TGVmax, pas si « top » selon notre ami PAT

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Notre chroniqueur ferroviaire ne partage pas notre enthousiasme à propos du nouvel abonnement illimité TGVmax. Il n’y a bien que lui à traquer les détails qui fâchent dans les conditions générales de vente.


Un numéro d’équilibriste par les juristes de SNCF Mobilités

La SNCF n’est pas une entreprise comme une autre. Ses conditions générales dites Tarifs Voyageurs, texte règlementaire (au sens droit administratif du terme) est soumis à l’aval de ses autorités de tutelle. Une lourdeur que l’entreprise cherche parfois à contourner.

Cette fois, avec TGVmax, pas une seule modification à ce jour du texte fondateur qui régit la politique commerciale de l’entreprise publique. A priori pas besoin puisque les conditions spécifiques de la nouvelle offre indiquent simplement que : « Les présentes Conditions Générales de Vente (celles de TGVmax®, NDLR) s’appliquent cumulativement avec les Tarifs Voyageurs SNCF ainsi qu’avec le Règlement (CE) n°1371/2007 du 23 octobre 2007 sur les droits et obligations des voyageurs ferroviaires ». Mais de préciser quand même que : « En cas de contradiction entre les Tarifs Voyageurs et les présentes Conditions Générales de Vente, ces dernières prévaudront sur les Tarifs Voyageurs (pour les aspects en contradiction)».

On sait la noble entreprise publique avoir une organisation quasi-militaire. Article 1, le chef a toujours raison. Article 2, si par extraordinaire le chef à tort, c’est l’article 1 qui s’applique. Transposé au marketing de TGVmax, les conditions de vente spécifiques priment ainsi sur le document règlementaire homologué en application du cahier des charges.

Et pour bien enfoncer le clou : « Si une partie quelconque des stipulations des présentes Conditions Générales de Vente devait s'avérer illégale, invalide ou inapplicable pour quelque raison que ce soit, le terme ou les termes en question seraient déclarés inexistants et les termes restants garderaient toute leur force et leur portée et continueraient à être applicables. Les termes déclarés inexistants sont remplacés par des termes qui se rapprocheront le plus quant à son contenu de la clause annulée ».

Voilà qui sent les juristes d’entreprise ayant bien verrouillé les affaires jusqu’à la caricature !

Pour l’anecdote, les dites conditions générales utilisent 4 fois le verbe « obvier ». Qui est-ce qui parle comme ça?

Des conditions d’acheminement restrictives en cas de rupture de correspondance avec un premier train

Un abonné TGVmax pouvant le cas échéant emprunter successivement deux trains éligibles à sa formule d’abonnement, ce qui s’appelle une correspondance, les conditions spécifiques qui lui sont opposées contiennent une sacrée restriction en cas de retard du premier train.

Malgré le rappel précité de l’application du règlement européen 1371/2007 les conditions TGVmax® disposent de ceci : « En cas de correspondance entre deux Trains éligibles, si le retard du premier Train éligible provoque une impossibilité d’emprunter le second Train éligible, l’Abonné ne pourra emprunter un autre train (Train éligible ou train non éligible à réservation obligatoire) sans avoir effectué une réservation préalable sur cet autre train ».

Une obligation pour le voyageur en peine d’acheminement de se déclarer en refaisant une réservation pour poursuivre le voyage. Admettons. Mais que faire si le quota de places attribuées aux abonnés à l’intérieur des autres trains éligibles qui fait la caractéristique principale de cet abonnement faussement qualifié d’illimité, est épuisé ? Le jeune voyageur reste en plan ? Il acquitte un autre titre de transport pour parvenir à sa destination finale?

Pour mémoire, le règlement européen dont il est pourtant dit qu’il sera fait application (et comment pourrait-il en être autrement ?) prévoit pourtant dans son article 16 : « la poursuite du voyage ou un réacheminement vers la destination finale, dans des conditions de transport comparables et dans les meilleurs délais ».

Des litiges en perspective pour le Service Relations Clients et le Médiateur de la SNCF.

En cas de retard, un mode de compensation peu souple

Autre disposition embrouillée et douteuse, celle de la compensation en cas de retard (Garantie Ponctualité® et règlement européen encore). Les abonnés TGVmax peuvent prétendre à une compensation de 5 € en cas de retard supérieur à 30’. Mais uniquement (comme les autres abonnés d’ailleurs) sous forme de bon d’achat (digital est-il ici précisé, dématérialisation totale de la relation client oblige). « En aucun cas le retard d’un train en gare d’arrivée ne pourra donner lieu à un quelconque remboursement monétaire (en espèce, par virement bancaire, etc.)».

Pour des voyageurs qui n’ont a priori plus rien à payer, sinon leur abonnement mensuel par prélèvement automatique, il est regrettable que la SNCF n’ait pas prévu une formule plus souple.

