Classement hôtelier (4/4) – Et les voyageurs pros ?

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Si le soleil brille pour tout le monde, ce n’est pas vraiment le cas des étoiles : le voyageur d’affaires n’est pas le centre de gravité du classement hôtelier.

Alors que les étoiles sont attaquées de toute part, un justicier intersidéral prend leur défense. Son nom : Ziad Minkara. Sa fonction : DG de CDS Groupe, marketplace de l’hôtellerie business. Mais à vrai dire, sa défense est ambigüe : « Pour nous, les étoiles sont importantes car si ce n’est pas forcément capital pour les voyageurs d’affaires, ça le reste pour leur entreprise. Beaucoup d’entre elles se basent encore sur ce référent : 3 étoiles pour les non-cadres, 4 étoiles pour les cadres ; et on retire de notre sélection tous les 1 et 2 étoiles ».

Etonnamment, cette défense ressemble à l’attaque en règle de Patricia Edelman, associée du cabinet Coach Omnium, adversaire assumé du classement hôtelier : « Les étoiles servent surtout au référencement des établissements par les Offices du tourisme, ou pour l’obtention de subvention par la région ou le département, ou encore pour l’accord de prêts bancaires ». Mais l’étonnement confine au paradoxe, quand c’est Guillaume Lemière, d’Atout France, l’organisme qui a la main sur les étoiles, quand, parlant de la réforme du classement hôtelier de 2009, il précise : « Elle était très demandée par les tour-operators ».

Le point commun de ces diverses assertions : l’utilité des étoiles est reconnue, certes ; par beaucoup d’acteurs, même… mais pas ceux pour qui le classement est censé être fait, les clients.

Lacunes

Pour de bonnes ou de mauvaises raisons, les étoiles, par le truchement des politiques « voyage » d’une majorité d’entreprises, restent donc un point de repère pertinent au pays du business travel. Pourtant, pour le voyageur d’affaires, le classement hôtelier contient de nombreux angles morts. Précisons-le au préalable, il ne s’agit pas ici d’accabler les étoiles : la plupart des lacunes que l’on répertorie ne relèvent pas d’une inefficacité du classement ; c’est juste que ces informations manquantes et qui seraient utiles aux voyageurs d’affaires ne sont pas de son ressort.

On l’a déjà vu dans ce dossier, le classement est partiellement insatisfaisant pour les nouveaux types d’hébergement, notamment les appart’hôtels. Or, d’après Slobodan Petrovic, de Magic Stay, plateforme proposant ce type de produits pour les business travelers, les voyageurs pro les apprécient de plus en plus : « Pour des missions longues, ils ont besoin d’un endroit plus cosy, plus personnel, où on n’est pas obligé de sourire au petit-déjeuner. C’est vrai aussi pour les petits groupes de collaborateurs, le temps d’un salon par exemple : ils commandent un repas et ils sont dans leur appartement, ils peuvent échanger librement, sans avoir à se demander si leurs voisins de table sont des concurrents ».

La sécurité est aussi un point essentiel du voyage d’affaires, moins en France, il est vrai, que dans des zones plus sensibles. Les étoiles sont muettes à ce sujet. Ce sont des audits effectués par des agences spécialisées qui pallient à ce silence. Même absence de prise en compte de la connexion internet, évidemment cruciale. Certes, à partir de 3 étoiles, un hôtel est tenu de proposer du wifi. Mais la réalité de la qualité de la connexion n’est pas vérifiée.

Gros manquement, d’après Ziad Minkara, de plus en plus stigmatisé, notamment par les voyageurs les plus jeunes mais aussi par des entreprises de plus en plus nombreuses : le non-renseignement du caractère vertueux en termes de RSE de l’établissement.

Le même Ziad Minkara ajoute que pour certains établissements, la prise en compte des étoiles est mise de côté car elle altèrerait le critère premier des entreprises ou voyageurs d’affaires. C’est le cas d’hôtels dévalués dans leur classement en raison de leur emplacement à faible attrait touristique… qui se trouve être une ZAC ou un site stratégique particulièrement adapté au voyageur d’affaires.

Et malgré ces réserves, les travel managers s’accrochent toujours aux étoiles ? Ziad Minkara s’empresse de modérer : « On passe de plus en plus d’une logique d’étoiles à une logique de budget. Le référent 3 étoiles devient de plus en plus 120 € pour Paris, 200 € pour New-York ».

Et le même d’ajouter : « Certains de nos clients nous demandent des enquêtes, que nous faisons réaliser par des tiers, à propos de la qualité d’un hôtel, sur son rapport qualité prix mais aussi sur le respect des standards du nombre étoiles qui lui est attribué. » Là encore, l’hommage est paradoxal…

A lire les autres articles de notre dossier Classement hôtelier :

La refonte du classement hôtelier de 2009

Le manque d’harmonisation internationale

La question du classement des nouveaux types d’hébergement