NDC : American Airlines désavoue sa stratégie du bras tordu

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NDC : American Airlines désavoue sa stratégie du bras tordu

Après un an de forcing pour l'adoption de la NDC, notamment par le business travel, American Airlines constate les dégâts : perte de clients corpo et cotation en berne. Le directeur commercial de la compagnie en paye le prix.

Nulle déclaration, réclamation, interpellation, ni dénonciation, par voie de presse ou de communiqué ne peut revêtir la bonne vieille efficacité d’une cotation boursière qui dégringole. Les protestations des entreprises clientes et des TMC, notamment aux Etats-Unis, n’avaient été d’aucun effet sur la remise en cause de la politique de forcing d’American Airlines (AA) pour l’adoption de la New distribution capability (NDC) dans le business travel… Wall Street aura eu raison de la résistance de la compagnie.

En effet, mardi soir, American Airlines a nettement réduit ses perspectives de bénéfices par action, oscillant entre 1 et 1,15 USD pour le deuxième trimestre, contre un objectif de 1,15 à 1,45 USD. Le même jour, le transporteur annonçait le départ de son directeur commercial Vasu Raja, qui, depuis son arrivée à ce poste il y a deux ans (il était membre de la compagnie depuis 2004), incarnait la nouvelle stratégie de vente et de distribution, responsable, selon le board, de ce décrochage.

Le mal était fait puisque l’annonce de ces mauvaises perspectives de bénéfices du trimestre en cours, jumelée (paradoxalement) au limogeage de Vasu Raja, faisait chuter l’action d’AA de quelque 15% dans les échanges du lendemain matin (de 13,54 % à 11,62 USD, en fin de journée, le plus bas depuis novembre 2023).

Une politique NDC remise en cause

Mais, variations boursières mises à part, c’est bien la politique agressive d’incitation à la connexion à la NDC d’AA qui est totalement remise en cause par la direction de la compagnie. Rappelons, en deux épisodes clés, en quoi elle a consisté…

Après une annonce faite en décembre 2022, la compagnie a retiré, sans coup férir, en avril 2023, 40% de ses vols d’EDIFACT (le système de distribution du GDS historique). Ceux-ci ne concernaient que des vols identifiés comme “leisure” ? Qu’à cela ne tienne : à partir du 1er mai de cette année, c’est le voyage d’affaires (le plus rétif à la conversion NDC) qui allait être visé…

> Lire aussi : NDC : AA innove dans sa stratégie du forcing

En résumé, cette deuxième couche d’incitation contraignante utilisait le levier des avantages (dont l’accumulation de miles) issus du programme AAdvantage Business. Seuls pourraient en bénéficier les membres dont les billets ont été réservés directement auprès de la compagnie ou bien auprès d’une agence “privilégiée” (“preferred agency”); et ceux dont l’employeur est une entreprise cliente sous contrat ou inscrite au programme AAdvantage Business. 

On sent la finasserie démagogique qui s’appuie sur la colère des usagers professionnels pour tordre le bras à leur employeur ou celui de sa TMC par ce même employeur pour les mêmes raisons, et dans le même sens : l’adoption de la NDC. Mais AA s’est vue trop belle, faut-il croire. C’est du moins l’aveu, en filigrane, de Robert Isom, le PDG d’AA, lui-même. 

Humilité

Il considérait en effet ce mercredi, lors de la conférence Bernstein Strategic Decision, que “la stratégie de vente et de distribution (...) a réduit (nos) prévisions de bénéfices pour le trimestre en cours, malgré une demande de voyages soutenue”. Plus sévère encore : "Dans la mesure où notre approche a fait fuir les clients d'American, nous nous engageons sans équivoque à les faire revenir". Et de conclure, constatant que certains des changements visant à augmenter les réservations directes ont donc été contre-productifs : "Parfois, nous devons nous remettre à zéro".

Notons qu’aucune annonce concrète d’inflexion de la politique de forcing "pro NDC" n’a été faite, pour l’heure. Comptons sur la cohérence de la compagnie… Mais en attendant, quand même : il y a une dizaine d’années, Martin Scorcese peignait, dans le Loup de Wall Street, un tableau du haut-lieu financier new-yorkais en booster d’ego totalement déraisonnable. Pour le coup, la Bourse américaine incite le patron de la plus grande compagnie du monde à l’humilité et même à l'autocritique, ce n’est pas une petite performance.

Pour conclure, parlons de deux autres compagnies aériennes. Air France-KLM pour commencer. Reconnaissons dans ces colonnes - qui n’ont pas toujours été tendres avec le groupe franco-néerlandais sur ce sujet de la NDC - que sa stratégie collaborative à l’endroit de la distribution, qui a souvent été moquée pour ses nombreux reports de la suppression des “private channels”, est peut-être plus efficace (on verra) que la méthode forte.

United Airlines, ensuite. La principale rivale d’AA en leur terre native, prudente sur le sujet NDC, a réaffirmé mardi ses prévisions de bénéfices pour le deuxième trimestre de cette année, entre 3,75 et 4,25 USD par action. Peut-être, entre autres, grâce à American Airlines…