Entreprises/Hôtels : des négo serrées sur les tarifs

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Hôtellerie : 2023, année record

Entre tarifs linéaires et tarifs dynamiques, les négociations entre entreprises et hôteliers se tendent à la faveur du contexte inflationniste.

Emmanuel Ebray, HRS : "C’est une règle intangible quand on parle de tarifs négociés : pour l’hôtelier, le tarif dynamique est la meilleure option, quand l’entreprise préférera des tarifs fixes." A cette loi intemporelle, s'ajoutent les circonstances présentes qui, on peut le penser, la rendent plus pertinente encore…

Côté entreprise, la maîtrise des dépenses est un Graal d’autant plus désirable qu’un grand nombre d’entre elles sortent exsangues de la crise sanitaire. Côté hôtels, à l’habituelle volonté d’affiner leur yield management auquel des tarifs dynamiques sont adaptés, s’ajoute le contexte inflationniste, particulièrement nourri par les prix de l’énergie (dont les hôtels sont de gros consommateurs). Mais les incertitudes liées au retour de la clientèle corpo, le remboursement des PGE, la pénurie de personnel, ou encore, ajoute Ziad Minkara de CDS Groupe, "les investissements liés aux normes RSE", sont également des variables qui vont impacter les prix de l’hôtellerie.

Négo serrées

Dans ces conditions, les négociations sont serrées. Après la pause Covid, "la dépense hôtelière est un sujet qui est remis sur la table", constate Emmanuel Ebray. Et si le contexte décrit plus haut aiguise les antagonismes, une autre difficulté plombe les discussions : la politique "voyages" des mois à venir reste incertaine pour les entreprises, en termes de déplacements individuels, peut-être davantage encore en ce qui concerne la tenue de séminaires. 

A ce titre, le témoignage d’Olivier Steurmann, président du Club THCC (regroupant des hôteliers indépendants) et hôtelier lui-même, est éclairant : "Il n’y a ne serait-ce qu’un an, beaucoup de mes clients corpo ne juraient que par la visio (se substituant aux séminaires présentiels, ndr). Résultat : pour ce mois de janvier 2023, contre toute attente, on est complet grâce aux réunions".

Que peuvent espérer les entreprises, que sont prêts à concéder les hôteliers ? La prime au volume est essentielle. Les chaînes consentent ou vont consentir à des tarifs fixes - ou avec une dimension variable faible - sur les destinations préférentielles des grosses entreprises, considère en substance Emmanuel Ebray. Olivier Steuermann (dont le regard est davantage celui de l’hôtellerie indépendante) ne partage pas cette analyse : "Je pense que les tarifs linéaires, c’est fini. On ne peut plus demander ça aux hôtels, dans ce contexte au moins. On est parti, désormais, sur du tarif négocié dynamique incluant un discount pour les entreprises contractantes."

Ziad Minkara est sur la même ligne, même quand il parle des chaînes : "Elles poussent pour un tarif dynamique avec un discount 'entreprises' de 15 à 20%." Il constate aussi l’impact lié aux conditions de la sortie de crise sanitaire, malheureusement accompagnée du contexte inflationniste : "Les accords de ces derniers mois se font à l’échelle d’une année. Avant, c’était sur deux ans."

Quels prix en 2023 ?

Ce rétrécissement des engagements est évidemment la conséquence des inconnues liées à l’évolution des tarifs hôteliers. Emmanuel Ebray estime qu’ils connaîtront, en 2023, "une hausse à deux chiffres". Ziad Minkara se fait plus précis : "Sur 2022, les tarifs hôteliers ont augmenté, en France, de 19% vs. 2019. D’après nos estimations 'maison', les tarifs 2023 seront de 11% supérieurs par rapport à ceux de 2022."

L’estimation du président de CDS Groupe, par sa précision, est à même de satisfaire n’importe quel journaliste, membre de cette corporation désireuse de délivrer de l'actualité dûment chiffrée, "de la vraie info, coco", sans égards pour l’incertitude qui est parfois, souvent, dans la plupart des cas, la réalité des projections…

C’est donc contrit d’humilité, se pliant nous-mêmes sous le joug de l’amende honorable que nous conclurons par l’avis d’Olivier Steuermann : "En termes de tarifs, je ne vois aucune règle s’établir. C’est un contexte, pour moi, inédit. Ce que je sais, c’est que de nombreux hôteliers préfèrent deux client à 100 € qu’un seul à 150, car ils ont besoin, en sortie de crise, de liquidités. Et ce que je constate, c’est que dans une même ville, une même localisation, deux hôtels comparables s'en tirent avec des taux d’occupation (impactant les prix, ndr) excellents pour l’un, catastrophiques pour l’autre. Il suffit, par exemple, que l’un des deux manque de personnels “restauration” et ne puisse plus accueillir de séminaires…"