Mobilités d’affaires : à l’heure de la RSV ou Responsabilité Sociétale du Voyageur

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L’AFTM (Association Française du Travel Management) a profité de la sortie de son Livre Blanc consacré à la Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE) pour organiser un webinar sur le sujet en présence de rédacteurs et contributeurs de l’ouvrage. Compte-rendu.

« Il faut mettre le cap sur la RSE sans concession ! Cela va d’ailleurs au-delà d’un choix, c’est une absolue nécessité » : Michel Dieleman, le président de l’AFTM, s’est montré offensif dans l’édito qui introduit le 14ème livre blanc publié par l’association. L’ouvrage baptisé “RSE, une raison d’être” a nécessité onze mois de travail, se voulant complet et pratique, le plus lisible et pédagogique possible, au service de tous les acteurs du secteur, publics et privés, intervenant dans la gestion des déplacements professionnels et de la mobilité en général.

Rédigé par un groupe de travail mené par Arnaud de Lamezan, Responsable du Comité de Développement de l’AFTM, il est édité en version papier et déjà téléchargeable sur le site aftm.fr. Le document y développe notamment un nouveau concept de Responsabilité Sociétale du Voyageur (RSV), soit la transposition au niveau du collaborateur en déplacement des grands principes issus de la démarche RSE : être informé sur les impacts, améliorer la qualité des décisions, réfléchir aux modes de transports alternatifs, ou encore se poser la question du sens de son déplacement.

En introduction du webinar, Isabelle Juppé, directrice du développement durable et de la RSE du groupe Lagardère, a rappelé que son champs d’action ne se résumait pas seulement aux considérations environnementales, même si celles-ci sont déterminantes, mais aussi aux dimensions sociales, sociétales et économiques. « Le livre est intéressant pour différentes raisons. Il souligne notamment la complexité de la RSE, qui amène à gérer des injonctions parfois contradictoires. Il arrive dans ce contexte de crise qui impose de se réinventer. Avec le réchauffement climatique, les voyages sont pointés du doigt. Et la RSE peut être l’un des leviers de transformation et de rebond« . Pour y parvenir, Isabelle Juppé a insisté sur cinq dimensions et notions fondamentales, dans le contexte actuel : la confiance, l’innovation, la transparence, la collaboration, et enfin le sens qui vise à se demander si son voyage est indispensable ou non.

Ces problématiques de RSE ne sont-elles pas des préoccupations secondaires, n’en restent-t-elles pas bien souvent au stade de la déclaration d’intention ? a interrogé François-Xavier Izenic, l’animateur du webinar. Arnaud de Lamezan, directeur des Achats et de l’Immobilier groupe chez Lagardère, a estimé au contraire que la plupart des entreprises s’étaient engagés fortement sur ces questions, et notamment sur l’impact direct de leur activité. « Pour les entreprises clientes, le voyage d’affaires fait partie des impacts indirects et la démarche est à ce titre moins prioritaire. Pour les fournisseurs tels les transporteurs et les hôteliers, l’engagement est en revanche beaucoup plus marqué« . Arnaud de Lamezan a notamment pris en exemple l’avance prise par Air France dans le traitement du handicap. Un constat loin d’être aussi positif lorsqu’il s’agit de certains aéroports et gares où la notion de voyageur d’affaires est loin d’être prise en compte.

Pourquoi le travel management doit-il apporter sa contribution à la démarche RSE globale de l’entreprise ? Arnaud de Lamezan a rappelé que le voyage était probablement l’activité générant le plus d’impact indirect, avec en outre une incidence sur les trois composantes du développement durable, économique, sociale et environnementale.

Il est ensuite revenu sur le rôle du travel manager dans sa démarche RSE : « Il faut allumer la première petite flamme. Et pour ce faire je lui conseille d’abord de construire un premier argumentaire, sur lequel il va s’appuyer pour essayer de convaincre d’autres services et son management (…) Parmi les écueils à éviter, je noterais le fait de vouloir travailler seul, d’être dogmatique et rigide sur les préconisations, de fixer des objectifs inatteignables, de ne pas partager les succès…« .

