvent été cités comme cause de dépressions voir même de suicides !

Marcel Lévy