Michel Dinh, Havas Voyages : « Nous devons être capable de nous adapter rapidement quand le marché évolue »

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Havas Voyages, désormais intégré au groupe Marietton, veut se positionner comme une TMC de proximité grâce à un réseaux d'agences qui assure un maillage des régions. Mais pour son patron, Michel Dinh, il ne faut pas regarder l'évolution de l'entreprise par le seul petit bout de la lorgnette. "Havas s'intéresse à tous les marchés et veut être un acteur engagé des technologies intelligentes réellement adaptées au voyage d'affaires".

Il est toujours difficile pour une entreprise de faire le grand écart commercial en privilégiant un domaine plus qu'un autre. Pourtant, Havas voyage refuse l'idée de cette segmentation systématique des marchés et veut au contraire démontrer qu'il y a de l'intérêt à couvrir l'ensemble des univers du voyage d'affaires. "Je n'aime pas quand on cherche à limiter systématiquement notre présence sur le Middle Market que représentent les PME-PMI. Nous avons aujourd'hui la capacité de gérer des grands comptes comme de toutes petites sociétés ou généralement seul le patron voyage. On juge la capacité d'une TMC aux actions qu'elle engage pour répondre aux demandes de ses clients".

Rencontre avec un patron atypique, venu de la presse et qui n'a aucun doute sur sa stratégie de développement et d'acquisition de nouveaux comptes.

DéplacementsPros : Quel est votre ressenti économique sur le premier semestre 2017, considéré par vos concurrents comme très bon ?

Michel Dinh : Et ils ont raison ! Nous l'avons constaté très vite, le marché est porteur et la reprise semble se profiler. Pour Havas Voyages, le retour à la croissance est bien là avec une hausse en volume de plus 4%. Nous avons un taux d'acquisition de nouveaux clients qui dépasse les 50% et nous avons réalisé en six mois l'objectif que nous nous étions fixés sur une année.

Il y a à l'évidence, de la part des entreprises, quelle que soit leur taille, un besoin de disposer d'une assistance efficace et professionnelle capable de gérer ou d'organiser leurs déplacements professionnels.

Notre constat global, c'est que la technologie que nous avons développée fait la différence. Nous avons conçu des outils qui simplifient la gestion des voyages d'affaires, qui se rapproche au plus près de ce que l'on fait dans le BtoC et que la PME-PMI peut utiliser de la manière la plus facile qu'il soit.

DéplacementsPros : Croyez-vous que la simplicité soit aujourd'hui l'attente essentielle des acheteurs?

Michel Dinh : Cela me semble évident. Avec notre Travel solution, nous avons fait en sorte que l'ensemble de nos outils soit les plus faciles à utiliser que ce soit par l'acheteur ou par le voyageur. Nous avons également développé un Travel Assistant, en collaboration avec une start-up, dont la finalité est d'aider le voyageur sur le terrain et qui doit devenir le relais efficace de l'acheteur quel que soit l'attente de son salarié. Bien évidemment cet outil, au-delà du rappel des éléments du voyage, va nous servir de vecteur d'informations en cas de problème, de danger ou de difficultés que peut croiser le voyageur.

Tout cet ensemble a été naturellement porté sur mobile et nous avons également intégré, au-delà de l'activité professionnelle même, des éléments de bleisure lorsque nous savons que le voyageur y est sensible.

En intégrant à la fois les profils, les règles de la politique voyage, les attentes du voyageur et les contraintes budgétaires, nous offrons à nos clients un outil d'une grande lisibilité. C'est cette fameuse simplicité que vous évoquez qui a piloté la construction de ces outils très appréciés par les entreprises.

Nous les faisons évoluer en permanence avec un seul mot d'ordre : nous devons être capable de nous adapter rapidement quand le marché évolue.

DéplacementsPros : Vous refusez l'idée que l'on sectorise la clientèle d'Havas Voyages ?

Michel Dinh : J'entends souvent dire de telle ou telle TMC qu'elle est plus spécialisée dans telle ou telle taille d'entreprise. Je n'ai pas besoin de vous rappeler que nous disposons en France d'un grand nombre d'agences intégrées présentes au niveau local et parfaitement au fait de l'activité économique de la région couverte. Comme vous le savez, le marché de la PME-PMI représente environ 9 milliards d'euros et 90% de ces sociétés ne sont pas intermédiées. Elles s'adressent tout naturellement à leur agence de voyage de proximité qui connaît particulièrement les besoins locaux et qui disposent d'un savoir concret et précis sur les déplacements professionnels au départ de la province… Et ce mot est loin d'être péjoratif pour moi.

Tout cela a une valeur forte dans des entreprises qui dépenseront entre 30 000 et 200 000 € en déplacements professionnels. Le plus souvent d'ailleurs, ces clients locaux refusent de s'adresser à une agence qui ne serait pas présente à leur côté et vont donc tout naturellement vers les nôtres.

L'autre raison, c'est que la plupart de ces marchés ne s'attaquent pas uniquement par le numérique. Nos clients veulent échanger avec nous, faire travailler des acteurs locaux que ce soient des taxis ou d'autres services. Ils sont très attirés par la qualité humaine de notre offre.

Mais au-delà, nous sommes parfaitement capables de prendre en compte les attentes d'une collectivité ou d'une entreprise, ce que nous faisons par exemple avec la région Rhône-Alpes Auvergne, pour répondre à des appels d'offres de groupes de toutes tailles. Aussi, je crois qu'il serait dangereux de cantonner Havas Voyages à un seul univers du business travel.

DéplacementsPros : Pour autant, tout est aujourd'hui affaire de coût pour l'entreprise. En quoi êtes-vous plus compétitifs ?

