Rail : 2021, l’an 1 de l’ouverture à la concurrence en France !

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L’AFRA, l’association française du rail (*), a organisé ce mardi un colloque sur l’ouverture à la concurrence du marché ferroviaire. L’arrivée de Trenitalia sur la grande vitesse et l’attribution d’un lot à Transdev en PACA étaient au cœur des échanges. Avec en filigrane les freins de la SNCF à cette ouverture…

Bruxelles impose son calendrier pour libéraliser le secteur du ferroviaire. Et la situation bouge en France, même si Paris aura attendu le dernier moment pour introduire la concurrence sur ses lignes domestiques. Son lancement est désormais bien réel. Mais cette ouverture sera lente malgré le retard à l’allumage, du fait de sa complexité sur les plans juridiques, techniques, commerciaux… Lors d’une des tables rondes du colloque « L’ouverture à la concurrence du marché ferroviaire : freins et attentes » organisé par l’AFRA ce mardi à Paris, Bernard Roman, le président de l’Autorité de régulation des transports (ART) n’en a pas moins parlé de « l’an 1 de l’ouverture à la concurrence ».

Sur les lignes à grande vitesse, la mise en concurrence est possible depuis début 2021. Thello est sortie la première du bois, la filiale de Trenitalia ayant annoncé il y a quelques jours le lancement dès cet automne d’un TGV entre Paris et Milan. Et d’autres compagnies ferroviaires pourraient bien passer à l’offensive dans les prochains mois sur le domestique français, telle la Renfe espagnole.

Les appels d’offres portant sur l’exploitation de tout ou partie de réseaux régionaux, avec l’ouverture à la concurrence depuis fin 2019, sont pour leur part optionnels jusqu’en décembre 2023 puis obligatoires après cette date. La région Provence-Alpes-Côte d’Azur a annoncé la semaine dernière qu’elle allait proposer aux élus de voter en faveur de l’offre de Transdev pour la liaison TER entre Marseille et Nice. La SNCF devrait ainsi perdre pour la première fois ce type de ligne régionale. Et ce n’est qu’un début. Car la région Sud devrait vite être suivie par les régions Nord et Est, puis Pays de la Loire et Ile-de-France.
« Et certaines régions qui n’entendaient pas remettre en question le monopole de la SNCF, pour des raisons idéologiques, se sont néanmoins servis de l’ouverture à la concurrence pour renégocier de très bons contrats avec l’opérateur historique« , a rappelé Philippe Tabarot, Sénateur des Alpes-Maritimes. Mais l’ouverture à la concurrence a aussi pris un peu de plomb dans l’aile, avec l’échec de l’expérimentation des deux lignes Intercités Nantes – Lyon et Nantes – Bordeaux, lesquelles continueront donc à être exploitées par la SNCF, les concurrents potentiels ayant finalement renoncé à concourir.

Le colloque de l’AFRA a pourtant souligné les nombreux avantages de l’ouverture à la concurrence. Et l’Italie a été cité en exemple. Cela fait en effet 15 ans qu’Italo NTV, le seul opérateur privé de TGV en Europe, concurrence Trenitalia sur ses lignes à grande vitesse intérieures. Les consommateurs italiens n’ont cessé, depuis, de s’en féliciter. La qualité du produit Italo a en effet incité sa concurrente publique à améliorer ses services, sa ponctualité, le confort de ses trains et l’offre dédiée aux voyageurs d’affaires. Le marché a doublé entre Milan et Rome depuis l’arrivée du nouvel opérateur. Et les prix ont baissé en moyenne de 40%… Emmanuel Combe, vice-président de l’Autorité de la concurrence, économiste spécialiste des questions de concurrence, a également rappelé que l’ouverture à la concurrence est aussi une opportunité de rouvrir des lignes abandonnées et ainsi de re-densifier le réseau, comme on l’a vu dans l’aérien avec des low-costs telles Ryanair et Volotea.

Mais le ferroviaire en France est confronté à de nombreux écueils. Roberto Rinaudo, président de Thello, a souligné le niveau très élevé des péages de SNCF Réseau, si on les compare à ceux pratiqués en Italie. Sur ce point, Bernard Roman a rappelé que l’ART se battait pour des péages « les plus lisibles et transparents possibles« . Transdev aurait par ailleurs disposé des données nécessaires à l’exploitation de la ligne Marseille-Nice en PACA. Tout en constatant que SNCF Voyageurs surestimait de 30% le nombre d’équivalents temps plein pour opérer la ligne, chiffre ramené à 25% par l’ART et la Cour d’Appel de Paris.

Mais d’autres régions se plaindraient du manque de coopération de la part de l’opérateur historique, voire d’une véritable volonté de freiner par tous les moyens cette ouverture à la concurrence, en transmettant par exemple des données difficilement exploitables. « L’ouverture à la concurrence doit obliger la SNCF à s’améliorer, à se challenger. Mais il n’est pas acceptable qu’elle cherche à gagner du temps. Et je rappellerais que 63% du coût réel du billet de train en Hauts-de-France est payé par la région« , a précisé Franck Dhersin, vice-président des Hauts-de-France.

L’État est également pointé du doigt, pour sa contribution insuffisante à la modernisation du réseau. L’arrivée de nouveaux opérateurs est ainsi vue comme la principale planche de salut, le moyen d’accroitre les revenus de SNCF Réseau et ainsi de créer une spirale vertueuse. Pour ce faire, il ne faudrait pas décourager les nouveaux entrants avant même qu’ils n’entrent…

(*) L’AFRA, créée en 2009, rassemble des opérateurs alternatifs à la SNCF, Transdev, Transdev Rail, Trenitalia / Thello et Deutsche Bahn/Arriva, ainsi que des entreprises spécialisées dans le fret ferroviaire et le transport combiné, et des constructeurs de matériel ferroviaire.