12 mois de transport aérien – gagnants et perdants

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Dans l’ensemble, l’année écoulée a été très profitable pour le transport aérien qui a vu sa croissance consolidée à un niveau nettement supérieur à 5% et le résultat global passer en profit à hauteur de 18 milliards de dollars pour 2013. Rappelons qu’à ce taux de développement, le volume du transport aérien doublera en moins de 15 ans. C’est-à-dire qu’en 2030 au plus tard, il faudra traiter 7 milliards de passagers soit près de 20 millions par jour.

Pour autant, tout le monde ne s’en tire pas de la même manière.


Les gagnants

Eh bien, ce sont d’abord les compagnies américaines, à la notable exception d’American Airlines qui finit de purger son rapprochement avec US Airways. En fait, c’est la petite qui a mangé la grosse. Les 4 premiers transporteurs mondiaux sont américains : United, Delta, American et Southwest. Chacun transporte plus de 100 millions de passagers et la flotte cumulée de ces 4 grands est de plus de 2500 appareils. Le plus remarquable est le retour au profit de ces compagnies qui étaient exsangues il n’y a pas si longtemps, à la notable exception de Southwest. A elle seule, Delta affiche un résultat net de plus de 10 milliards de dollars. C’est du jamais vu dans l’histoire du transport aérien. Sur tous les grands transporteurs nord-américains, seul American perd encore de l’argent. Tous les autres sont passés en profit. Il faut dire qu’ils ont tous employé un remède de cheval : le dépôt de bilan à l’américaine, autrement dit le «Chapter 11», ce qui leur a permis de se restructurer violemment et rapidement, au détriment, bien entendu des salariés dont 1/3 ont perdu leur poste dans l’aventure. Il n’est pas certain que l’on veuille payer ce prix en Europe

Les transporteurs du Golfe ont consolidé leur position et affirmé leur stratégie. D’abord une recherche effrénée de l’amélioration de leur produit. Cela leur donne une longueur d’avance sur leurs concurrents européens quelques soient les efforts faits par ces derniers. Ils poursuivent leur emprise sur les marchés extérieurs avec des stratégies certes différentes, Emirates et Qatar travaillent essentiellement sur le développement des clients alors qu’Ethiad s’est lancée dans une stratégie de croissance externe. Il n’est pas certain que les pays européens ou américains ne se sentent pas finalement agressés et ne se mettent à ériger des barrières soit par la limitation des droits de trafic, soit par celle des slots. L’affaire sera néanmoins très compliquée car les faramineuses commandes d’avions européens et américains donnent un poids tout particulier aux demandes d’expansion de ces transporteurs.

L’Asie reste un lieu de croissance considérable, largement supérieure à la moyenne mondiale. Les transporteurs ont largement consolidé leurs comptes à l’exception des compagnies indiennes. Notons la très bonne performance de JAL qui à peine sortie du processus de liquidation et de refondation, grâce au gouvernement japonais, affiche un profit de 1,6 milliards de dollars.

Enfin et pour faire simple, il faut mentionner dans les gagnants les transporteurs « low costs ». Ces derniers ont non seulement réalisé des profits considérables, mais ils ont pratiquement tous amélioré à la fois leur produit et leur circuit de distribution en faisant maintenant intervenir les GDS et les agents de voyages. Ils ont réussi à se faire accepter comme des acteurs à part entière du transport aérien y compris par les compagnies traditionnelles qui ont arrêté de les mépriser. Il faudra bien que IATA se décide à leur faire une place au sein de l’association qui veut représenter la totalité du transport aérien.

Les perdants

Ce sont d’abord les transporteurs indiens. Dans un pays où le transport aérien devrait être stratégique et généralisé, ils ont réussi l’exploit de perdre un argent considérable : plus d’un milliard et demi de dollars. La faute en incombe à l’évidence au gouvernement qui n’a pas su préparer les nécessaires infrastructures au sol et qui a taxé ces compagnies au-delà du raisonnable.

D’autres transporteurs asiatiques traversent une passe difficile. C’est le cas de Malaysian qui a énormément du mal à se remettre de la disparition du vol MH 370, mais aussi celui de Thaï Airways qui paie les fluctuations politiques du pays et de PIA qui évolue en terrain difficile.

On peut aussi se poser des questions sur la situation latino-américaine. Le rapprochement entre TAM et Lan Chile ne semble pas se passer très bien. Or cette nouvelle compagnie est le moteur du transport aérien de ce continent. Les compagnies sud-américaines pourront-elles résister à la concurrence européenne si celle-ci se met en marche sérieusement ?

Et l’Europe dans tout cela ?

Elle est dans un mauvais état, disons-le franchement. Pour n’avoir pas fait à temps les efforts nécessaires, les groupes Lufthansa et Air France/KLM affrontent un moment très difficile. Pour la première fois, Lufthansa a essuyé des grèves dures car son plan de réduction des effectifs passe mal. Quant à celui d’Air France/KLM, il semble au fond bien timide et très onéreux pour une compagnie qui doit accélérer sa réduction des coûts, non plus sur le dos les passagers comme cela a été fait par le passé, mais sur les structures internes.

Est-il besoin de rappeler le désastre d’Alitalia ? Voilà une compagnie majeure, assise sur l’un des meilleurs marchés, dotée d’une très grande expérience et qui s’est avérée incapable de gérer sa restructuration. Elle est passée dans le giron d'Etihad et cela va certainement causer des troubles importants dans les relations entre l’Europe et les Emirats.

Reste la très bonne santé de Turkish Airlines, mais cette compagnie est-elle européenne ?

Jean-Louis BAROUX