Michel Dinh : Il me semble que ce serait simpliste de limiter le rôle d'une agence de voyage au seul coût qu'elle représente pour une société. Nous avons d'ailleurs travaillé à la mise en place de plusieurs modèles économiques, que ce soit au forfait ou aux fees par déplacement, qui doivent prendre en compte la réalité des besoins de l'entreprise tout en assurant à Havas voyage une rentabilité minimum.

Mais l'établissement d'un prix, même le plus bas possible, passe aussi par la capacité que nous avons à acheter au meilleur prix l'aérien, l'hôtellerie ou tout autre service demandé par le client. Nous avons créé un GIE avec Selectour pour disposer d'une force et d'une puissance d'achat qui permet, le plus souvent, d'obtenir un tarif compétitif. Nos clients le savent, nous devons gagner de l'argent comme eux en gagnent. Nous devons être aux meilleurs prix pour rester présents sur le marché. C'est ce qui explique aussi notre réussite.

DéplacementsPros : Allez-vous succomber un jour aux sirènes des agences concurrentes qui proposent des frais un euro voir à zéro ?

Michel Dinh : Moi je dis souvent que quand c'est flou, il y a un loup. Je comprends parfaitement l'attractivité de ces nouveaux modèles économiques mais je me dis que quelqu'un doit au final payer le service. Soit c'est le fournisseur qui va rémunérer l'agence par des marges arrière, soit les frais complémentaires en cas de modification d'un billet seront exorbitants ou les services seront facturés à des tarifs parfois indécents. C'est l'analyse de l'ensemble de l'offre et du contrat proposé qui permet de déterminer la meilleure structure financière pour l'entreprise.

Dans certains cas, la simplicité des besoins attendus justifie des frais extrêmement bas voir aucun frais. Il est toujours très difficile de juger et de critiquer tel ou tel modèle économique sans l'avoir détaillé et sans avoir vérifié qu'il s'adapte réellement à votre besoin. Un acheteur connaît tout cela. Il a pris conscience que les signing bonus proposées par certains ne sont pas forcément la meilleure solution pour lui. L'entreprise sait aussi que quand elle achète un service il y a un coût, elle ne le découvre pas au moment de l'acheter. Je dis aux acheteurs comme aux chefs d'entreprise qui, disons-le, sont leurs propres organisateurs de voyage, qu'il y a toujours un moment où il faut comparer. Et s'ils viennent chez nous, c'est qu'ils ont comparé !

Mais au-delà, nous jouons la carte de la transparence car elle instaure la confiance. Je pense que c'est une méthode relationnelle indispensable avec les clients qui connaissent parfaitement les coûts et les services qu'ils achètent.

DéplacementsPros : Vous avez signé un contrat avec iAlabatros, aujourd'hui intégré à Sodexo, qui ne cache pas son intérêt d'utiliser la même solution que vous pour séduire ses clients. N'est-ce pas un peu dangereux ?

Michel Dinh : Tout d'abord, je dois préciser que nous avons signé un contrat qui nous protège pour les trois années à venir. iAlabatros ne peut pas offrir cette solution à des entreprises dont le budget voyage est inférieur à 1,5 millions d'euros.

Mais au-delà, nous avons aujourd'hui des rencontres hebdomadaires avec Sodexo pour faire évoluer le produit et lui donner, au fur et à mesure, des fonctionnalités qui s'adaptent aux attentes du marché et qui apportent de vrais services aux voyageurs. Pour nous, et nous disons très clairement depuis quelques mois, il ne s'agit pas d'une pure et simple concurrence mais au contraire d'un véritable partenariat. Je pense, qu'il pourra déboucher à terme sur des solutions réellement innovantes, très novatrices dans le monde du voyage d'affaires et qui s'intégreront aux outils est déjà aujourd'hui.

DéplacementsPros : Et si Sodexo ne renouvelait pas de contrat ?

Michel Dinh : Tout d'abord, c'est une problématique qui ne se posera que dans trois ans. Je ne suis pas capable aujourd'hui de vous dire ce que nous ferons et ce que fera Sodexo.
Je crois cependant, pour l'évoquer régulièrement avec eux, qu'il y a un intérêt majeur à faire évoluer un programme en unissant le savoir de deux entreprises présentes sur ces marchés. Il me semble que l'union technologique est tout aussi importante qu'une autre.

DéplacementsPros : On voit bouger aujourd'hui le modèle de l'aérien ou de l'hôtellerie. Tout cela vous rassure-t-il ?

Michel Dinh : J'ai l'habitude de dire que les difficultés que peut rencontrer un fournisseur doivent se régler au sein de ce fournisseur. Ce n'est pas à l'agence de payer les conséquences d'un dysfonctionnement entre une compagnie aérienne est un GDS ou d'un OTA et d'un groupe hôtelier. Notre relation avec les fournisseurs doit être à l'image de ce que nous appliquons avec nos clients : transparente. C'est essentiel pour la confiance et la relation commerciale que nous engageons.

Au-delà, et on le voit désormais tous les jours, on ne saurait limiter les contacts avec les fournisseurs à de simples outils technologiques qui nous permettraient éventuellement d'aller piocher dans leurs stocks. Il n'y a pas de langage commun, pas de volonté réelle de le faire et nous ne sommes pas là pour leur dire ce qu'ils doivent mettre en place.

DéplacementsPros : 2017, grande année pour Havas Voyages ?

Michel Dinh : Sans doute, mais je préférerais que 2017 soit une étape vers des années encore meilleures. C'est tous le sens de notre travail et de notre stratégie de développement.

Entretien réalisé par M. Lévy