Michel Dieleman a noté que le rôle du travel manager était important en la matière, mais également celui de l’acheteur, des ressources humaines, des équipes RSE, des responsables mobilités, des services de communication interne et externe, des missions handicap dans les entreprises lorsqu’elles existent, et bien sûr des voyageurs d’affaires qui sont totalement partie prenante dans les démarches.

Des évaluations différentes selon les composantes du Travel

L’entreprise, avec la RSE, n’a-t-elle pas trouvé le meilleur moment de faire baisser ses budgets Voyages, de réduire les déplacements au profit de visioconférences moins onéreuses, en faisant valoir une démarche morale incontestable plutôt qu’un argument économique, a interpellé François-Xavier Izenic ? Pour Arnaud de Lamezan, les collaborateurs ne manqueraient pas alors de rappeler à leur entreprise le sens de la démarche et les grands principes qui doivent conduire une politique RSE.

EcoVadis, plateforme d’évaluation de la performance RSE des fournisseurs pour le compte des donneurs d’ordre, est l’un des contributeurs du Livre Blanc. Son Senior Vice President, Sylvain Guyoton, est revenu sur les enjeux du voyage d’affaires en matière de RSE : « L’évaluation doit être différente selon les secteurs, qu’il s’agisse de l’hôtellerie, de la distribution de voyages ou de la location de voitures, selon la taille de l’entreprise, son implantation locale ou nationale… (…) Les agences de voyages doivent par exemple fournir de l’information aux voyageurs sur le bilan carbone du déplacement, avec des modèles qui tendent à devenir de plus en plus précis. Elles doivent travailler aussi sur l’empreinte environnementale au sens large, sur les questions de mobilité réduite, sur les divers enjeux sociétaux rencontrés sur les lieux de destination, et bien sûr sur les questions de santé et de sécurité. Les autres secteurs doivent répondre à d’autres problématiques, tels par exemple la consommation des véhicules dans la location de voitures, ou le recyclage et l’achat responsable dans l’hôtellerie« .

« 2020, une année d’inflexion en termes de mobilité »

Quels sont les points forts et faibles des fournisseurs du voyage d’affaires ? « Les donneurs d’ordre regardent de plus en plus vers leurs partenaires, fournisseurs, chaines d’approvisionnement, lesquels représentent parfois l’essentiel de l’empreinte environnementale, a poursuivi Sylvain Guyoton. Sur les 600 entreprises avec lesquelles nous travaillons, aux quatre coins de la planète, un tiers ne font rien de tangible en matière de RSE, un tiers sont engagés de manière partielle, en oubliant parfois il est vrai, de rendre compte de leurs actions, et un dernier tiers ont des pratiques et reportings adaptés aux enjeux« .

Quel futur pour la RSE dans le business travel, sachant qu’il faut une dizaine d’années pour construire une politique qui arrive à maturité ? « Cela va beaucoup bouger dans les années à venir, avec des offres et des technologies en pleine évolution. De plus, les législateurs mettent aussi la pression, y compris la Commission européenne avec son European Green Deal visant à rendre l’Europe climatiquement neutre en 2050. Dans dix ans, on s’apercevra que 2020 a été une année d’inflexion, que tout a depuis changé en termes de mobilité. Avec comme fil conducteur qu’il ne s’agit pas de voyager plus ou moins mais mieux !« .

« Peut-être a-t-on abusé de l’avion ces dix dernières années, a poursuivi Sylvain Guyoton. Mais un rééquilibrage salutaire nécessite toutefois d’apporter une information qui facilite la prise de décision de l’entreprise. Il faut par exemple rappeler qu’il n’existe pas d’impact zéro aux alternatives aux déplacements professionnels, qu’il s’agisse du télétravail avec le transport en moins mais d’autres choses en plus, ou de la visioconférence avec une informatique émettrice de carbone« .