Aérien : Le marché des slots se met en place

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La décision de la Communauté Européenne n’a pas fait grand bruit et pourtant, elle va sérieusement modifier le paysage du transport aérien européen. Bruxelles vient en effet d’autoriser la vente des slots entre les compagnies aériennes et de plus, elle a pénalisé les abus. Les compagnies qui maintiendront artificiellement des slots seront taxées et il faudra désormais utiliser 85% des slots octroyés pour se les voir maintenir, contre 80% auparavant.

Aérien : Le marché des slots se met en place
Depuis des années nous avons dit que même si certains responsables de compagnies le niaient, cette libéralisation arriverait à un moment ou un autre. Cette nouvelle disposition est très positive à de nombreux aspects.

D’abord, elle va permettre aux transporteurs ambitieux qui disposent d’une abondante trésorerie d’acheter des droits d’opérer sur les principaux aéroports européens. Jusqu’à présent, ils ne pouvaient tout simplement pas le faire et cela bridait sérieusement leur développement. Il y a d’ailleurs peu d’aéroports concernés en Europe, mais ce sont les plus saturés. Citons dans le désordre Londres Heathrow et Gatwick, Paris Orly, Milan Linate et Dusseldorf. Mais dans le futur, compte tenu du développement attendu du trafic, de nombreuses autres plateformes viendront se rajouter à cette liste : Paris Charles de Gaulle, Rome, Francfort, Munich, Madrid, Vienne, Dublin et Amsterdam, voilà pour les plus sensibles.

Certes, cela n’est qu’un premier pas. Il n’est en effet pas prévu de pouvoir mettre les slots aux enchères, les transporteurs européens ont trop peur des capacités financières des transporteurs du Golfe. Ainsi, les détenteurs des slots seront encore maîtres du choix de leurs clients. Mais gageons que nous sommes partis pour une vraie libéralisation et qu’il serait bien étonnant que ces dispositions n’évoluent pas dans un sens plus libéral dans les toutes prochaines années.

Et c’est très bien ainsi. Ne nous y trompons pas, les astuces pour conserver les slots - et par conséquent brider le développement du trafic sur les aéroports concernés - sont nombreuses. Elles consistent par exemple à faire utiliser des créneaux horaires par des appareils beaucoup plus petits, juste pour les conserver. Plus intéressante a été la politique d’Air France qui a suscité la création de sa filiale Transavia pour, essentiellement, garder dans son giron des slots qu’elle était amenée à abandonner à Orly à la suite de l’ouverture du TGV Est. British Airways n’est pas non plus à l’abri des critiques et la compagnie a été plusieurs fois pointée du doigt par la justice britannique, sur plainte de ses concurrents.

Bref, l’application de ces mesures devrait avoir pour effet la possibilité de traiter 28 millions de passagers supplémentaires sur les aéroports saturés concernés dans les 10 prochaines années. Le pas est encore modeste, mais il est significatif. Cela est donc bon pour les passagers, mais également pour les aéroports en question, et même pour les compagnies qui seront amenées à céder leurs slots.

Voilà bien une possibilité sérieuse d’améliorer les bilans des transporteurs européens, tout au moins des principaux, c’est-à-dire ceux qui sont pour le moment le plus en difficultés. En effet au lieu de s’acharner à garder des slots en maintenant des dessertes déficitaires pour éviter qu’ils ne soient attribués à des concurrents selon la doctrine actuelle européenne, ils pourront désormais s’en débarrasser en les vendant. J’y vois un double avantage. D’abord des économies sérieuses faites par des compagnies sur leur programme d’exploitation et puis une recette complémentaire non négligeable en vendant ce qui finalement n’a jamais été acheté. C’est la création d’un véritable « pas de porte » pour les compagnies aériennes. Nul doute que d’ici quelque temps, lorsque la libéralisation aura encore progressé, elles ne puissent l’inscrire à leurs bilans, lesquels s’en trouveront singulièrement améliorés. Rappelons si besoin en était qu’un slot convenablement placé sur un grand aéroport peut se négocier jusqu’à 5 millions de dollars.

Cette mesure était attendue. Elle est encore très timide, mais elle va certainement dans le bon sens. Il reste à voir à qui ces slots seront vendus. Est-ce que par exemple EasyJet va pouvoir en profiter pour développer son implantation à Orly ?

Jean-Louis BAROUX