Exclusif : les compagnies aériennes constestent les propos d’ADP sur le financement du CDG Express

166

Dans une interview diffusée sur l'antenne de BFM Business et repris dans les colonnes de DéplacementsPros, Mr de Romanet, président du groupe ADP, s'est exprimé sur le projet de financement de la liaison ferroviaire CDG express par une taxe qui serait perçue "uniquement sur les passagers potentiels de ce service et qui ne sont pas en correspondance pour ne pas pénaliser le hub". »

Par ailleurs, il précise que "Si ADP investit 3 milliards d'euros dans les 5 ans qui viennent, c'est en particulier pour la compétitivité du hub, et le hub c'est 90 % d'AF" ! Dont acte, mais ces formulations appelant de ma part quelques observations.


Sur le financement de CDG Express

BAR France s'est exprimé dernièrement sur ce sujet . Notre association, regroupant les représentants de 70 compagnies aériennes françaises et étrangères opérant en France, ne peut que s'opposer, tout comme Air France d’ailleurs, opérateur essentiel du hub de CDG, à cette taxation supplémentaire qui nous apparait injuste, antiéconomique et juridiquement discutable.

Sans reprendre tous les éléments indiqués dans notre dernier communiqué, il me semble important de rappeler que le transport aérien est le seul mode de transport qui finance intégralement non seulement ses structures mais aussi le fonctionnement du contrôle aérien par le biais des redevances payées par les compagnies et leurs passagers aux aéroports et aux services de la navigation aérienne.

II finance également des fonctions régaliennes de sécurité et de sûreté par la perception de la taxe d'aéroport et que dire du financement des bonnes actions de l'Etat par le biais de la taxe dite de solidarité.

Le président d'ADP déclare que ce financement est "complémentaire, provisoire et réversible" et qu'il s'engage à I ‘abandonner si "par hasard le projet était surrentable".

Je dois avouer que cette formulation me laisse assez perplexe et démontre-le côté non seulement aléatoire de l'opération dont le succès serait entre les mains du hasard et de son aspect purement spéculatif advenait qu'il soit "surrentable".

A ce stade de considération, il apparait absolument essentiel de transposer ce projet de liaison dans une perspective plus globale de développement économique d'un territoire et de ne pas le limiter à une seule vision de fonctionnement basée sur sa simple utilisation par les passagers aériens.

Est-il nécessaire de rappeler, sans vouloir faire insulte aux autres plateformes aéroportuaires régionales contribuant également au développement économique de la France, que Paris est le point d'accès principal des échanges commerciaux et touristiques internationaux de et vers notre pays. Le transport aérien et le tourisme représente globalement plus de 10 % du PIB et à ce niveau d'appréciation des réalités économiques et des enjeux tels que définis par le projet du Grand Paris et de l'absolue nécessité de rétablir la confiance des touristes, n'est-il pas de la responsabilité de l'Etat et de ses filiales integrées au sein de I'APE d'assumer pleinement leur rôle d'investisseur pour ce genre de projet ?

Bien sûr qu'un euro de plus ou de moins peut paraitre dérisoire, l'argument nous avait déjà été servi pour la taxe de solidarité, mais c'est ignorer d'une part la volatilité du marché et, d'autre part, l'impact négatif d'une taxe de plus. Appliquer cette taxe, c'est demander très paradoxalement, a des visiteurs étrangers, de financer un équipement public qui leur permettra de mieux dépenser leur argent dans nos hôtels et nos restaurants. Je vous laisse juge de cette incongruité

Cela dit, après tous les errements qui ont présidé à l'élaboration du projet de la liaison CDG Express qui, je le rappelle, a fait l'objet d'une Déclaration d'Utilité Publique en 2003 ! Je souligne toutefois la volonté du président d'ADP de vouloir le faire aboutir mais vous l‘aurez bien compris, qui suppose aussi l’effort public nécessaire.

Sur le hub CDG

II me parait tout d'abord important de relever, sans esprit polémique, que si même si Air France est l'opérateur le plus important de la plateforme de CDG, il ne faut pas pour autant ignorer toutes les autres compagnies qui lui confèrent, par leur apport en passagers, une dimension internationale importante et participent de manière non négligeable, par le paiement de leurs redevances, à financer les investissements nécessaires au développement de cet aéroport.

Faire état de trois milliards d'investissements faits sur 5 ans implique, d'une part comme évoqué ci-dessus, la prise en compte qu'ils sont financés principalement par les redevances perçues et aussi les recettes dérivant des activités commerciales abondées par les clients des compagnies aériennes, devons-nous le rappeler, et d'autre part qu'ils ne sont pas tous affectés au développement du hub de CDG.

Ne serait que pour les postes d’opérations de maintenance et de développement capacitaire, 705 millions sont affectés à CDG et 786 à Orly, tels qu'inscrits dans le programme d'investissements présents pour le Contrat de régulation économique couvrant la période 2016/2020.

Jean-Pierre Sauvage
Président BAR France