Alexandre de Juniac, le Manager de l’année

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Il en aura surpris du monde. Annoncé comme un politique, fin diplomate, peu sensible aux problèmes économiques du quotidien et très éloigné du consensus social, Alexandre de Juniac aura démontré en à peine un an qu'il n'était pas l'homme des étiquettes que lui collait ses détracteurs. En devenant le "Manager de l'année" du Nouvel Economiste, il a démontré que décider et agir sont deux mots forts pour la direction d'Air France.

Cette vision, elle est partagée par Pierre Moscovici, Ministre de l'économie, venu lui remettre le prix et qui a insisté sur "une méthode fondée sur le dialogue, la rapidité d'exécution et la justice". Mais tout n'est pas gagné. Si Alexandre de Juniac a les cartes en main, la partie n'est pas finie. La refonte tarifaire, le plan d'économie de 2 milliards d'euros et la mise à plat d'une nouvelle carte de l'aérien français sont encore des paris loin d'être gagnés. Les comptes ne sont pas bons et 2013 ne s'annonce pas sous les meilleurs auspices. La grille tarifaire, qui va bouger dès le 7 janvier prochain, doit s'imposer. Le développement des classes de réservation reste complexe et incompréhensible pour les acheteurs et les Travel Managers... La concurrence est féroce.

Mais De Juniac sait que le temps est un atout. Une force. "Il n'a pas la même vision que ses collaborateurs ou ses interlocuteurs car il n'est pas pétri de cette culture parfois passéiste de la compagnie", précise l'un de ses proches collaborateurs. Et de fait, il a su mettre au bon moment le bon coup de pied dans la fourmilière. Bruno Matheu, annoncé comme partant chez Véolia l'été dernier, peut en témoigner. Entre les deux hommes, le courant ne passait pas. Juniac a fait des changements. Le retour de Lionel Guérin démontre également la volonté du PDG d'aller vite. "Mais pas trop", explique un autre de ses collaborateurs, "Il a fallu parfois le bousculer pour l'amener à décider. Le PRF est un exemple parfait de l'hésitation qu'il avait sur les changements proposés". Mais au final, il a su trancher au moment où on le lui demandait. Même du côté syndical on reconnait qu'il est devenu un interlocuteur crédible. Mais attention, la paix sociale est loin d'être acquise et les premiers mois de 2013 seront révélateurs de la confiance salariale.
Il reste enfin les grands projets à réussir et qui ne sont pas encore officiellement dévoilés. La fin annoncée des bases de province, le financement du PRF par les régions, la difficile négociation qui s'engage avec les PNC et le besoin d'argent frais sont autant de dossiers difficiles à manier. Si Alexandre de Juniac échoue, beaucoup de donnent pas cher de la peau d'Air France. Et dans ce cas, nombreux sont les concurrents prêts à mettre la main à la poche. Etihad l'a déjà proposé. Air France a refusé. Pour l'instant ?

Bravo donc pour ce prix, Monsieur de Juniac, mais le meilleur reste à faire.
Vous le savez mieux que nous.

Marcel Lévy