Starline : un rêve de TGV européen

0
515

Porté par le think tank 21st Europe, le projet Starline ambitionne de créer un réseau ferroviaire à grande vitesse unifié de 22.000 km reliant 40 villes européennes. Cette initiative vise à transformer radicalement les déplacements sur le continent tout en répondant aux défis climatiques. Au-delà de ce projet prospectif, Johanna Stevns Fabrin, head of Policy and Research, nous partage sa vision sur le développement du train à grande vitesse pour les trajets intra-européens. 

Pouvez-vous commencer par présenter 21st Europe, à l’origine du projet Starline ? 

Johanna Stevns Fabrin : 21st Europe est un think tank fondé sur l’idée qu’il nous reste 75 ans avant la fin du XXIe siècle, ce qui offre une perspective temporelle intéressante pour fixer de nouvelles ambitions pour l’Europe. Nous pensons qu’il est important de susciter l’enthousiasme autour de projets collectifs pour façonner le futur de notre continent. L’histoire européenne regorge de réalisations qui paraissaient utopiques à leur époque, comme l’euro ou l’accord de Schengen. Nous partons de là pour imaginer ce qui pourrait pousser l’Europe à aller encore plus loin en matière de « connexion des peuples ».
 

Notre premier projet porte sur un réseau ferroviaire à grande vitesse européen baptisé Starline. C’est un projet de train ultra-rapide qui vise à révolutionner le réseau ferroviaire européen, permettant de relier 40 villes sur plus de 22.000km. Ce projet prospectif vise à alimenter le débat sur ce que nous, Européens, voulons pour notre avenir collectif. Nous nous sommes appuyés sur le réseau Trans-European Transport Network (TEN-T), un grand projet d’infrastructure européen en cours de développement, qui souffre de retards et d’une perte de dynamique politique. L’idée est donc de raviver l’ambition autour de ce plan et de l’étendre dans le futur, en interrogeant la notion de connexion et de mobilité libre à l’échelle européenne, qui était aussi la promesse initiale de Schengen.

Crédit : 21st

Ce projet pourrait-il entraîner une réduction significative du trafic aérien en Europe en faveur du train ? 

C’est effectivement l’un des objectifs. Le projet vise à renforcer la connexion entre les pays, mais aussi à avoir un impact sur le développement économique des territoires traversés. Nous avons imaginé que chaque gare serait accessible en 20 minutes de transports publics depuis les centres-villes, afin d’étendre le développement économique au-delà des centres déjà denses.
 
L’autre enjeu majeur est évidemment la durabilité et le climat. On s’inspire de la dynamique actuelle en France et en Espagne, où les vols courts sont déjà interdits lorsqu’une alternative en train existe. L’objectif est de transférer les passagers des avions vers le train en rendant cette option plus attractive et accessible, ce qui suppose d’améliorer l’expérience client car, aujourd’hui, réserver et organiser un voyage en train est souvent plus complexe qu’en avion.

Son impact pourrait-il également avoir une influence au-delà du transport voyageur ? 

Un aspect peu abordé, mais intéressant, est l’impact potentiel sur le transport de marchandises. Si les voyageurs se reportent massivement sur la grande vitesse, cela pourrait libérer de la capacité sur les trains classiques pour le fret, ce qui ouvrirait de nouvelles perspectives économiques à l’échelle européenne. Ce n’est qu’une piste parmi d’autres, mais cela montre que l’impact d’un tel projet pourrait dépasser largement la seule question du transport de passagers.

En France, et plus largement, en Europe, l’ouverture à la concurrence du marché ferroviaire fait débat. Est-ce suffisant pour rendre les voyages transfrontaliers plus accessibles ?