L’abonné bénéficiaire de l’avoir n’ayant guère l’occasion de l’utiliser, il n’aura d’autre solution pour ne pas en perdre la valeur que de le céder puisqu’il est impersonnel. Va-t-on voir se développer un système de revente de ces compensations pour retard sous forme numérique ? Ce serait bien dans l’esprit et dans les pratiques de la clientèle ciblée.

Mais c’est contraire à ce qu’exige le règlement européen (article 17) : « L’indemnisation relative au prix du billet est payée dans le mois qui suit le dépôt de la demande d’indemnisation. Elle peut être payée sous la forme de bons et/ou d’autres services si les conditions sont souples (notamment en ce qui concerne la période de validité et la destination). Elle est payée en espèces à la demande du voyageur ».

Des irritants à la pelle

Sur l’espace de co-création, la difficulté de réserver et de voyager avec un compagnon est soulignée.

Mais quid avec son animal de compagnie ? Eh bien : « Le transport d’animaux domestiques n’est pas autorisé à bord des Trains éligibles, dans le cadre de l’Abonnement TGVmax, à l’exception des animaux mentionnés à l’article 7.3 des présentes Conditions Générales ». On se demande bien pourquoi !?

Il y a des exceptions (a priori pour les chiens d’assistance, c’est bien la moindre des choses) mais on cherchera en vain l’article 7.3 évoqué. Il n’existe pas ! Un oubli qui sera certainement rapidement réparé dès que les services de la SNCF nous auront fait l’honneur de lire cette chronique.

Bizarrerie encore, mais il doit bien y avoir une (bonne ?) raison. Pendant la durée de l’abonnement, l’abonné n’est pas autorisé à modifier son adresse email. «L’adresse email de l’Abonné ne pourra être modifiée. En cas de modification de cette information, l’Abonnement TGVmax doit être résilié, selon les modalités indiquées à l’article 11.1 des présentes Conditions Générales ». Pour une cible de clientèle, les générations y et z réputée volatile dans ses choix numériques, ce n’est peut-être pas très heureux.

Autre irritant potentiel, pouvant tourner qui sait à l’affaire d’État, la nécessité d’une adresse postale métropolitaine. Autant pour le voyageur, cette domiciliation va de soi vu la nature et les finalités de l’abonnement, autant cette exigence pour le payeur (dont il a fort opportunément été prévu qu’il pouvait être différent) est pour le moins contestable.

Sont en effet ignorés et écartés, les parents payeurs des jeunes voyageurs domiens en métropole qui pour les études, qui pour toute autre raison mais pas encore autonomes budgétairement.

En période d’élections, c’est vraiment pour la SNCF tendre le bâton pour se faire battre ! Et il n’y aura pas que les domiens à pouvoir se fâcher. Si 94 % des destinations TGV et Intercités sont présentées comme éligibles, Normands et Picards ne trouveront aucune offre dans leurs régions respectives ! En tout état de cause, les seuls trains éligibles Intercités sont ceux à réservation obligatoire. Ce qui est l’exception. Il faut tout lire !

La loterie du yield management ou quand un avantage profite d’abord à celui qui l’accorde

On le voit, le diable se cache dans les détails. Reste que sur l’essentiel, cet abonnement TGVmax pour illimité qu’il soit désigné ressemble comme une goutte d’eau à feu l’abonnement IDTGVMAX qu’IDTGV, transporteur ferroviaire pourtant censé être juridiquement distinct de la SNCF, abandonne simultanément. Il y a de ces coïncidences ! Une formule IDTGVMAX d’abonnement dont l’intérêt réel fut déjà fortement discuté.

Car, sur le fond, il ne s’agit pas tellement encore une fois de pouvoir voyager en illimité mais de participer à la loterie du yield management où c'est très souvent SNCF qui gagne ! « Dans la limite du quota de places attribuées », s’il n’y avait qu’une chose essentielle à retenir, c’est bien cette limitation. Et il est sans doute vain d’essayer d’obtenir de la SNCF des précisions sur le volume de ce quota de places afin de pouvoir juger de l’honnêteté commerciale de l’offre. Secret des affaires ne manquera-t-elle pas d’opposer.

En prévision d’un abandon à terme similaire à celui d’IDTGV pour sa formule expérimentale, les conditions générales de TGVmax annoncent déjà : « En tout état de cause, et par dérogation aux dispositions précédentes, SNCF Mobilités se réserve le droit de résilier l’ensemble des Abonnements TGVmax en cours de souscription, dont la date de souscription est antérieure à douze (12) mois, sous réserve d’en avertir chaque Payeur (et chaque Abonné lorsque l’Abonné est différent du Payeur) par email au moins trois (3) mois avant la date de résiliation effective des Abonnements ».

Dans la durée, il y aura donc peut-être des perdants mais ce ne pourra pas être la SNCF. Tant mieux dans un sens, car la SNCF c’est à nous tous et il faut bien qu’elle équilibre ses comptes. Mais à l’image de ce que des cheminots (principalement) échangent entre eux sur un réseau social on peut se demander pourquoi le consommateur n’est pas davantage protégé.

Alors, toujours que des bravos ?

PAT