Webinar Advito sur le voyage d’affaires : «être agile sur un marché volatil»

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Les experts d’Advito (filiale conseil de BCD Travel) en charge des programmes Air, Hôtel, Traveler Engagement et Développement durable ont chacun fait un point sur la situation actuelle dans le secteur du voyage d’affaires, et donné quelques conseils pour préparer au mieux la reprise.

L’impact de la pandémie de Covid-19 est sévère pour le secteur du business travel. Et la crise aura des effets durables sur la gestion des déplacement professionnels. Dans quel état les compagnies aériennes et les chaînes hôtelières en sortent-elles ? Quelles sont leurs perspectives ? Comment vont évoluer le comportement des voyageurs et les politiques voyages des entreprises ? Quelles sont les garanties sanitaires apportées par les fournisseurs ? Le développement durable sera-t-il toujours une priorité ?

Olivier Benoit, vice-président Air d’Advito, a avancé quelques éléments de réponses sur la reprise du secteur du voyage d’affaires, en préambule au webinar organisé par le bureau de conseil ce mardi 30 juin : «Nous avons un certain nombre de certitudes. Il faudra ainsi compter deux à trois ans avant que le secteur du voyage d’affaires ne retrouve les niveaux de 2019, qui fut une bonne année. Et le marché sera très volatil, aussi bien du côté de l’offre des fournisseurs que de la demande des voyageurs.

Autre certitude pour Olivier Benoit, la priorité des travel managers et acheteurs voyages aujourd’hui est clairement la gestion du risque sanitaire. Et de constater qu’il n’y a pas de réponses globales des États et des régulateurs sur ces questions, ce qui rend le pilotage de la reprise extrêmement complexe. «Nous avons aussi la quasi-certitude que le modèle de rémunération basé sur les transaction fees va inexorablement changer. Un dernier point enfin, sur lequel nous avions déjà des certitudes avant la crise : la communication en direction des voyageurs est un facteur clé pour la réussite d’un programme voyage, qui contribue plus que jamais à la confiance pour soutenir la reprise, y compris en s’appuyant sur la data ».

David Frangeul, consultant Air et Train chez Advito, s’est penché sur les perspectives de reprise dans le secteur aérien. «La situation s’améliore lentement et progressivement, avec cet été 40% des capacités en sièges par rapport à l’an dernier. Le redémarrage est bien sûr beaucoup plus timide pour les vols inter-continentaux, en raison de multiples restrictions».

Une question taraude bien sûr les compagnies aériennes : quand les voyageurs d’affaires seront-ils de retour dans les avions ? Elles doivent déjà tenir compte du fait que de nombreuses entreprises ont interdit tout voyage jusqu’en septembre, à l’exception des déplacements essentiels. Au regard des réticences encore nombreuses à voyager, les transporteurs doivent mettre le paquet pour rassurer sur le plan sanitaire, à communiquer sur les différentes mesures qu’ils ont mis en place.

«En matière de prix, poursuit David Frangeul, il faudra être vigilant lors de la reprise de l’activité, dans les mois à venir. C’est un défi pour les compagnies aériennes d’adapter leur réseau et fréquences au regard d’une demande atone. Elles doivent aujourd’hui stimuler cette demande et proposer des tarifs attractifs pour encourager la reprise. On a déjà pu le constater en Chine avec une baisse des prix moyens des billets domestiques. Mais cela dépend bien sûr du niveau de la concurrence. Et on pourrait, dès la reprise, constater un phénomène de surcapacité car la plupart des compagnies aériennes auront survécu à la crise, grâce aux aides et subventions des États. Les prix devraient donc rester bas un moment, d’autant que l’émergence de la visio-conférence aura aussi des répercutions sur le segment du déplacement professionnel. Enfin, David Frangeul rappelle que la crise économique à venir va aussi entraîner une réduction des voyages d’affaires. Cette phase pourrait durer un an, voire un an et demi. La consolidation du secteur, notamment en Europe où il existe beaucoup de compagnies aériennes, devrait ensuite réduire la concurrence et à terme faire remonter les prix, surtout sur des axes où certains transporteurs peuvent se retrouver en position dominante. «Mais la situation est différente d’une ligne à l’autre, et l’on devrait constater une forte volatilité en termes de prix».

Coraline Posso, consultant experte Hotels chez Advito, a pour sa part souligné que les tarifs statiques négociés avant la crise «ne sont généralement plus compétitifs, il faut les renégocier, et demander du dynamique plutôt que du statique afin de disposer d’un discount au regard d’un BAR (Best Available Rate, ndr) très volatil en ce moment».

Julien Etchanchu, consultant air et développement durable chez Advito, a noté de son côté que l’importance de la dimension éco-responsable dans le voyage d’affaires, déjà importante avant la crise, «va rester très haut dans l’agenda. Les problématiques environnementales sont dans l’air du temps. Nous constatons ainsi que des clients du business travel signent aujourd’hui des contrats portant sur cette dimension durable». Et deux récentes enquêtes de l’Institute of Travel Management et de Kactus confirment cette tendance, poursuit Julien Etchanchu, les travel managers interrogés soulignant la priorité croissante du développement durable dans leurs démarches et politiques voyage. Reste encore à mesurer l’impact sur le voyage d’affaires de la levée de barrières psychologiques sur la visio-conférence et le télétravail.

La plupart des compagnies aériennes ont pour leur part maintenu leurs engagements environnementaux, ce qui est plus facile à atteindre quand on rationalise sa flotte au détriment des avions les plus gourmands en kérosène. Julien Etchanchu pense aussi que le grand gagnant de l’ère post-covid sera le train. La distanciation sociale y est plus facile à respecter que dans un avion. Et la durée du trajet au-delà de laquelle le voyageur d’affaires privilégie l’avion au détriment du train, passerait de 2h30 à 4h. En Chine, ce chiffre monterait même à 6h à la place d’un vol d’1h30 ! «Et je rappellerais que le train reste globalement moins cher que l’avion. Et cet écart de prix va augmenter, y compris en raison de taxes plus incitatives pour les modes de transport les plus propres».

Comment préparer au mieux la reprise ?

«Il est impératif de reporter les appels d’offres. Comment en effet négocier des contrats quand il existe autant d’incertitudes, aussi bien du côté des clients que des compagnies aériennes, répond David Frangeul. De plus, on peut aussi prévoir des changements dans les comportement des voyageurs, comme dans les politiques voyage des entreprises. Notre recommandation est de prolonger les contrats existants jusqu’à la fin de l’année en cours, pour se donner le temps d’y voir plus clair sur son programme aérien, voire sa politique voyage. J’ajouterais que les objectifs de performance des contrats actuels n’ont plus aucun sens. Il faut s’arranger avec les compagnies aériennes pour neutraliser ces objectifs, ce qui ne pose pas de problème. Et on peut voir aussi avec elles l’opportunité d’étendre de six mois ou un an les statuts de fidélisation des voyageurs fréquents».

Côté sanitaire, une cabine business offre davantage de distanciation physique, poursuit David Frangeul, qui prévoit des tarifs des classes affaires plus attractifs dans les prochains mois. En revanche, la crise aura sûrement un impact sur les budgets voyages de nombreuses entreprises. Faut-il par ailleurs ré-orienter les programmes aériens au regard de la solidité financière et des risques que présentent telle ou telle compagnie ?

«Pour le pilotage des programmes aériens, le maître mot c’est l’agilité, explique David Frangeul. Les compagnies, dans un marché très concurrentiel, vont être agressive sur le segment du voyage d’affaires, pour conserver tous les clients, ce qui va offrir des opportunités».

Coraline Posso estime que ces conseils sont aussi valables sur le segment hôtelier, avant de mettre l’accent sur des questions plus techniques. «Nous allons recommander de repousser le RFP (Request for Proposals, ndr).(…) Nous préconisons aussi l’implémentation de Rate Targets, des valeurs qui encouragent plutôt le voyageur à réserver un hôtel au tarif proche de celui recommandé, démarche plus positive que les Rate Caps (ou City Caps) qui correspondent à un plafond et sont perçus comme plus contraignantes. L’occasion aussi de mieux contrôler les dépenses dans un contexte où la disponibilité des hôtels sera limité dans les prochains mois. Je ne pense pas qu’on sera prêt à se replonger dans un RFP avant probablement deux mois. Nous recommandons aussi de réaliser un gros travail de forecast sur les voyages à venir, en regardant plutôt les nuitées que les dépenses».

Julien Etchanchu, sur la dimension durable, préconise un plan en trois étapes : «avoir une vision claire de sa situation actuelle en termes d’impact environnemental et d’empreinte carbone, y compris en créant ou améliorant ses tableaux de bord dédiés ; identifier des opportunités d’amélioration, ce qui est le cas dans tout programme de voyage. Sur l’aérien par exemple, on peut recourir à des avions plus récents et moins gourmands en carburant, ou privilégier systématiquement les vols directs aux vols avec correspondances ; changer votre OBT et votre politique voyage en conséquence, et recourir au Traveler Engagement pour davantage embarquer les voyageurs dans ses démarches». Julien Etchanchu a conclu en rappelant que le développement durable devait désormais faire partie intégrante de la politique voyage, au même titre que la sécurité et la santé des voyageurs.