Je ne pense pas qu’ouvrir le marché ferroviaire à la concurrence suffira. Même si les infrastructures existent, de nombreux obstacles subsistent lorsqu’on franchit une frontière : droit du travail, législation, monnaie, fiscalité, etc. Pour les opérateurs et les passagers, cela ajoute de la complexité et rend le parcours voyageur moins fluide. Il faudrait un nouveau modèle opérationnel ou un cadre facilitant la gestion du marché ferroviaire pour rendre le voyage transfrontalier réellement fluide à l’échelle européenne. 

Concrètement, l’accès au réseau ferré reste compliqué dans certains pays, voire fermé…

C’est effectivement un problème. Beaucoup de pays, comme l’Italie, disposent d’un excellent réseau national, mais les liaisons transfrontalières restent compliquées. Même les meilleurs systèmes manquent d’ouverture, que ce soit vers d’autres pays ou vers d’autres moyens de transport public, ce qui limite leur utilité en pratique.

Pensez-vous que ce projet est réaliste, ou s’agit-il seulement d’un exercice de prospective ?

Je pense que cela est plus complexe… Lorsque nous avons imaginé le projet Starline, nous avons cherché un point d’équilibre entre ce qui est réaliste aujourd’hui et ce que nous voulons atteindre. L’histoire montre que des projets jugés impossibles – comme le tunnel sous la Manche ou le pont de l’Øresund au Danemark – ont fini par devenir une réalité. Nous sous-estimons souvent notre capacité d’innovation. Si nous parvenons à susciter la volonté de suivre cette direction, je crois que nous avons les moyens de trouver comment y parvenir, même si ce n’est pas pour demain. En revanche, un tel projet pourrait être réalisable d’ici 2040. 

Travaillez-vous déjà avec des institutions politiques, notamment la Commission Européenne pour avancer sur ce projet d’envergure ?

Non, pas encore, mais nous avons pris contact. Nous savons que notre initiative a été évoquée lors de récentes réunions de la Commission sur les transports, et nous serions bien entendu intéressés de collaborer avec eux. Pour l’instant, nous restons une « jeune initiative indépendante ».

Si nous parlons de calendrier, quelles sont les prochaines étapes concrètes ?

Nous préparons actuellement notre prochain plan pour Starline, qui sera publié en juin. L’idée est d’en publier un chaque trimestre, tout en poursuivant le dialogue autour de nos travaux précédents. Plusieurs organisations nous ont contactés à propos de Starline, nous cherchons désormais comment l’intégrer dans une réflexion plus politique et relier davantage ce projet à la réalité.

À quoi ressemblerait l’expérience passager à bord d’un train Starline, notamment pour les voyageurs d’affaires ?

Nous avons imaginé une expérience numérique fluide, inspirée par les meilleures pratiques du secteur aérien, comme l’application Delta Airlines qui permet de tout gérer depuis son téléphone. L’idée serait d’avoir une application équivalente pour le train, avec billetterie, suivi en temps réel, service client, etc. À bord, l’accent serait mis sur le confort et la diversité des espaces, avec du Wi-Fi gratuit, des espaces de travail pour les professionnels, mais aussi des espaces de détente adaptés à la durée des trajets.
Crédit : 21st Europe

Le projet Starline ou le futur « métro européen »

Starline est un projet ambitieux visant à créer un réseau ferroviaire à grande vitesse de 22.000km unifié à l’échelle européenne, pensé comme un « métro continental ». L’objectif est de relier 39 grandes destinations à travers l’Europe — incluant le Royaume-Uni, la Turquie et l’Ukraine — grâce à des trains circulant à 300-400 km/h et de transporter plus d’un milliard de voyageurs par an. Par exemple, un trajet Helsinki-Berlin pourrait se faire en un peu plus de 5 heures.

Le modèle de gouvernance proposé repose sur un pilotage public avec une exploitation par les compagnies ferroviaires nationales via un système de franchises, sous l’égide d’une nouvelle Autorité Européenne du Rail, pour garantir la standardisation, la sécurité et l’efficacité opérationnelle. Concernant le financement d’un tel projet (estimé à 430 milliards d’euros), le think tank prévoit un financement principalement public. 

 

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici