Pour préserver ses recettes Pros, la SNCF mène la vie dure aux tarifs Loisir.

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Ne nous leurrons pas, et les études le montrent, tous les voyageurs qui prennent le train ne voyagent pas aux tarifs "pros". Mieux, une grande majorité d'entreprises font désormais la chasse aux prix, quitte à perdre leurs billets si le déplacement doit être changé. La traque aux tarifs préférentiels est ouverte depuis que le train coûte aussi cher (voire plus) que l'avion sur certaines destinations.

Un peu vite oublié mais, dès juin 2015 Rachel Picard, la directrice de SNCF Voyages,  avait prévenu : « En début d'année (2016, NDLR) il y aura un certain nombre de choses … ».

Début 2016, c’est maintenant. Voici donc venu le temps des échanges payants pour les billets de TGV. Et donc, au moins aussi agile dans la communication que son patron Guillaume Pepy, la brillante diplômée d’H.E.C. (qui a dit que SNCF n’était dirigée que par des Polytechniciens et autres Centraliens ?) vient d’en dire davantage à quelques journalistes.

Vous savez comment ça se passe ensuite ! Dès le lendemain, tous les médias font leurs titres sur les annonces de SNCF. C’est le seul transporteur, ou même la seule entreprise, qui, en modifiant ses conditions générales de vente, fait l’ouverture du journal télévisé ! Une compagnie aérienne par exemple devrait se contenter d’une brève dans votre infolettre préférée. Mais là, il s’agit de SNCF. Au moins, pour le coup, on ne reprochera pas à l’entreprise publique d’essayer de modifier ses conditions générales en douce comme on a pu ici même le dénoncer dans le passé.

Les journalistes confidents ont retenu une promesse de baisse de « certains billets TGV » (sic). Formulation et mécanismes suffisamment vagues pour que ça ne mange pas de pain. Et les promesses, comme chacun sait, n’engagent que ceux qui les écoutent. Mais aussi, ombre au tableau, des échanges payants. De la monnaie sonnante et trébuchante bien plus concrète. De quoi enflammer les commentateurs.

Oh, à vrai dire les échanges n’étaient auparavant toujours gratuits que pour les billets de la gamme Pro. Rien de changé pour eux. Ces derniers se plaignent déjà de payer trop cher. Ceci explique cela car leur facilité d’échange, à la SNCF comme ailleurs, les voyageurs d’affaires la paient déjà au travers d’un tarif de base majoré. Et mine de rien, renchérir indirectement l’offre Loisir par des pénalités d’échange, participe sans doute peu ou prou au maintien des voyageurs se déplaçant pour raison professionnelle dans leur bonne case tarifaire.

Pour les voyageurs de la gamme Loisir, l’échange n’était gratuit que jusqu’à la veille du départ (12 € le jour du départ). Dorénavant ce serait 5 € à toute date et même 15 € la veille ou le jour même du voyage initialement prévu. Sur des billets dont le prix moyen tourne autour de 50 €, ce n’est pas rien.

Argument de la directrice de SNCF Voyages : inciter les voyageurs à remettre plus tôt à disposition les places qu’ils n’utiliseront pas, pour pouvoir les vendre à d’autres voyageurs. Implicitement, les inciter aussi à s’abstenir de procéder à des échanges puisque facturé 5 € (par voyageur) dès le premier jour.

Et Rachel Picard de faire valoir que les organisations de consommateurs seraient d’accord ! On attendra toutefois le communiqué de la respectable FNAUT ou de la bouillante UFC-Que Choisir pour se faire une idée plus précise de cette improbable adhésion à la mesure.

La facturation d’un échange (à la fois frais de service et pénalité tarifaire) n’est qu’une partie du problème. Qui dit échange, dit voyageur modifiant son voyage au profit d’un autre horaire, d’une autre date. Sur la commande d’un autre billet, va s’imputer le montant issu de la restitution du premier titre de transport. Dans la pratique, ce n’est pas actuellement qu’une opération à 12 € (le jour de départ), ou à 5 ou 15 € demain. Car il faut aussi compter avec le fait que l’achat de remplacement bénéficie en général et par définition de moins d’anticipation. Et les prix bas, eux, en nécessitent de l’anticipation ! Ce qui conduit à ce que le voyageur Loisir n’y laisse pas seulement le prix de l’échange mais également la différence entre un tarif réduit ou très réduit et un autre qui l’est beaucoup moins, voire plus du tout !

La facture totale de l’échange est déjà souvent salée. Elle le sera encore davantage.

C’est sans doute de manière imprudente que Rachel Picard a cru pouvoir préciser que les organisations de consommateurs n’y voyaient pas d’inconvénient !

En tout cas, le dernier mot n’est pas dit. Et il n’appartiendra pas à Rachel Picard. S’agissant d’une modification des dispositions générales (cf. document Tarifs Voyageurs), une homologation de la tutelle de l’entreprise publique est nécessaire.

Nul ne doute que la Ministre en charge de la SNCF (Ségolène Royal), récemment empêtrée dans la tarification des péages d’autoroutes, va veiller à ce que ses services y regardent de plus près avant d’homologuer.

Quitte à ce que le Député Hervé Mariton (opposition) reprenne son rapport sur la politique tarifaire de la SNCF. Tiens, on l’a oublié aussi celui-là ! Le rapport, pas le Député.

PAT.